J-04-407
VOIES D’EXECUTION – SAISIE ATTRIBUTION – SERVICE DE L’ETAT – IMMUNITE D’EXECUTION – PAIEMENT PAR LE TIERS SAISI – INOPPORTUNITE DE LA SAISIE – MAINLEVEE.
Sont inopportunes les saisies pratiquées sur le compte du débiteur alors que le créancier a reçu paiement du tiers saisi, libérant ainsi automatiquement le débiteur saisi. Dès lors, la mainlevée de ces saisies doit être ordonnée sans qu’il soit besoin d’examiner leur validité, s’agissant d’un service de l’Etat.
(Tribunal de Première Instance de Yaoundé Centre Administratif – Ordonnance de référé n° 281/C du 15 janvier 2003, MINAGRI (Projet semencier cacao - café) c/ Mme NGO TJOMB Marie Joséphine, Le Crédit Lyonnais Cameroun S.A.).
Ordonnance N° 281/C du 15 janvier 2003
Affaire : MINAGRI (Projet semencier cacao-café)
contre
Mme NGO TJOMB Marie Joséphine
Le Crédit Lyonnais Cameroun S.A.
Nature de l’affaire : Main levée de saisie attribution.
Faits : Dans cette affaire, le Minagri (projet semencier cacao – café) s’opposait à la saisie attribution pratiquée sur ses comptes. Il soutenait qu’appartenant à l’Etat, il bénéficiait de l’immunité d’exécution prévue à l’article 30 de l’Acte uniforme OHADA sur les voies d’exécution, et que par conséquent, son compte ne pouvait être saisi. Par ailleurs, la saisie pratiquée était caduque pour défaut de dénonciation dans les délais.
Solution du juge : Le juge, tout en recevant le projet cacao – café en son action de mainlevée de saisie attribution, a cependant déclaré que celle-ci était inopportune, Dame NGO TJOMB étant rentrée dans ses droits par le paiement effectué par le tiers saisi sur les comptes du projet.
– Ordonnance de référé.
L’an deux mil trois et le seize janvier;
Devant Nous, Monsieur MOGHOM KAMWA Jean Paul, Juge au Tribunal de Première Instance de Yaoundé, Centre Administratif, tenant audience publique des référés en notre Cabinet sis au Palais de Justice de ladite ville;
– Assisté de Maître Aliou GARGA, Greffier;
A comparu, le Ministère de l’Agriculture, demandeur, domicilié à Yaoundé, lequel nous a exposé que suivant exploit en date du 06 septembre 2002, non encore enregistré, de Maître TOHUENKAM, Huissier de justice à Yaoundé :
Son client a fait donner assignation en référé à Dame NGO TJOMB Marie Joséphine, demeurant à Yaoundé, au Crédit Lyonnais Cameroun (CLC) S.A., dont le siège est à Yaoundé, d’avoir à se trouver et comparaître en personne le jeudi 19 septembre 2002 par-devant Monsieur le Président du Tribunal de Première Instance de céans, pour les motifs énoncés en l’exploit ainsi produit au dossier;
A également comparu Maître BIBIBANO BIOCK Ismaël, Avocat à Yaoundé, pour le compte des défendeurs, lequel a été entendu en ses explications;
L’affaire a été appelée pour la première fois à l’audience du 19 septembre; après quelques renvois utiles, les débats ont été déclarés clos et l’affaire a été mise en délibéré, pour ordonnance être rendue le 16 janvier 2003;
Advenue cette audience, la juridiction des référés, vidant son délibéré, a, par l’organe de son Président, rendu l’ordonnance dont la teneur suit :
Nous, Juge des référés, statuant comme Juge de l’exécution :
Vu l’exploit introductif d’instance;
Vu les pièces du dossier de la procédure;
Après en avoir délibéré, conformément à la loi;
Attendu que suivant exploit en date du 06 septembre 2002 de Maître TOHUENKAM, Huissier de justice à Yaoundé, non encore enregistré, le Ministère de l’Agriculture (Projet semencier cacao-café) à Yaoundé, a dit et déclare à :
– Dame NGO TJOMB Marie Joséphine;
– le Crédit Lyonnais Cameroun S.A.;
Qu’il s’oppose, de la manière la plus formelle, à la saisie attribution des créances pratiquées à son préjudice et sur son compte ouvert dans les livres du Crédit Lyonnais, pratiquée le 05 août 2002 par Maître BIYIK Thomas, Huissier de justice à Yaoundé, en remplacement de celle du 07 juillet 2002 pratiquée par Me Jeannette Irène KEDI, saisie non encore dénoncée à ce jour, arguant ou nullité tout ce qui pourrait être fait au mépris de ceci devant opposition, sans préjudice de tous dommages et intérêts;
Que par le même exploit, il a fait donner assignation aux susnommés, d’avoir à se trouver et à comparaître par-devant le Président du Tribunal de Première Instance de Yaoundé, Centre Administratif, statuant en matière de référé, pour :
Au principal, voir renvoyer les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront;
Mais dès à présent, et par provision, vu l’urgence :
– Constater que le non respect des clauses du procès-verbal de conciliation totale;
– Constater que les fonds ne sont pas encore dégagés par l’Etat et pouvant justifier la suite de l’exécution dont s’agit;
– Dire et juger que, conformément à l’article 30 de l’Acte uniforme OHADA sur les voies d’exécution, l’Etat camerounais bénéficie de l’immunité d’exécution;
– Dire et juger que le compte du MINAGRI, partant, celui de l’Etat, ne saurait faire l’objet d’aucune saisie;
Subsidiairement,
– Constater la caducité de la saisie attribution pratiquée en date du 05 août 2002 au préjudice du MINAGRI, entre les mains du Crédit Lyonnais Cameroun, par Maître BIYIK Thomas, Huissier de justice, pour défaut de dénonciation;
EN CONSEQUENCE :
Et dès à présent, vu l’urgence et le péril en la demeure même :
– Ordonner la mainlevée pure et simple de la saisie attribution pratiquée par le ministère de BIYIK Thomas, Huissier de justice, à la requête de Dame NGO TJOMB Marie Joséphine, en date du 05 août 2002, sur le compte du MINAGRI (Projet semencier cacao-café), entre les mains du Crédit Lyonnais Cameroun, sous astreinte de 100.000 FCFA par jour de retard, à compter du prononcé de la décision à intervenir;
– Condamner Dame NGO TJOMB Marie Joséphine aux entiers dépens;
– Dire notre ordonnance exécutoire sur minute et avant enregistrement;
Qu’au soutien de son action, le Projet semencier expose qu’il est un service du Ministère de l’Agriculture, spécialisé dans la production agricole et le financement par l’Etat camerounais, en vue de réaliser des missions d’intérêt général ou d’assurer une obligation de service public;
Qu’à ce titre, les dettes de ce service sont automatiquement prises en charge par l’Etat camerounais, qui par ailleurs, a entrepris d’inscrire les susdites dans son projet de l’exercice 2001-2002;
Que dans le cadre du règlement général de ses dettes, l’Etat camerounais a versé à la requérante, la première partie de sa créance, soit la somme de 900.000 FCFA, tel qu’il appert du procès-verbal de conciliation totale N° 507/ME/TPS/DPETPSO du 24 juillet 2000, signé des parties;
Que bien plus, il convient de rappeler que la dette qui sous-tend la saisie querellée n’est pas encore exigible, la mise en cause ne pouvant rapporter la preuve que dans le cadre global, les moyens ont déjà été dégagés par l’Etat, pour le règlement, tel que prévu, et qu’il appert dans le procès-verbal de conciliation sus évoqué, que quand bien même la dette dont s’agit serait exigible, il convient de relever que les comptes du MINAGRI, et partant, ceux de l’Etat camerounais, ne sauraient faire l’objet de quelque saisie que ce soit, eu égard à l’immunité d’exécution dont bénéficie l’Etat, qui par ailleurs, ne fait pas faillite, et est par conséquent, toujours solvable;
Qu’en outre, l’on ne comprendra pas comment une saisie datée du 05 août 2002 peut être dénoncée le 03 août 2001, tel qu’il appert de l’itérative réquisition à paiement datée du 06 août 2002, du ministère de Maître BIYIK Thomas, Huissier à Yaoundé;
Que la saisie attribution pratiquée sur les comptes de son requérant, le MINAGRI, le 05 août 2002 et qui devait être dénoncée dans les 8 jours, ne l’a pas été à la date de ce jour;
Qu’en conséquence, ladite saisie est devenue caduque;
Qu’il est par conséquent, fondé à s’adresser à la Justice, aux fins de voir ordonner la mainlevée pure et simple de la saisie attribution pratiquée entre les mains du Crédit Lyonnais sur son compte bancaire;
Qu’il y a urgence, péril et difficulté d’exécution justifiant la compétence du Juge des référés, conformément à l’article 49 de l’Acte uniforme OHADA sur les voies d’exécution;
Attendu que la défenderesse a conclu, par le canal de son Conseil, Me BIOK BIBIBANO;
Que le dispositif de ses écritures est ainsi conçu :
AU PRINCIPAL :
– Déclarer l’opposition du projet semencier irrecevable pour autorité de la chose jugée;
SUBSIDIAIREMENT :
– Déclarer la demande du Projet semencier cacao-café non fondée, parce que sans objet, et l’en débouter;
– Le condamner aux dépens dont distraction au profit de Me BIBIANO BIOK, Avocat, aux offres et affirmations de droit;
Attendu que pour faire échec à l’action du Projet semencier cacao-café, la défenderesse soutient au principal, qu’il y a autorité de la chose jugée, et que par ailleurs, la demande ne se justifie plus, puisqu’elle a été payée;
Attendu que s’agissant de l’autorité de la chose jugée, il y a lieu de relever que contrairement à la thèse soutenue par la défenderesse, il n’y a pas autorité de la chose jugée; la première décision rendue étant une décision d’incompétence sur la forme et non le fond de la contestation;
Que s’agissant du bien-fondé de l’action, il convient de soutenir avec la défenderesse, qu’elle n’a plus de raison d’être, Dame NGO TJOMB étant rentrée dans ses droits; que ce paiement, même si c’est par le tiers saisi, libère automatiquement les comptes du Projet semencier cacao-café;
Qu’il échet en conséquence, de recevoir le Projet semencier cacao-café en son action de mainlevée comme inopportune en l’état, sans qu’il soit besoin d’examiner la validité;
Attendu que toute partie qui succombe doit être condamnée aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en application de l’article 49 de l’Acte uniforme :
– Reçoit le Projet semencier cacao-café en son action;
– L’y dit fondé;
– Ordonne la mainlevée de la saisie;
– Condamne le demandeur aux dépens dont distraction au profit de Me BIOK BIBIBANO, Avocat aux offres de droit;
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique les mêmes jour, mois et an que dessus