J-04-391
DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – RESILIATION – CONGE INFERIEUR AU PREAVIS LEGAL – SUPPLEANCE (NON).
ACTE UNIFORME – DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – REFUS DE RENOUVELLEMENT PAR LE BAILLEUR – MOTIF ILLEGAL – INDEMNITE D'EVICTION (Oui).
– En donnant 3 mois de congé au lieu de 6 mois comme prévu par l'article 93 de l'Acte uniforme portant Droit commercial général, le bailleur a violé une disposition d'ordre public. Le fait pour le locataire de n'avoir libéré les lieux que 6 mois après le préavis de congé ne peut suppléer cette insuffisance.
– Le bailleur doit être condamné à payer une indemnité d'éviction dès lors le motif invoqué d'entreprendre des travaux de rénovation n'est pas légitime comme n'étant pas conforme au motif présent par l'article 95 de l'Acte uniforme précité »
Article 93 AUDCG
Article 95 AUDCG
(SECTION DU TRIBUNAL DE TOUMODI JUGEMENT N°09 DU 18 JANVIER 2001 Affaire : Dame K. CI B. Le Juris Ohada, n° 3/2004, juillet-octobre 2004, p. 52, ).
LE TRIBUNAL
Ouï les parties en leurs conclusions;
Vu les pièces du dossier;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que suivant exploit en date du 20/09/2000 de Maître KALEUKEU DELACLE, huissier de Justice à Toumodi, Dame K. a assigné par devant le Tribunal civil de céans, B. pour solliciter la condamnation de celui-ci à payer la somme de 1.432.000F à titre de dommages et intérêts;
Attendu qu'elle explique que le 14/01/1997, suivant un contrat verbal, elle a pris en location avec B. i un local sis derrière le centre Mô Faitai à Yamoussoukro moyennant un loyer mensuel de 60.000 f, afin d'y exercer une activité commerciale;
Qu'elle ajoute qu'en plus d'un cautionnement de 360.000F versé avant d'entrer en jouissance dudit local, elle paie régulièrement le loyer mensuel;
Qu'elle a également effectué avec l'accord du bailleur, tous les aménagements nécessaires à son activité commerciale, d'où elle tire des revenus substantiels;
Attendu qu'elle fais savoir que le 06/03/2000, B. lui a notifié par une simple correspondance, "un préavis de cessation de location" avec pour tout délai de congé, 03 mois, au motif qu'il entreprendrait des travaux relatifs à l'immeuble dont s'agit;
Que s'agissant d'un bail à usage commercial, l'article 93 du traité OHADA relatif au droit commercial général prescrit que le congé doit être donné par acte extra-judiciaire au moins 6 mois à l'avance;
Qu'au surplus, l'article 95 ajoute que le bailleur ne sera pas contraint de payer l'indemnité d'éviction que s'il envisage de démolir l'immeuble comprenant les lieux loués et de le reconstruire;
Dans ce cas, il devra justifier de la nature et de la description des travaux projetés;
Que n'ayant satisfait à aucune de ces conditions, B. doit être condamné à lui payer une indemnité d'éviction, d'un montant de 1.432.000F, calculée en tenant compte du montant du chiffre d'affaires, des investissements réalisés et de la situation géographique du local;
Qu'il sollicite également l'exécution provisoire du jugement à intervenir;
Attendu que dans un mémoire en date du 09/11/2000, elle réévalue son préjudice en sollicitant la somme de 1.252.000F représentant les sommes investies pour l'aménagement du magasin, et 2.399.855 f en réparation des préjudices subis sur le chiffre d'affaires depuis le mois de Mars 2000;
Attendu que B. réplique aux prétentions de dame K. en indiquant qu'étant au départ opposé aux modifications et aménagements que voulait apporter celle-cI au local loué pour les besoins de son commerce, il a fini par les accepter à la condition qu'elle supporterait toute seule les frais qu'occasionneraient ces travaux;
Qu'au demeurant, il est constant en droit que le commerçant qui transforme le local loué pour les besoins de son exploitation, prend en charge la totalité des frais occasionnés;
Qu'en tout état de cause, les objets mobiliers que dame K. ne peut par conséquent se prévaloir d'un quelconque préjudice de ce fait;
Attendu qu'il poursuit pour dire que le préavis de cessation de location se justifie par les travaux de rénovation devant être entrepris dans son immeuble;
Que la reprise des lieux loués en vue d'une rénovation constitue un motif légal de rupture du contrat de bail;
Qu'en ce qui concerne le préavis, en dépit des 3 mois de congé accordés à la demanderesse, celle -ci n'a libéré le local que 6 mois de congé prévu par la loi pour le bail à usage commercial;
Que dès lors, elle ne peut non plus se prévaloir d'une quelconque indemnité d'éviction;
Attendu qu'il indique enfin que la d~manderessE? lui reste recevable d'un mois de loyer impayé;
Qu'il sollicite la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 60.000f correspondant au loyer mensuel échu et impayé;
LES MOTIFS
1/ SUR LES DOMMAGES ET INTERETS SOLLICITES
Attendu qu'aux termes de l'article 93 du traité OHADA relatif au droit commercial
général, dans le cas d'un bail à durée indéterminée, toute partie qui entend le résilier doit donner congé par acte extra-judiciaire au moins six (06) mois à l'avance;
Attendu qu'en l'espèce, B. , a donné congé par une simple correspondance, et 03 mois à l'avance au lieu de 06 mois, comme prévu par le texte susvisé, violant ainsi une disposition d'ordre public au regard de l'article 102 du traité OHADA susdit;
Que dès lors, le fait pour dame K. de n'avoir libéré les lieux que 06 mois après le préavis de congé ne peut suppléer cette insuffisance;
Attendu d'autre part qu'aux termes de l'article 95 dudit traité (sic) OHADA, le bailleur qui s'oppose au renouvellement du bail à durée indéterminée ne peut être dispensé au paiement de l'indemnité d'éviction que s'il envisage de démolir l'immeuble comprenant les lieux loués et de le reconstruire;
Attendu qu'en l'espèce, le motif invoqué par B. d'entreprendre des travaux de rénovations n'est pas légitime comme n'étant pas conforme au motif prescrit par l'article susvisé;
Que de ce qui précède il résulte que le bailleur doit être condamné à payer l'indemnité d'éviction, fixée selon l'article 94, en tenant compte du montant du chiffre d'affaires, des investissements réalisés par le preneur et de la situation géographique du local;
Attendu que dame K. a sollicité à titre de dommages et intérêts, toutes causes de préjudices confondues, la somme de 3.651.855;
Attendu qu'au regard des énonciations de l'article 94 susvisé il est juste de réduire le montant sollicité à la somme de 2.500.000F, au titre dei 'indemnité d'éviction, et de condamner B. à payer cette somme;
2) SUR LE LOYER.IMPAYE
Attendu que B. revendique 1 e paiement à son profit d'un mois de loyer échu et impayé, soit la somme de 60.000 f;
Attendu cependant qu'il n'en rapporte aucune preuve;
Qu'il y a lieu de rejeter sa demande comme étant injustifiée;
3) SUR L'EXECUTION PROVISOIRE
Attendu que Dame K sollicite l'exécution provisoire du jugement à intervenir;
Que cependant, les conditions prescrites par les articles 145 et suivants du code de procédure civile ne sont pas réunies;
Qu'il a lieu de rejeter cette demande;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort; Déclare K. recevable en sa demande reconventionnelle; Dit B. recevable en sa demande reconventionnelle; Dit B. mal fondé;
Rejette sa demande de payement d'arriérés de loyer; Dit K. bien fondée en son action;
Condamne B. à lui payer la somme de 2.500.000F au titre de l'indemnité d'éviction;
Rejette sa demande d'exécution provisoire;
Président M. AKA Allou