J-04-41
VOIES D'EXECUTION – SAISIE-VENTE – SURSIS A LA VENTE – VENTE DES BIENS SAISIS – ACTION EN NULLITE DE LA VENTE – DEFAUT DE BASE LEGALE – IRRECEVABILITE.
« Pas de nullité sans texte. »
A l'examen des dispositions de l'acte uniforme relatif aux voies d'exécution, le législateur OHADA n'énonce pas la sanction encourue en cas de méconnaissance des règles de concurrence et de publicité en matière de vente aux enchères publiques. Lorsque la vente aux enchères publiques est entamée, seules les dispositions de l'article 120 alinéa 2 AUPSRVE indique la procédure à suivre en cas de désaccord entre le créancier et le débiteur sur le lieu où doit s'effectuer la vente. Aucune autre disposition légale ne dispose sur l'annulation d'une vente aux enchères publiques…
Article 121 AUPSRVE ET SUIVANTS
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n° 700 du 26 juin 2002, Syndics liquidateurs de la Société de Pétrole TAGUI c/ Société Nationale Burkinabè d'Hydrocarbure (SONABHY)).
LE TRIBUNAL,
FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
En vertu d'une ordonnance n° 15/PRES du 21 décembre 2000 du Président du Tribunal de grande instance de Ouagadougou, la Société Nationale Burkinabè d'Hydrocarbure (SONABHY) a pratiqué une saisie vente les 16 et 20 mars 2001 sur des biens d'équipement à usage de station de service de la Société de Pétrole TAGUI; dénonciation desdites saisies a été faite au débiteur le 23 mars 2001; aucune contestation n'a été formulée;
Le 17 septembre 2001 une annonce a paru dans le journal « l'Observateur Paalga » n° 5485 informant la vente aux enchères publiques sous pli fermé des objets saisis; la société de Pétrole TAGUI assignait la SONABHY en référé devant le Président du Tribunal de grande instance de Ouagadougou afin de voir surseoir à ladite vente, motif pris de ce que les délais en la matière ne seront pas respectés conformément à l'article 121 de l'acte uniforme OHADA portant sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution.
Par décision en date du 25 septembre 2001, le Président du Tribunal de grande instance de Ouagadougou a donné acte à la SONABHY de ce qu'aucune vente n'aurait lieu le 24 ou le 26 septembre 2001;
Le 26 septembre 2001 le Tribunal de grande instance de Ouagadougou rendait un jugement de liquidation des biens de la société de pétrole TAGUI;
Le jugement n'avait pas encore été enregistré au registre du commerce et de crédit mobilier ni inséré dans un journal d'annonces légales conformément à l'article 36 de l'acte uniforme OHADA portant sur les procédures collectives d'apurement du passif que le 2 octobre 2001 la SONABHY a procédé à la vente des objets saisis à la SONABHY;
Par exploit de Maître COULIDIATY Madeleine Huissier de justice près les Cours et Tribunaux de Bobo-Dioulasso, les Syndics liquidateurs de la Société TAGUI ont donné assignation à la société Nationale Burkinabè d'Hydrocarbure d'avoir à comparaître devant le Tribunal de céans à l'effet de voir déclarer nulle et de nul effet la vente effectuée le 2 octobre et relative aux matériels et outillages formant les stations de service TAGUI;
Ordonner l'exécution provisoire et condamner la SONABHY aux dépens.
A l'appui de sa demande, les Syndics liquidateurs exposent que c'est dans le journal « l'Observateur Paalga » du 17/09/2001 que TAGUI a appris la mise en vente de son matériel saisi; qu'elle avait assigné la SONABHY a bref délai devant le Président du Tribunal de grande instance de Ouagadougou qui avait ordonné un sursis à la vente; que le 5 octobre 2001, pendant que la société était en liquidation de biens, elle a reçu une signification d'adjudication de vente aux enchères publiques de ses matériels et outillages saisis; vente effectuée le 2 octobre 2001, que ladite vente encourt annulation;
Les Syndics liquidateurs invoquent plusieurs motifs de nullité :
Premièrement, la vente des biens dont s'agit n'a pas obéi aux dispositions des articles 120 et 128 de l'acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution qui énoncent que la vente aux enchères publiques doit être faite par un auxiliaire de justice habilité par la loi, soit au lieu où se trouvent les objets saisis, soit en une salle où en un marché public dont la situation géographique est plus appropriée pour solliciter la concurrence à moindre frais;
Qu'en l'espèce tel n'a pas été le cas, qu'une vente aux enchères publiques sous plis fermés est contraire à l'esprit de la loi.
Deuxièmement que ni le créancier, ni son conseil ne sont habilités à effectuer une vente aux enchères publiques; que les biens vendus ont été bradés, comparaison faite de leurs prix de cession et du prix pratiqué sur le marché;
Troisièmement que le délai de 15 jours prévu pour la publication avant la vente n'a pas été respecté, l'annonce datant du 17 septembre 2001 et la date de soumission prévue au plus tard le 24 septembre 2001;
Que par ailleurs la SONABHY ayant renoncé devant le Président du Tribunal à la vente prévue pour le 24 et 26 septembre 2001 a par ce fait rendu sans objet l'annonce faite dans le journal du 17 septembre; qu'une vente éventuelle ne pouvait se faire qu'après une autre annonce; qu'il y a manifestement fraude de la part du vendeur; qu'en plus il n'y a pas eu de criées conformément à l'article 125 de l'acte uniforme précité, qu'aucune mention du procès-verbal ne permet d'établir que l'adjudicataire était le plus offrant;
Quatrièmement les Syndics liquidateurs arguent que les objets saisis étaient scellés à perpétuelle demeure au fond, d'où leur changement de nature; que ces biens étant devenus immeubles par destination leurs ventes devaient obéir aux prescriptions de l'article 246 de l'acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution;
Enfin, les demandeurs en annulation invoquent qu'aux termes de l'article 75 de l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif, la décision d'ouverture de la liquidation suspend ou interdit toutes les poursuites individuelles de même que toutes les voies d'exécution tendant à obtenir le paiement; qu'en dépit du jugement du 26 septembre 2001 la SONABHY a vendu les biens appartenant à TAGUI le 2 octobre 2002;
Qu'ils concluent que la vente soit annulée;
En réplique, la SONABHY ayant pour conseil Maîtres ZONGO-BARRY a soulevé in limine litis la nullité de l'acte introductif d'instance au motif que l'avenir à comparaître l'a cité devant le Tribunal correctionnel alors que l'affaire a été enrôlée devant le Tribunal de céans;
Toujours avant les débats au fond, la SONABHY invoque l'irrecevabilité de la demande des Syndics pour défaut de base légale; elle argue que l'action des Syndics liquidateurs de TAGUI vise l'annulation de la vente aux enchères publiques du 2 octobre 2001, que pourtant, nulle part dans les textes régissant la matière, il n'est prévu une telle action, elle précise que le seul régime de nullité prévu par les textes OHADA est relatif à la saisie et non à la vente;
Subsidiairement au fond, la SONABHY réplique qu'elle n'a fait aucune violation du principe de la suspension des poursuites individuelles, que le jugement de liquidation du 26 septembre n'a pu lui être opposable dans la mesure où l'opposabilité ne démarre qu'à partir de l'accomplissement des formalités de publication prévue à l'article 36 de l'acte précité; que dans son cas, à la date de la vente, aucune formalité n'avait été faite concernant les moyens tirés de la nature des biens vendus; elle fait remarquer que ce moyen est tardif dans la mesure où les saisies ont été pratiquées et 6 mois plus tard la vente a été réalisée; qu'après la vente il ne saurait être question de la régularité de la saisie;
Que par ailleurs les matériels et outillages dont s'agit sont des biens parfaitement détachables et transportables à volonté d'un point du globe à un autre, qu'il s'agit donc de biens meubles;
Le dossier a été enrôlé pour l'audience du 9 janvier 2002 et a fait l'objet d'une jonction avec un autre audience à la même date et dans lequel les Syndics liquidateurs de la Société de Pétrole TAGUI ont donné assignation à la Société SANAAM KOM Internationale (SKI) en intervention forcée pour la voir venir statuer sur le mérite de son action en annulation;
Après plusieurs renvois, le dossier a été retenu en chambre du conseil le 5 juin 2002 pour le délibéré être rendu le 26 juin 2002
Advenue cette date le Tribunal a statué en ces termes.
DISCUSSIONS
Sur la nullité de l'acte d'assignation
Attendu que la SONABHY invoque la nullité de l'acte introductif d'instance au motif que les Syndics liquidateurs l'auraient cité à comparaître devant le Tribunal correctionnel qu'alors que l'affaire a été enrôlée devant le Tribunal civil et commercial, qu'elle cite donc à cet effet l'article 438 du code de procédure civile;
Attendu qu'à la lecture de l'article sus-invoqué la nullité dont s'agit est relative, qu'elle suppose donc l'existence d'un grief contre celui qui l'invoque, que la SONABHY en l'espèce ne fait cas d'aucun grief; que par ailleurs l'objet de l'acte d'assignation est de faire comparaître un défendeur devant un Tribunal pour voir statuer sur le mérite d'une demande; que visiblement, malgré l'invitation à comparaître devant le Tribunal correctionnel, la SONABHY ne s'est nullement trompée de tribune, qu'elle s'est présentée devant le Tribunal de céans, répondant ainsi à l'esprit de l'assignation et comblant de même coup l'erreur matérielle commise par les demandeurs; qu'il convient de passer outre cette exception.
Sur l'irrecevabilité de la demande pour défaut de base légale
Attendu qu'il est constant que les textes régissant la matière du droit des affaires sont ceux de l'OHADA; que précisément pour les ventes, il faut se référer à l'acte uniforme portant sur l'organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution en ses articles 120 et suivants.
Qu'en l'espèce les Syndics liquidateurs demandent l'annulation d'une vente au motif que celle-ci a été faite en violation des règles de la concurrence et de la publication.
Mais attendu que l'examen des dispositions de l'acte uniforme relatif aux voies d'exécution n'énonce pas la sanction encourue en cas de méconnaissance de ces règles dans le cadre d'une vente aux enchères publiques; qu'il est de principe établi en droit que l'inaccomplissement d'une formalité de nullité est assorti de sanction; qu'ainsi il est dit qu'aucune nullité ne saurait être prononcée sans texte;
Qu'en l'espèce la société de Pétrole TAGUI qui avait la personnalité pleine n'a pas réagi aux saisies pratiquées sur ses biens, or le législateur OHADA a en revanche prévu le mode de règlement des contestations élevées au cours des procédures de saisies vente de biens; Qu'ainsi lorsque la vente aux enchères est entamée l'article 120 alinéa 2 de l'acte uniforme relatif aux voies d'exécution indique la procédure à suivre en cas de désaccord entre le créancier et le débiteur.
Qu'en cas de contestation sur la saisissabilité des biens, le débiteur saisi peut porter celle-ci devant la juridiction dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'acte de saisie; Que par ailleurs les contestations relatives à la validité de la saisie peuvent également être demandées par le débiteur jusqu'à la vente des biens saisis, dans tous les cas, les contestations à peine d'irrecevabilité sont portées devant la juridiction compétente par voie d'assignation dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur; (Article 170 de l'acte uniforme sur les voies d'exécution).
Qu'en l'espèce la société de Pétrole TAGUI régulièrement informée de la vente, a omis de se prévaloir de ces dispositions suscitées pour s'en prévaloir après la vente;
Qu'aucune autre disposition légale ne dispose sur l'annulation d'une vente aux enchères publiques telle qu'initiée par la demanderesse.
Attendu qu'il ressort des dispositions de l'article 29 du code de procédure civile que le Juge est tenu de trancher le litige conformément au règles de droit qui lui sont applicables; que partant, l'action introduite par la liquidation TAGUI mérite d'être déclarée irrecevable pour défaut de base légale, aucune autre action n'étant prévue par les textes de FOHADA après la vente des biens saisis.
Attendu par ailleurs que la Société de Pétrole SKI a été assignée en intervention forcée en sa qualité de cessionnaire du matériel vendu, que l'action principale étant irrecevable il échet de déclarer son assignation sans objet conformément au principe de l'accessoire qui suit le principal.
Attendu que l'irrecevabilité d'une action entraîne que le fond ne soit pas examiné, que les moyens de fond des Syndics liquidateurs ne sauraient être examinés en l'état.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement contradictoirement après débats en Chambre de conseil en matière commerciale et en premier ressort :
EN LA FORME
Déclare l'action en annulation de la vente effectuée le 2 octobre 2001 par la SONABHY et introduite par les Syndics liquidateurs de la Société TAGUI irrecevable pour défaut de base légale.
Condamne la liquidation TAGUI aux dépens.