J-04-413
SURETES – Hypothèque – INSCRIPTION – Défaut de renouvellement – mainlevée (non) – péremption (oui) – compétence du juge des référés (oui).-.
Le fait pour un créancier hypothécaire de ne pas renouveler son hypothèque en temps utile n’entraîne la perte de la sûreté que si l’un des évènements entraînant l’arrêt du cours des inscriptions est intervenu avant ce renouvellement tardif. Le débiteur ne peut, dès lors, obtenir la mainlevée de l’hypothèque et la restitution du titre foncier.
Le juge des référés est compétent pour ordonner suite à la péremption de l’inscription, le renouvellement de celle-ci tant que l’immeuble est encore entre les mains du débiteur.
(Tribunal de première instance de Yaoundé Centre Administratif, Ordonnance n° 632/C du 02 juin 2002, Affaire Mme Veuve AYISSI TSOGO née EBOUDOU ZAMBO Martine c/ Crédit Foncier du Cameroun, Me Pierre François Xavier MENYE ONDO, Monsieur le conservateur de la propriété foncière du Centre).
– Nous, Président, juge des référés;
– Vu l’exploit introductif d’instance;
– Vu les pièces du dossier de la procédure;
– Après en avoir délibéré conformément à la loi;
– Attendu que par exploit en date du 22 avril 2004, lequel sera enregistré plus tard de Me BIYIK Thomas, huissier de justice à Yaoundé, à la requête de dame veuve AYISSI TSOGO née EBOUDOU ZAMBO Martine, assignation en référé d’heure à heure a été donnée au Crédit Foncier du Cameroun (CFC), à Me François Xavier MENYE ONDO, Notaire instrumentaire à Yaoundé, à Monsieur le Conservateur de la propriété foncière du Centre à Yaoundé, pour :
– Au principal, renvoyer les parties à mieux se pourvoir ainsi qu’elles aviseront;
– Mais dès à présent, vu l’urgence, vu l’article 1er du contrat des parties, Vu les dispositions de l’article 123 de l’Acte Uniforme n° 3 et 2154 du Code Civil, constatant que le Crédit Foncier n’a pas renouvelé l’inscription d’hypothèque;
– Ordonner main levée de l’hypothèque consentie sur le titre foncier n° 8386 par acte du répertoire de Me François Xavier MENYE ONDO le 11 août 1993;
– Dire que la décision à intervenir sera opposable à Me MENYE ONDO et à Monsieur le conservateur de la propriété foncière du Centre à Yaoundé;
– Ordonner en conséquence la restitution du titre foncier par le Crédit Foncier du Cameroun à la requérante sous astreinte de 500.000 francs par jour de retard à compter du prononcé de la décision;
– Condamner le Crédit Foncier du Cameroun aux dépens;
– Attendu que pour faire prospérer son action, Dame veuve AYISSI TSOGO explique qu’elle est usufruitière et administratrice des biens de la succession de feu mari AYISSI TSOGO Benjamin;
– Que de son vivant, son mari avait hypothéqué son titre foncier n° 8386/Mfoundi au profit du Crédit Foncier en qualité de caution en garantie du remboursement de l’emprunt de 3.340.000 francs contracté par les époux ONDO Félix auprès du Crédit Foncier du Cameroun, par acte passé par devant notaire le 11 août 1993;
– Que cet emprunt avait été accepté pour une durée de 7 ans, soit du 11 août 1993 au 11 août 2000;
– Qu’en dépit de l’expiration de ce délai depuis 4 ans et alors même que le Crédit Foncier du Cameroun n’a pas renouvelé l’inscription de l’hypothèque à lui constituée, le Crédit Foncier du Cameroun refuse de donner main levée de ladite hypothèque et de restituer à la caution le titre foncier qu’il détient;
– Que la combinaison des articles 123 de l’acte Uniforme n° 3 et de l’article 2154 du Code Civil permet de conclure à un abus du Crédit Foncier du Cameroun et donc à une voie de fait pour laquelle le juge des référés est compétent pour faire cesser dès lors qu’il est établi que l’inscription hypothécaire n’est pas renouvelée;
– Attendu que le Crédit Foncier du Cameroun par le truchement de son conseil, Me METILA, conclut à l’incompétence du juge des référés puis au débouté de Dame veuve AYISSI TSOGO;
– Que l’incompétence du juge des référés tient au risque de faire préjudice au principal dans la mesure où le juge du provisoire devra sortir de son champ de compétence pour vérifier si les obligations des époux emprunteurs et de la caution de Dame AYISSI TSOGO sont éteintes par le paiement;
– Que pourtant, la main levée d’une sûreté ne peut intervenir que soit à la demande du créancier, soit après examen ou extinction de l’obligation principale; qu’après l’analyse, le non renouvellement de l’inscription a pour conséquence non pas l’extinction de l’hypothèque, mais la perte du rang; Que la péremption de l’inscription hypothécaire est sans incidence sur la validité de l’hypothèque consentie;
– Attendu que le juge des référés est compétent pour faire injonction au bénéficiaire d’une hypothèque éteinte d’en donner main levée ou à tout le moins, pour la réduire ou la radier à la condition qu’il y ait urgence;
– Attendu qu’aux termes de l’article 2154 du Code Civil, l’inscription conserve l’hypothèque pendant 10 ans à compter de sa date; Que son effet cesse si elle n’a pas été renouvelée avant l’expiration de ce délai; que le défaut de renouvellement en temps utile n’entraîne que la péremption de l’inscription sans anéantir le droit hypothécaire comme le soutient Dame AYISSI née EBOUDOU ZAMBO Martine;
– Que dès lors, le créancier qui n’a pas renoncé à son droit peut prendre une nouvelle inscription tant que l’immeuble est encore entre les mains du débiteur;
– Qu’une jurisprudence séculaire a décidé que le défaut de renouvellement tardif ne peut faire perdre au créancier son hypothèque que si avant le renouvellement tardif est intervenu l’un des évènements arrêtant le cours des inscriptions hypothécaires (Civ., 2 déc. 1863, D.P. 64, 1, 105);
– Qu’il suit que la demande de Dame AYISSI TSOGO n’est pas fondée;
– Attendu que toutes les parties ont conclu et plaidé;
– Que celui qui perd le procès est condamné aux dépens;
PAR CES MOTIFS
– Nous, juge des référés, statuant publique, contradictoirement à l’égard de toutes les parties, en matière de référé et en premier ressort;
– Au principal, renvoyons les parties à mieux se pourvoir;
– Dès à présent, vu l’urgence;
– Nous déclarons compétent.
Observations de Joseph ISSA SAYEGH, Professeur agrégé.
Bien qu’il s’agît d’une hypothèque conventionnelle consentie avant l’application de l’Acte uniforme sur les sûretés et de ce fait, susceptible d’être régie par l’ancienne législation (article 150, alinéa 2 AUS), il s’agissait, en l’espèce, d’une hypothèque consentie pour une durée déterminée à laquelle l’article 123 AUS peut être logiquement appliqué.
Le deuxième intérêt de cette décision est de montrer la portée de l’article 123 AUS qui n’a d’effet qu’à l’égard des tiers et non des parties qui peuvent renouveler une inscription « périmée » tant qu’un autre créancier hypothécaire n’a pas inscrit sa sûreté ou qu’un acte ou événement suspensif du cours des inscriptions n’est pas intervenu.
Sur ces deux points, il faut approver ce jugement.