J-04-404
SURETES – DROIT DE RETENTION – CREANCE CONTESTEE DANS SON QUANTUM – EXERCICE INDU DU DROIT DE RTENTION.
La rétention d’un bien, si elle légitime conformément à l’article 41 AUS, se doit cependant d’intervenir avant toute contestation. Il s’ensuit que tout créancier dont la créance est certaine, liquide et exigible et qui fait intervenir son droit de rétention avant toute saisie est dépourvu de son pouvoir de retenir le bien jusqu’à complet paiement de ce qui lui est dû. La rétention paraît ainsi illégitime..
En l’espèce, la rétention étant intervenue au moment où le quantum est querellé et causant de préjudices au débiteur, il échet de condamner le créancier à verser des dommages et intérêts à celui-c i (article 41 AUS).
(TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE COTONOU (BENIN) , Jugement contradictoire N° 034/ 1e C.Com du 21 octobre 2002 , Rôle Général n°016/2001 , Société AKPACA SARL C / Société TRANS –OMAR).
LE TRIBUNAL
DES FAITS
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs moyens, fins et conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi :
Attendu que la société AKPACA Sarl a sollicité les services de la société Trans–Omar de transit et de consignation pour l’accomplissement des formalités relatives à ses marchandises composées de plusieurs colis de bière et d’articles de publicité;
Qu’il est de coutume entre les parties que la société Trans – Omar fasse l’avance des frais afférents à l’opération à elle confiée et en reçoive par la suite paiement de la société Akpaca Sarl;
Attendu que le 29 Octobre 1999, les parties se sont retrouvées pour faire le point de leur relation; que le point présenté par la Trans-Omar à la société Akpaca Sarl a fait l’objet d’amendements;
Que par exploit en date du 5 février 2001, la société Trans– Omar a sommé la société AKPACA Sarl de lui payer la somme de douze millions trois cent trente quatre mille cent cinquante neuf (12.334.159) F CFA;
Attendu que la société AKPACA Sarl s’est opposée à cette sommation de payer par exploit avec assignation délaissée le 19 février 2001 à la société Trans–Omar par lequel, elle sollicite du Tribunal de :
– Constater qu’elle a versé à la société Trans–Omar la somme de 2.500.000 F;
– Constater que les surfacturations et manquants de marchandises imputables à la société Trans – Omar sont évalués respectivement à 1.738.300 F et 85.247 F;
– Que la société AKPACA Sarl n’est redevable à la société Trans-Omar que de la somme de huit millions quatre vingt quinze mille huit cent cinquante neuf (8.095.859) F;
– Que la rétention faite par Trans–Omar est illégale;
– Que par cette rétention, la société AKPACA Sarl a perdu le bénéfice de la rétrocession des T.V.A et acomptes sur bénéfice industriel et commercial et a été contrainte à payer par acomptes cette somme au service des impôts;
– Dire et juger en conséquence qu’elle a subi un préjudice important évalué à plus de vingt cinq millions (25.000.000) F et de condamner la société Trans–Omar à lui payer trente deux mille deux cent vingt deux vingt huit (32.222.228) F toutes causes de préjudice confondues et la condamner aux entiers dépens;
Attendu que la Trans–Omar en réplique affirme que pour justifier sa demande, la société Akpaca Sarl verse au titre de préavis une fiche intitulée : » Anomalies constatées sur vos diverses factures et une facture N° 047/ AB/ 2000 du 04 Août 2000 et qui ne peut être opposable à elle;
Que la société AKPACA Sarl a reçu les marchandises sans aucune réserve et dès lors elle ne peut être recevable en sa demande;
Attendu que la Trans–Omar invoque l’article 41 de l’acte uniforme sur les sûretés OHADA pour justifier la rétention des originaux de quittances de la société Akpaca Sarl;
Que la société AKPACA Sarl n’a jamais contesté le quantum de sa dette;
Attendu que la société Akpaca Sarl réclame au titre de dommages intérêts la somme de trente deux millions deux cent vingt deux mille deux cent vingt huit (32.222.228) F;
Que sur l’avis à tiers détenteurs , il est aisé de constater qu’il s’agit des arriérés d’impôts d’un montant de sept millions cent trente six mille neuf cent quatre vingt et un (7.136.981) F CFA;
Que la société AKPACA Sarl abuse de son droit d’ester en justice et par conséquent, elle formule une demande reconventionnelle pour voir le tribunal :
– Constater que la rétention faite sur les quittances originales par Trans – Omar est légitime;
– Constater que la société Akpaca Sarl ne prouve pas qu’il y a lien de connexité entre la rétention des quittances et l’avis à tiers détenteur des impôts;
– Constater que la société Akpaca Sarl ne rapporte pas les dommages intérêts et qui peuvent être évalués à trente deux millions deux cent vingt deux cent vingt huit (32.222.228) F;
– Débouter la société Akpaca Sarl de toutes fins et conclusions;
– Constater que la société Akpaca Sarl jette du discrédit sur la société Trans – Omar qui s’est vue obligée de répondre à une procédure qui a entraîné pour elle des frais répétitifs et par conséquent, condamner la société Akpaca à lui payer la somme de cinquante millions(50.000.000) F au titre de dommages-intérêts;
Attendu qu’en réplique, la société Akpaca Sarl soutient que la créance en son quantum ne tient pas compte du versement de vingt cinq millions (2.500.000) F par chèque bancaire le 26 Mars 1999 et des diverses anomalies constatées sur certaines factures ainsi que des manquants signalés sur des conteneurs de boissons;
Que ces manquants et anomalies d’un montant de un million huit cent vingt trois mille cinq cent quarante sept(1.823.547)F ont été portés à la connaissance de la défenderesse par lettre en date des 21 Octobre 1999 et 7 août 2000;
Qu’en dépit des réserves portés, la société Trans – Omar a gardé par devers elle les originaux des quittances de douanes dont la production devait permettre à Akpaca Sarl de bénéficier du service des impôts, de la rétrocession de la somme de 4.539.286 F au titre de la T.V.A et des acomptes forfaitaires de bénéfice industriel commercial (BIC) prélevés sur elle;
Que cette situation a entraîné sur ordre du service des impôts le blocage des comptes de la société Akpaca Sarl à l’ ECOBANK et à la BOA a hauteur de sept millions cent trente six mille neuf cent quatre vingt et un(7.136.981) F le 7 Avril 2000 somme qu’elle est obligée de payer par acomptes au service des Impôts;
Attendu que la société AKPACA Sarl réitère que les irrégularités et manquants constatés au moment des livraisons ont été toujours portés à la connaissance de la défenderesse;
Que Trans–Omar avait volontairement décidé d’engager les frais de procédure alors que la société AKPACA Sarl croyait encore à l’esprit de compréhension qui prévalait dans leurs rapports;
Que la demande reconventionnelle de la société Trans–Omar est en l’espèce dénuée de toute pertinence et doit être rejetée;
Attendu qu’en replique, la société Trans–Omar soutient qu’il existe dans le cas d’espèce une constance qui est de huit millions quatre vingt quinze mille huit cent cinquante neuf (8.095.859)F;
Que cette somme est reconnue expressément par la débitrice et ne souffre d’aucune contestation;
Que c’est vainement que la société AKPACA Sarl essaie de trouver une légitimité à son action en justice et qu’il convient de la débouter;
Attendu qu’il résulte du dossier que la société Trans – Omar est créancière de la société AKPACA Sarl;
Qu’aux termes de l’article 42 de l’Acte Uniforme sur les Sûretés OHADA : « le droit de rétention ne peut s’exercer que :
1°)- avant toute saisie;
2°)- si la créance est certaine, liquide et exigible;
3°)- s’il existe un bien de connexité entre la naissance de la créance et la chose retenue… »
Attendu que la créance liquide est la créance dont le montant est déterminé;
Qu’en l’espèce, la créance est déterminée, il s’ensuit que la créance querellée est liquide;
Attendu que la lettre de voiture de Trans–Omar N° 03749 du 21 Mai 1999 avait fait état des manquants et des avaries;
Que la Société Trans–Omar n’a pas contesté le chèque ECOBANK « N° 0549077 du 26 Mars 1999 d’un montant de 2.500.000 F;
Que les manquants, avaries, anomalies et chèque sont portés à la connaissance de la Trans–Omar et sont restés sans suite;
Attendu que le point fait le 29 Octobre 1999 n’a pas pris en compte les observations de la société AKPACA Sarl et qui sont antérieures à la date de récapitulatif des opérations de leurs relations;
Que le montants de quatre millions deux trente neuf mille deux cent quatre vingt quinze (4.239.295) F représentant le solde du point du 29 Octobre 1999 doit être déduit des douze millions trois cent trente quatre cent cinquante quatre(12.334.154) F représentant les surfacturations, les manquants et autres réserves faites par la société AKPACA Sarl, qu’en conséquence la quantum de la créance devient 8.095.859 FCFA;
Attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 41 de l’acte uniforme sur les sûretés OHADA : » le créancier qui détient légitimement un bien du débiteur a le pouvoir de le retenir jusqu’à complet paiement de ce qui lui est dû, indépendamment de toute autre sûreté »;
Attendu que la société Trans- Omar a retenu les quittances de douanes de la société AKPACA Sarl;
Que cette rétention est intervenue au moment où le quantum est querellé;
Que la société AKPACA a porté des anomalies, manquants à la connaissance de la société Trans–Omar qui sont restés sans suite; qu’il échet de dire que la rétentions est illégitime;
Attendu que la société Trans–Omar a retenu les quittances de douane de la société AKPACA Sarl;
Que cette situation a entraîné sur ordre du service des impôts le blocage de ses comptes à l’ECOBANK et à la BOA à hauteur de sept millions cent trente six mille neuf cent dix huit (7.136.918) F;
Que la société AKPACA Sarl a perdu le bénéfice de la rétrocession de la somme de quatre millions cinq cent trente neuf mille deux cent quatre vingt six (4.539.286) F par conséquent, elle a subi un dommage qu’il y a lieu de condamner Trans–Omar à réparer;
Attendu que les trente deux millions deux cent vingt deux mille deux cent vingt huit (32.222.228) F sollicités par la société AKPACA Sarl à titre de dommages intérêts sont exorbitants,
Qu’il y a lieu de condamner la société Trans–Omar à payer à la société AKPACA Sarl la somme de six millions( 6.000.000) F à titre de dommages intérêts;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en premier ressort :
EN LA FORME
Reçoit la société Akpaca Sarl en son action;
AU FOND
– Constate que la créance est liquide;
– Constate que la société AKPACA Sarl ne doit que la somme de huit millions quatre vingt quinze mille huit cent cinquante neuf (8.095.859) F;
– Constate que la rétention est illégitime;
– Constate que la société Akpaca Sarl a subi un préjudice;
– Condamne la société Trans–Omar à lui payer six millions (6.000.000) F à titre de dommages intérêts;
– Déboute la société Trans–Omar de ses demandes;
Condamne la Trans–Omar aux entier dépens.
Délai d’appel deux mois.
Et ont signé le Président et le Greffier.
PRESIDENT : Madame Michèle CARRENA–ADOSSOU
MINISTERE PUBLIC : Madame Thérèse KOSSOU
GREFFIER : Maître Marcien S. A . KASSA