J-04-400
DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL A DUREE DETERMINEE – RENOUVELLEMENT PAR TACITE RECONDUCTION – NON RENOUVELLEMENT DE BAIL – DROIT AU RENOUVELLEMENT DU BAIL -ARTICLE 91 AUDCG.
NON PAIEMENT DE LOYERS – CLAUSE CONTRACTUELLE DE RESILIATION – PRESCRIPTIONS – DEMANDE RECONVENTIONNELLE , EXPULSION.
EXPLOIT DE NON RENOUVELLEMENT DE BAIL , NULLITE D’EXPLOIT DE NOTIFICATION. IRRECEVABILITE DE L’EXPLOIT DE NON RENOUVELLEMENT DU CONTRAT DE BAIL NOTIFIE – NULLITE DE L’EXPLOIT DE NOTIFICATION.
Dans le cas du bail à durée déterminée, le preneur a droit au renouvellement de son bail. Le preneur qui a droit au renouvellement de son bail peut demander le renouvellement par acte extra judiciaire, au plus tard trois (3) mois avant la date d’expiration du bail. Le preneur qui n’a pas formé sa demande de renouvellement dans ce délai est déchu du droit au renouvellement du bail.
Le contrat est la loi des parties. L’intention de résilier le contrat doit être portée par la partie qui en prend l’initiative, au moins trois (3) mois à l’avance à titre de préavis.
Le non respect des formes prévues par le contrat par l’une des parties quant à sa durée et sa résiliation fait échec à la notification de l’exploit de non renouvellement du contrat de bail, ce qui entraîne le prononcé de son irrecevabilité.
Article 91 AUDCG
Article 92 AUDCG
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE COTONOU (BENIN), Jugement Contradictoire N°011/ 1ère C. Com du 19 mai 2003, DOSSIER N°189 / 2001, ETABLISSEMENTS CEDIS C / Héritiers AHO Philippe.
LE TRIBUNAL
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs moyens, fins et conclusions;
Le Ministère Public en ses Réquisitions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
DES FAITS
Par assignation en date à Cotonou du 26 Octobre 2001 du Ministère de Maître Mougni, Huissier de Justice , les Etablissements CEDIS représentés par Antoine ADANDOTOHOU, assistés de Maître Cosme Amoussou, Avocat à la Cour, ont attrait devant le Tribunal de céans, les Héritiers AHO Philippe ayant pour conseil Maître AHOUNOU Prosper, demeurant au carré 513 Jéricho Cotonou pour :
Voir constater que l’exploit de notification du 19 Octobre 2001 est nul et irrecevable;
Que ledit exploit est mal fondé au regard des dispositions du contrat de bail liant les parties et au regard de l’usage qui s’est établi entre elles depuis une décennie;
Que le contrat de bail du 29 Octobre 2001 est tacitement reconduit entre les parties;
Condamner les requis aux dépens;
Au soutien de ses prétentions, il précise que les héritiers AHO Philippe lui ont notifié un non renouvellement de bail;
Qu’ils y évoquent pèle mêle un non paiement de loyers et un exploit de notification en date du 18 Février 2000 par lequel le CEDIS aurait sollicité un renouvellement du bail conformément aux articles 91 et suivants de l’Acte Uniforme de l’OHADA »;
Que le non paiement de loyers évoqué n’est pas fondé et ne peut être prouvé;
Que l’exploit de notification du 18 Février 2000 n’a pu être fait « conformément aux articles 91 et suivants de l’Acte Uniforme » puisque lesdits articles prescrivent les délais d’une telle demande;
Qu’un tel exploit est dépourvu de tout effet juridique voire inexistant;
Qu’il est même irrecevable tant en la forme qu’au fond;
Qu’en la forme, il ne précise pas la personne à l’origine de l’action , au fond , le contrat de bail conclu le 29 Octobre 1992 a prévu les modalités et la possibilité pour chaque partie de mettre fin au contrat;
Qu’à ce jour conformément aux règles générales relatives aux contrats de location et à l’usage qui s’est établi entre les parties, le bail les liant s’est toujours renouvelé par tacite reconduction;
Que le bailleur n’ayant pas fait jouer la clause contractuelle de résiliation en faisant connaître son intention à l’autre par écrit trois (3) mois à l’avance, la reconduction est acquise comme cela a été le cas jusqu’ici;
Que le bailleur a accepté le paiement des loyers qui a été effectué par le requérant qui couvre jusqu’à Janvier 2002;
Qu’il y a lieu de recourir à Justice;
Dans ses conclusions en date du 23 Février 2002 Maître AHOUNOU Prosper Conseil des défendeurs, expose que ses clients, les héritiers AHO Philippe ont donné à bail à usage commerciale aux Etablissements CEDIS leur immeuble sis au carré 513 à Jéricho Cotonou;
Que ledit bail a pris effet le 1er Novembre 1992 et précise qu’il est de trois (3) renouvelable par tacite reconduction;
Qu’en vertu de cela, le premier contrat qui arrivait à expiration le 31 Octobre 1995 a été reconduit le 1er Novembre 1995 pour expirer le 31 Octobre 1998 puis du 1er Novembre 1998 pour prendre fin le 31 Octobre 2001;
Qu’alors que le bail venait à expiration le 31 Octobre 2001, les Etablissements CEDIS n’ont pas notifié aux concluants leur intention de le faire reconduire conformément aux prescriptions de l’article 92 de l’OHADA, acquiesçant ainsi à sa résiliation;
Que prenant acte de cet acquiescement les héritiers AHO ont notifié aux demandeurs leur intention de mettre fin à leurs relations contractuelles;
Que c’est en cet état que le 26 Octobre 2001, les Etablissements CEDIS ont cru devoir les attraire devant le Tribunal de Céans;
Qu’ils sollicitent du Tribunal constater que l’exploit de notification du 19 Octobre 2001 est irrecevable car il ne précise pas la personne à l’origine de l’action et ne respecte pas les prescriptions de leur contrat;
Que les nullités ne peuvent être prononcées qu’autant qu’un texte de loi les a prévues ou qu’autant qu’il en est résulté un grief pour celui qui les invoque;
Qu’il s’agit là de conditions cumulatives, et que le défaut de l’une d’entre elles fait échec au prononcé de la sanction;
Qu’en l’espèce, les Etablissements CEDIS n’indiquent pas et n’offrent même pas d’indiquer le texte de loi qui prévoit la nullité dont ils excipent et ne rapportent pas la preuve d’un grief que leur aurait causé l’exploit incriminé;
Que dès lors, le moyen tiré de la nullité de l’exploit est inopérant en l’espèce et dénote de leur mauvaise foi;
Que les Etablissements CEDIS font en outre plaider que le bail des parties a été tacitement reconduit;
Qu’il convient d’objecter que le bail conclu entre les parties est à durée déterminée que le 1er a couru du 1er Novembre 1992 au 31 Octobre 1995 et le second du 1er Novembre 1995 au 31 Octobre 1998 et le 3ème du 1er Novembre 1998 au 31 Octobre 2001;
Que le bail dont s’agit est un bail commercial et que s’agissant de bail commercial l’article 92 OHADA dispose que « dans le cas du bail à durée déterminée, le preneur qui a droit au renouvellement de son bail peut demander le renouvellement par acte extra judiciaire, au plus tard trois (3) mois avant la date d’expiration du bail le preneur qui n’a pas formé sa demande de renouvellement dans ce délai est déchu du droit au renouvellement du bail… »;
Que ni les parties ni le juge ne peuvent déroger à ces dispositions qui sont d’ordre public et s’imposent à tous;
Qu’en application desdites dispositions, les Etablissements CEDIS devraient avoir formé la demande de renouvellement le 1er Août 2001 au plus tard, ce qui n’a pas été fait;
Qu’ils sont donc déchus de leur droit au renouvellement;
Que c’est à tort qu’ils soutiennent que le bail a été tacitement reconduit;
Qu’ils occupent l’immeuble des concluants sans titre ni droit;
Que les héritiers AHO se portent demandeurs reconventionnels et sollicitent l’expulsion pure et simple des Etablissements CEDIS et celle de tous occupants de leur chef;
Dans ses écritures en réplique, Maître Cosme. Amoussou, Conseil des Etablissements CEDIS précise que les héritiers AHO, évoquent pour soutenir le non renouvellement du bail, le non paiement de loyers par les Etablissements CEDIS;
Que le non paiement de loyers n’est pas fondé et ne peut être prouvé;
Que l’exploit délaissé aux Etablissements CEDIS est nul et irrecevable dans la mesure où le contrat du 29 Octobre 1992 conclu par les parties a prévu la possibilité et les modalités pour les parties de mettre fin au contrat, surtout qu’à ce jour le contrat s’est toujours renouvelé par tacite réduction;
Que le bailleur n’ayant pas fait jouer la clause contractuelle de résiliation en faisant connaître son intention à l’autre par écrit trois (3) mois à l’avance, la reconduction est acquise comme cela a été jusqu’ici, étant donné que les loyers versés par le requérant couvrent jusqu’à Janvier 2002;
Que l’exploit de non renouvellement est nul, irrecevable et mal fondé car contraire aux clauses du contrat de bail qui lie les parties, car il appartient aux bailleurs s’ils avaient l’intention de mettre fin au bail, de faire connaître leur intention au preneur en bail trois (3) mois à l’avance, alors qu’en espèce, les héritiers AHO ont adressé leur « non renouvellement de bail », à CEDIS le 19 Octobre 2001 soit seulement onze (11) jours avant la date présumée d’expiration du bail;
Que cette notification est contraire au bail du 29 Octobre 1992 et est intervenue en violation des dispositions du contrat;
Que les héritiers AHO sont de mauvaise foi;
Qu’ils soutiennent que les requérants n’ont pas respecter les dispositions de l’article 92 de l’Acte de l’OHADA; ce qui de toute évidence est injustifié, car il est manifeste que le concluant a parfaitement respecté les dispositions de l’article 92 de l’Acte OHADA cité par les défendeurs, car il a sollicité le renouvellement par acte extra judiciaire trois (3) mois avant la date d’expiration;
Attendu qu’il résulte du dossier que les Etablissements CEDIS et les héritiers AHO ont conclu un contrat de bail;
Que ledit contrat en date du 29 Octobre 1992 précise en ses dispositions notamment celles relatives à la durée que « le présent bail est consenti et accepté pour une durée de trois (3) ans renouvelable qui a commencé à courir à compter du 1er Novembre 1992 par tacite reconduction. Chacune des parties a la possibilité de résilier le présent bail en faisant connaître son intention à l’autre par écrit trois (3) mois à l’avance à titre de préavis »;
Attendu que le contrat ainsi libellé et très explicite par rapport à sa durée;
Que le contrat est signé pour trois (3) ans renouvelable ou que la partie qui entend la résilier doit en aviser l’autre par écrit trois (3) mois à l’avance; autrement dit, que la reconduction se fera automatiquement en cas de non réaction de l’une ou l’autre partie;
Qu’il s’agit d’une tacite reconduction;
Que le contrat étant la loi des parties, il en résulte que ses termes s’imposent à elles;
Que c’est cette tacite reconduction qui a toujours été de mise entre les parties;
Qu’ainsi le contrat signé le 29 Octobre 1992 et qui a pris effet le 1er Novembre 1992 arrivait à expiration le 29 Octobre 1995 et reconduit tacitement du 1er Novembre 1995 pour expirer le 31 Octobre 1998;
Que suivant cette logique, le contrat devait être reconduit le 1er Novembre 1998 pour expirer le 31 Octobre 2001;
Que les défendeurs arguent de ce que les Etablissements CEDIS n’ont pas notifié leur intention de le faire reconduire et acquiescent ainsi sa résiliation;
Attendu que cette façon de voir les choses par les défendeurs n’est pas réaliste et n’obéit pas aux termes du contrat qui prévoit de façon très explicite que l’intention de résilier doit être portée par la partie qui en prend l’initiative, au moins trois (3) mois à l’avance à titre de préavis;
Que cette formalité n’ayant pas été respectée, c’est à tort que les héritiers AHO ont notifié le non renouvellement du contrat à la requérante;
Qu’il échet de recevoir les Etablissements CEDIS en leur action et d’Ordonner leur maintien dans les lieux jusqu’à l’accomplissement des formalités de résiliation prévues par les parties elles-même dans leur contrat;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en premier ressort;
EN LA FORME
Reçoit les requérants en leur action;
AU FOND
Dit que le contrat est la loi des parties;
Constate que les héritiers AHO n’ont pas respecté les formes prévues par leur contrat quant à sa durée et sa résiliation;
Qu’il en résulte que le non renouvellement du contrat de bail notifié par les héritiers AHO aux Etablissement CEDIS est irrecevable;
Ordonne le maintien dans les lieux de l’Etablissement CEDIS jusqu’à l’accomplissement par les défendeurs de façon correcte des formalités prévues par leur contrat quant à sa résiliation;
Délai d’Appel 2 mois
Et ont signé le Président et le Greffier.
PRESIDENT : Madame Michèle CARRENA- ADOSSOU
GREFFIER : Maître Marcien S.A. KASSA.