J-04-384
CCJA – COMPETENCE – CONDITIONS – ARBITRAGE – INSTANCE ARBITRALE ANTERIEURE A L’ENTREE EN VIGUEUR DE L4ACTE UNIFORME- APPLICATION DE L'ACTE UNIFORME (NON) – INCOMPETENCE DE LA CCJA.
Les conditions de compétence de la CCJA en matière d’arbitrage ne sont pas réunies, dès lors que l'instance arbitrale est née avant l'entrée en vigueur de l'acte uniforme relatif à l'arbitrage.
Par conséquent, elle doit se déclarer incompétente.
(ARRET N°23 DU 17 JUIN 2004, Affaire : Parti Démocratique de Côte d'Ivoire dit PDCI-RDA CI Société J & A International Compagnie SARL, Le Juris Ohada n° 3/2004, juillet-octobre 2004, p. 24, note BROU Kouakou Mathurin.- Recueil de jurisprudence de la CCJJA, n° 3, janvier-juin 2004, p. 40 ).
Sur le renvoi, en application de l'article 15 du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l'affaire Parti Démocratique de Côte d'Ivoire dit PDCI-RDA contre Société J et A International par Arrêt n° 784/02 en date du 12 décembre 2002 de la Cour Suprême de Côte d'Ivoire, Chambre judiciaire, saisie d'un pourvoi initié le 23 novembre 2001 par Maître KOSSOUGRO Sery, Avocat à la Cour d'appel d'Abidjan, y demeurant au 3, rue JESSE Owens, 14 B.P. 279 Abidjan 14, agissant au nom et pour le compte du Parti Démocratique de Côte d'Ivoire dit PDCI-RDA, enregistré sous le n° 1791 du 23 novembre 2001 contre l'Arrêt no428 rendu le 20 avril 2001 par la Cour d'appel d'Abidjan au profit de la Société J et A International et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière de recours en annulation et en dernier ressort;
En la forme.
Déclare le PDCI recevable en son recours en annulation de la sentence arbitrale;
Au fond :
– L'y dit mal fondé;
– Rejette le recours en annulation de la sentence arbitrale du 05 novembre 1999; - Condamne le PDCI aux dépens ».
Le requérant invoque à l'appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu'ils figurent à la requête annexée au présent Arrêt;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Doumssinrinmbaye BAHDJE;
Vu les dispositions des articles 14 et 15 du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique;
Vu les dispositions du Règlement de procédure dr la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA :
Sur la compétence
Attendu que le pourvoi fait d'abord grief à l'arrêt attaqué d'avoir violé les dispositions de l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage, en ce que la Cour d'appel a jugé que le litige opposant les parties ayant été initié sur la base de la loi n° 93-67 1 du 9 août 1993 relative à l'arbitrage applicable en Côte d'Ivoire, les dispositions du Traité OHADA relatives à l'arbitrage n'ont pas vocation à s'appliquer dans l'espèce; qu'ensuite le pourvoi reproche à l'arrêt déféré d'avoir violé l'article 26 alinéa 1 de l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage, en ce qu'il a rejeté le recours en annulation formé alors même que, selon le requérant, aucune convention ne le lie à la Société J et A International au regard des faits et des circonstances de la cause; qu'en outre, le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir violé l'article 1er alinéa 2 de la loi ivoirienne n° 93-671 du 9 août 1993, parce que la Cour a jugé que 1 e PDCI-RDA pouvait valablement stipuler une clause compromissoire alors que, toujours selon le requérant, une telle clause ne peut être stipulée en matière interne qu'entre commerçants; que le PDCI-RDA n'étant pas commerçant, ne pouvait stipuler une telle clause; qu'enfin, le pourvoi reproche à l'arrêt déféré d'avoir été insuffisamment motivé, en ce que « la Cour, sans rechercher dans les circonstances de la cause des éléments pouvant prouver univoque (sic) à commercer avec [la Société J et A International] ou passer commandes auprès de cette dernière, s'est fondée sur une théorie fumeuse aux contours mal définis comme la « théorie de l'apparence » pour faire du [requérant] le partenaire commercial de la [défenderesse au pourvoi] et partant, son débiteur »;
Mais attendu que l'article 14 du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique édicte que la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) assure dans les Etats Parties l'interprétation et l'application commune des Actes uniformes et, « saisie par la voie du recours en cassation, se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d'appel des Etats Parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l'application des Actes uniformes et des Règlements prévus au présent Traité à l'exception des décisions appliquant des sanctions pénales », ainsi que « dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d'appel rendues par toute juridiction des Etats Parties dans les mêmes contentieux »;
Attendu en l'espèce que l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage auquel se réfère le requérant a été adopté le 11 mars 1999; qu'il édicte en son article 35 que « le présent Acte uniforme tient lieu de loi relative à l'arbitrage dans les Etats parties.
Celui-ci n'est applicable qu'aux instances arbitrales nées après son entrée en vigueur »; que l'alinéa 2 de l'article 36 du même Acte uniforme précise qu' « il entrera en vigueur conformément aux dispositions de l'article 9 du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique », soit le 11juin 1999;
Attendu qu'au regard des dispositions susmentionnées, il apparaît clairement que l'Acte uniforme susvisé ne pouvait être applicable à l'instance arbitrale du fait même de l'antériorité de celle-ci; qu'en effet ladite instance arbitrale est née le 13 octobre 1998, soit avant l'entrée en vigueur de l'Acte uniforme susvisé; qu'il s'ensuit que les conditions de compétence de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de 1'OHADA en matière contentieuse telles que précisées à l'article 14 du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique ne sont pas réunies; qu'il échet en conséquence de se déclarer incompétent et renvoyer l'affaire devant la Cour Suprême de COTE D'IVOIRE;
PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, après en avoir délibéré, - Se déclare incompétente;
– Renvoie J'affaire devant la Cour Suprême de COTE D'IVOIRE;
Président M. Seydou BA
Note
A quelle condition un Acte Uniforme, en l'occurrence l'Acte Uniforme relatif à l'Arbitrage peut-il être appliqué à un contentieux?
En se déclarant incompétente, parce que l'instance arbitrale est née avant l'entrée en vigueur de l’Acte Uniforme (relatif à l’arbitrage), la CCJA ne fait que rappeler sa jurisprudence bien établie en la matière, selon laquelle le contentieux ne peut lui être soumis que s'il est postérieur à l'entrée en vigueur de l’Acte, autrement dit, si l'Acte est entré dans l'ordonnancement juridique de l'Etat partie du demandeur.
Ainsi, tout contentieux né antérieurement à l'entrée en vigueur d'un Acte Uniforme ne relève
pas de la compétence de la CCJA (Voy,BROU Kouakou Mathurin, "Le contentieux des actes uniformes" in Juris OHADA N°02/03, p.2; CCJA, arrêts n° 01 et 03 du 11 octobre 2001 pour les actes portant respectivement Recouvrement de Créance et Droit Commercial Général; in Juris OHADA no1/02,p.8 et 11 (Ohadata J-02-08 et Ohadata J-02-11);
Dans ce cas, c'est la juridiction suprême nationale qui est compétente pour connaÎtre du contentieux (dans ce sens, voir CCJA, arrêt no18 du 2 avriI2004, pour l'application de l'Acte
portant Droit Commercial Général, in Juris OHADA N°2/04, p. 57 (OHADATA J-0). Concernant précisément l’Acte Uniforme relatif à l’Arbitrage, la CCJA a eu déjà l'occasion d'appliquer la règle. L'Acte ne pouvait trouver application à l'instance arbitrale du fait de l'antériorité de celle-ci, à 1’Acte (voir arrêt N°01 de janvier 2004, in Juiris OHADA no2/2002, p.14 (Ohadata J-02-23)).
BROU Kouakou Mathurin