J-04-381
CCJA – PROCEDURE – POURVOI EN CASSATION – DEMANDE DE MISE EN ETAT – DECISION IMPLICITE DE REJET – DECISION DE PURE ADMINISTRATION JUDICIAIRE – RECOURS (NON).
ACTE UNIFORME – DROIT COMMERCIAL GENERAL – OBLIGATIONS ENTRE COMMERÇANTS OU NON COMMERÇANTS – DELAI DE PRESCRIPTION – ACTE INTERRUPTIF DE PRESCRIPTION.
Article 18 AUDCG
La décision implicite de rejet de la/demande de mise en état, étant une décision de pure administration judiciaire, elle ne peut faire l'objet de recours.
Les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivant par cinq (05) ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions plus courtes, le propriétaire disposait d'un délai de 5 ans à compter de l'exigibilité de chaque loyer pour réclamer le paiement. Dès lors, les loyers de Septembre 1983 à novembre 1994 sont frappés par la prescription. La sommation, premier acte de réclamation étant intervenue le 28 décembre 1999, le loyer de décembre 1994 à février 1995 ne sont pas concernés par la prescription quinquennale.
(C.C.J.A, ARRET N° 20 DU 17 JUIN 2002 , Affaire : E.A.J.C.I c/ . G., Le Juris Ohada, n° 3/2004, juillet –octobre 2004, p. 6, note Brou Kouakou Mathurin.- Recueil de jurisprudence de la CCJA, n° 3, janvier-juin 2004, p. 69).
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 2002 et formé par Maître Michel DAGO DJIRIGA, Avocat demeurant Immeuble CCIA. 3è étage. porte 13. 04 B.P. 1162 Abidjan 11 décembre à la Cour, Abidian 04 à Adjamé Mirador, Immeuble BIAO et ayant pour conseil Maître Vincent A YEPO, Avocat à la Cour, à Abidjan, y demeurant, Avenue Delafosse, Immeuble SINGER, 2è étage, 04 B.P. 1412 Abidjan 04, en cassation de l'Arrêt n° 683 rendu le 31 mai 2002 par la chambre civile et commerciale de la Cour d'appel d'Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement et contradictoirement, en matière civile et commerciale et en dernier ressort;
En la forme :
Reçoit Monsieur Z. G. en son appel Au fond : L'y dit bien fondé
Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau;
Constate qu'il y a prescription relativement aux loyers de septembre 1983 à novembre 1994;
Déclare en conséquence irrecevable l'action de M. E. concernant lesdits loyers;
Le déclare en revanche recevable mais mal fondé en sa demande de paiement des loyers de décembre 1994 à février 1995;
Le condamne aux dépens.
Le requérant invoque à !'appui de son pourvoi trois moyens de cassation tels qu'ils figurent à la requête annexée au présent arrêt;
Sur le rapport de Monsieur Jacques M'BOSSO, Premier Vice-Président;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA;
Attendu qu'il résulte de l'examen des pièces du dossier de la procédure qu'attributaire d'un Arrêté d'autorisation d'ouverture d'une boulangerie à Marcory, Monsieur E., de nationalité ivoirienne, transporteur demeurant à Marcory, boulevard du Gabon, 05 BP. 332 Abidjan 05 avait conclu le 28 septembre 1983 avec Monsieur Z., également de nationalité ivoirienne, commerçant domicilié à Adjamé Mirador, Immeuble BIAO, un contrat par lequel il avait concédé à celui-ci la réalisation et la gérance de la boulangerie dont l'ouverture lui était autorisée moyennant le versement d'un loyer trimestriel de 600.000 F CFA durant les cinq premières années d'exploitation avec un différé de trois mois non payables et un loyer trimestriel de 900.000 F CFA durant les cinq dernières années; que par lettre datée du 17 février 1995, Monsreur Z. avait dénoncé ledit contrat; que suite à cette rupture unilatérale du contrat, Monsieur E. a demandé à Z de lui payer les arriérés de loyers quI s'élevaient à la somme de 13.950.000 F CFA et se décomposaient comme suit :
– loyers dus au titre des 5 premières années de la période de 10 ans 2.850.000 - loyers dus au titre des 5 dernières années de la période de 10 ans 9.000.0000 - loyers dus suite au renouvellement du contrat de 1994 à 1995 2.100.000;
– que n'obtenant pas satisfaction par la voie amiable, Monsieur E. fit servir le 28 décembre 1999 à Z. sans succès un commandement de payer, puis, sans plus de succès, condamnation de payer le 07 mars 2000 avant de saisir du litige le Tribunal de première :e d'Abidjan - Plateau; que statuant sur le litige, ledit Tribunal a par son Jugement contradiictoire n° 400 du 16 mai 2001 accédé à la demande de Monsieur E. en condamnant Z. à payer à celui-ci les arriérés de loyers réclamés; que par exploit du 14 002 du ministère de Maître DAIPO AYEPO Justine, huissier de justice, Monsieur Z. jeté appel dudit jugement devant la Cour d'appel d'Abidjan, laquelle a infirmé le jugement entrepris par son Arrêt n° 683 du 31 mai 2002, objet du présent pourvoi;
Sur le premier moyen
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir omis de statuer sur un chef de … au motif que selon les articles 47.3 et 48, alinéas 1,4 et 5 du Code ivoirien de ure civile, commerciale et administrative, « si au jour fixé pour l'audience les parties comparaissent ou sont régulièrement représentées, le Tribunal peut :
3°/- soit renvoyer l'affaire devant le Président d'audience ou devant le juge qu'il désigne parmi les juges de la formation de jugement pour être mise en état par ses soins et le juge chargé de la mise en état, comme il est dit à l'article précédent, doit prendre mesures qui lui paraissent nécessaires pour parvenir à une instruction parfaite de l’affaire.
A cet effet, il peut notamment :
4 °/- procéder à une enquête d'office ou à la demande des parties ou commettre un Jn autre ressort à cet effet;
5°/- ordonner une expertise, une vérification d'écriture, une descente sur les lieux, parution personnelle des parties, déférer d'office le serment ou commettre un r de justice pour procéder à des constatations »; qu'ayant sollicité dans ses;ions des 22 avril et 16 mai 2002 des juges de la Cour d'appel, la mise en état par les textes sus énoncés à l'effet de prouver que Monsieur Z. a confectionné un 1 par imitation pour se faire établir des reçus de paiement, lesdits juges ont volontairement refusé de se prononcer sur cette demande de mise en état dont l'unique it pourtant de mettre à nu la fausseté des reçus produits par Monsieur Z.; que ce « la Cour d'appel d'Abidjan Plateau a incontestablement omis de statuer et sa n dont pourvoi doit être sanctionnée en application de l'article 206-2° du Code de ure précité qui énumère les 8 cas d'ouverture de pourvois de cassation »;
Attendu que l'article 47, alinéa 5, sus énoncé du Code ivoirien précité dispose que « les décisions du Tribunal visées au présent article sont des décisions de pure administration judiciaire contre lesquelles aucun recours n'est possible. Elles seront mentionnées au registre d'audience ».
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 47, alinéa 5, ci-dessus que la décision implicite de rejet de la demande de mise en état formulée par Monsieur E. est une décision de pure administration judiciaire qui ne peut faire l'objet de recours; qu'il échet, en conséquence, de rejeter ce moyen comme étant non fondé;
Sur le deuxième moyen
Attendu qu'il est également reproché à l'Arrêt attaqué d'avoir violé la loi ou commis une erreur dans son application ou son interprétation au motif qu'en considérant que l'article 18 de l'Acte uniforme portant sur le droit commercial général édicte une prescription de 5 ans, s'agissant des obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants et qu'il en résulte que Monsieur E. disposait d'un délai de 5 ans à compter de l'exigibilité de chaque loyer pour réclamer le paiement; qu'ainsi, les loyers de septembre 1983 à novembre 1994 sont frappés par la prescription, étant entendu que la sommation du 28 décembre 1999 est le premier acte de réclamation de Monsieur E. alors qu'il a été servi à Monsieur Z, le 28 décembre 1999 un commandement de payer qui interrompt 1a prescription aux termes dei 'article 2244 du Code civil, la Cour d'appel d'Abidjan -Plateau a violé lesdites dispositions et exposé son arrêt à la cassation en application de l'article 206.1 du Code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative;
Attendu qu'aux termes de l'article 18 de l'Acte uniforme portant sur le droit commercial général, « les obligations nées à !'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants, se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions plus courtes »;
Attendu par ailleurs qu'il est de principe qu'« une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompt la prescription ainsi que les délais pour agir »;
Attendu qu'en l'espèce les arriérés de loyers considérés comme dûs par Z. à E. sont répartis sur la période allant de la date de conclusion du contrat par ceux-ci soit le 28 septembre 1983 à la date de dénonciation dudit contrat, soit le 23 février 1995; que ledit contrat signé le 28 septembre 1983 prévoyait un différé de trois mois non payables et non compris dans sa durée; qu'ainsi les loyers dus au titre de la période allant du 28 décembre 1983 au 28 décembre 1993 soit deux périodes consécutives de cinq ans auraient dû être réclamés pour interrompre la prescription avant chaque échéance de cinq ans; qu'il n'en a point été ainsi; que c'est seulement le 28 décembre 1999 que Monsieur E. a servi à Monsieur Z. un commandement de payer interruptif de la prescription; qu'il suit qu'en considérant au regard des normes juridiques sus-rappelées « que Monsieur E. disposait d'un délai de 5 ans à compter de l'exigibilité de chaque loyer pour réclamer le paiement; ainsi les loyers de septembre 1983 à novembre 1994 sont frappés par la prescription étant entendu que la sommation du 28 décembre 1999 est le premier acte de réclamation de Monsieur E.[et qu']il suit que les loyers de décembre 1994 à février 1995 ne sont pas concernés par la prescription quinquennale », la Cour d'appel d'Abidjan - Plateau n'a ni violé les dispositions sus énoncées, ni erré dans leur application ou leur interprétation; qu'il y a lieu en conséquence de rejeter ce moyen comme étant non fondé;
SUR LE TROISIEME MOYEN
Attendu qu'il est enfin reproché à l'arrêt attaqué un défaut de base légale résultant de l'absence, de l'insuffisance, de l'obscurité ou de la contrariété des motifs en ce que Monsieur Z, en exécution partielle du contrat du 28 septembre 1983, devait payer à son co-contractant Monsieur E. pour la période allant de décembre 1994 à février 1995 la somme de 4.200.000 F CFA; qu'il ne s'est libéré que de la moitié de cette somme et restait devoir 2.100.000 F CFA; qu'en cause d'appel, il a produit des reçus de paiement de ce reliquat alors que ni devant l'officier ministériel instrumentaire, ni devant le premier juge, il n'a produit lesdits reçus; qu'en ne rejetant pas ces reçus qui devraient être considérés comme des pièces nouvelles et en concluant automatiquement, selon le moyen, que les loyers de la période de 1994 à 1995 ont été payés après avoir retenu la prescription pour le reste, la Cour d'appel d'Abidjan n'a pas donné de base légale à son arrêt qui encourt cassation de ce chef;
Mais attendu que l'appréciation des faits relève du pouvoir souverain des juges du fond, lesquels leur accordent la valeur qu'ils estiment leur reconnaître après examen; que c'est après avoir'souvêrainement apprécié les reçus produits par Z que la Cour d'appel a conclu qu'ils constituaient la preuve du paiement des loyers de décembre 1994 à février 1995 et qu'il y avait lieu de débouter Monsieur E. de sa demande; qu'il échet en conséquence de rejeter également ce moyen comme étant non fondé;
Attendu que Monsieur E. ayant succombé, doit être condamné aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré, Rejette le pourvoi formé par Monsieur E.; Le condamne aux dépens.
Président M. Seydou BA
Note
Quel est le délai de prescription des obligations des commerçants? Aux termes de l'article 18 de l’acte uniforme portant Droit commercial général, le délai de prescription des obligations, nées à l'occasion du commerce entre commerçants ou entre un commerçant et un non commerçant, est de cinq ans (sauf si un délai plus court a été prévu, comme en matière de vente commerciale où il est de deux ans : article 274).
Cette prescription plus courte s'explique, notamment, par,le fait que la sécurité et la rapidité des transactions, en la matière, s'accommodent mal de la nécessité de faire peser indéfiniment la menace de poursuite judiciaire sur les débi(eurs (dans ce sens Voy Akueté Pedro Santos et Jean Yado Toé, OHADA, droit commercial général, Bruylant 2002, n° 46 Page 27; Boris Martor et autres, le Droit uniforme Africain des affaires issu de l'OHADA, Litec 2004 n° 147 page 38).
C'est ce qui explique donc la prescription qui a frappé les loyers exigibles de septembre 1983 à novembre 1994.
Quant à ceux de décembre 1994 à février 1995, ils ne sont pas frappés parla prescription, le commandement de payer de décembre 1999 l'ayant interrompue, l’Acte uniforme n'ayant pas prévu, en ce qui concerne les obligations, de prescription plus courte (comme pour !a vente commerciale), c'est la prescription quinquennale qui s'applique.
BROU Kouakou Mathurin