J-04-42
PROCEDURE COLLECTIVE D'APUREMENT DU PASSIF – LIQUIDATION DES BIENS – REALISATION DE L'ACTIF – ARTICLE 40 AUPCAP – DECISION DU JUGE COMMISSAIRE AUTORISANT LA VENTE D'UNE USINE – OPPOSITION – DELAI DE L'OPPOSITION.
DROIT DE RESERVE DE PROPRIETE – DECISION DE REJET DU JUGE COMMISSAIRE – DELAI DE L'OPPOSITION – ACQUIESCEMENT.
ACTION EN REVENDICATION – ARTICLE 103 AUPCAP – NATURE DES BIENS REVENDIQUES – BIENS IMMEUBLES PAR DESTINATION – ACTION MAL FONDEE.
Aux termes des articles 524 et 525 du code civil burkinabè, sont immeubles par destination, tous effets mobiliers que le propriétaire a attachés au fonds à perpétuelle demeure. Dès lors, des biens scellés à perpétuelle demeure à une usine et formant avec le reste du matériel un tout indivisible sont devenus immobiliers. Ils ne peuvent faire l'objet de revendication conformément à l'article 103 AUPCAP.
Article 525 CODE CIVIL BURKINABE
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n° 701 du 26 juin 2002, Société des Ciments d'Abidjan (SCA) c/ Syndics liquidateurs de la Société des Ciments et Matériaux du Burkina (CIMAT)).
LE TRIBUNAL,
LES FAITS ET LA PROCEDURE
A la requête de la Société des Ciments et Matériaux du Burkina (CIMAT), le Tribunal de grande instance de Ouagadougou a rendu le 8 août 2001 un jugement prononçant la liquidation des biens de ladite société, les cabinets SOFIDEC et SAGNON-ZAGRE ont été nommés syndics liquidateurs et Madame SAWADOGO Maria Goretti Juge au siège désignée en qualité de Juge commissaire chargé de superviser les opérations; par ailleurs le Tribunal a désigné la Société des Ciments d'Abidjan (SCA) et la Direction générale des impôts du Burkina, contrôleurs;
Le 31 octobre 2001 un avis a été publié dans le Journal « le Pays » en vue de la vente de l'usine par les Syndics liquidateurs;
Le 08 novembre 2001 la Société des Ciments d'Abidjan a adressé au Juge commissaire une contestation et sollicitait que ce dernier rétractât son ordonnance autorisant la vente au motif qu'elle est créancière propriétaire du centre de broyage de clinker et demandait que le Juge constate sa qualité de propriétaire;
Aucune suite n'a été donnée à cette sollicitation;
Le 15 décembre, à la requête des Syndics, le Tribunal de grande instance de Ouagadougou a révoqué le SCA de sa qualité de contrôleur;
Le 23 janvier 2002, l'usine a été cédée à la Société West African Cément SA suivant ordonnance n° 0224 du Juge commissaire;
Le 11 avril 2002, la SCA, par l'entremise de son Conseil Maître DABIRE-TOE a fait opposition, contre l'ordonnance n° 0224 autorisant la vente;
A l'appui de sa cause, la SCA expose qu'elle est titulaire d'une créance sur la CIMAT assortie d'un droit de réserve de propriété à hauteur de 7.243.143.125 F en vertu d'une sentence arbitrale du 17 août 1998 exéquaturée par jugement du 13 janvier 2001 du Tribunal de grande instance de Ouagadougou; qu'elle a d'ailleurs produit sa créance auprès des Syndics; qu'elle réclame la restitution de son matériel;
La SCA ajoute que le 5 février 2002 elle a adressé à nouveau une requête au Juge commissaire en vue de l'admettre sur l'état des créances en sa qualité de propriétaire, que c'est dans cette attente qu'elle fut surprise d'apprendre qu'une ordonnance a autorisé la vente de l'usine, d'où son opposition.
Qu'elle sollicite que le Tribunal déclare son action recevable pour avoir été faite dans les formes et délais légaux, l'ordonnance querellée n'ayant jamais fait l'objet de dépôt au greffe et que le Tribunal annule purement et simplement ladite ordonnance;
En réplique les Syndics liquidateurs arguent que la décision d'ouverture suspend toute poursuite individuelle que c'est conscient de cela que la SCA a produit sa créance, que par ailleurs l'opposant se devait d'agir dans un délai de 8 jours, que ce délai étant dépassé il y a une fin de non recevoir conformément à l'article 322 du code de procédure civile;
Que subsidiairement au fond; l'article 103 de l'acte uniforme OHADA portant sur les procédures collectives d'apurement du passif prévoit la revendication des biens se trouvant encore en nature;
Qu'alors que concernant le centre de broyage de clinker, il ne fait aucun doute qu'au regard des machines, celles-ci ont subi plusieurs transformations d'où leur changement de nature;
Les Syndics ajoutent que par ailleurs les biens revendiqués étant attachés à perpétuelle demeure sont devenus immobiliers; qu'il ne s'agit donc plus de bien meubles, qu'ils concluent au rejet de la demande;
Appelé pour le 15 mai 2002 le dossier a été mis en délibéré au 26 juin 2002;
Advenue cette date le Tribunal a statué en ces termes;
DISCUSSIONS
I. SUR LA RECEVABILITE DE L'OPPOSITION
Attendu qu'au terme de l'article 40 de l'acte uniforme précité les décisions du Juge commissaire sont immédiatement déposées au greffe et notifiées par les soins du greffier à toutes personnes à qui elles sont susceptibles de faire grief; qu'elles peuvent être frappées d'opposition dans les huit jours de leur dépôt ou de leur notification qu'en l'espèce il est constant que l'ordonnance querellée n'a fait l'objet d'aucun dépôt au greffe; que dès lors le délai d'opposition ne pouvait courir qu'à compter de la notification; Attendu qu'en fait de notification il n'y en a point eu, que la SCA n'a eu connaissance de la décision qu'à compter de sa publication, que les huit jours prévus n'ont pu commencer à courir qu'à compter de cette date, qu'il s'ensuit que l'opposition a été faite dans les délais, que la forme ayant aussi été respectée il échet la déclarer recevable et statuer sur son mérite;
II. AU FOND
a) De l'acquiescement de la décision de rejet
Attendu qu'il n'est pas contesté qu'une sentence arbitrale a déclaré la SCA créancière de la CIMAT de la somme de 7.243.143.125 Francs que c'est ce qui a amené la défenderesse à déposer son bilan le 13 juillet 2001 avec pour conséquence le prononcé d'un jugement de liquidation des biens;
Attendu qu'un tel jugement a pour conséquence la dissolution de la personne morale et le remplacement de ses dirigeants par les Syndics, que par ailleurs le jugement de liquidation des biens constitue les créanciers en une masse représentée par le Syndic qui, seul, agit en son nom, que ne sont concernés par la masse que les créanciers qui ont produit leurs créances dans le délai légal prévu à l'article 78 de l'acte uniforme;
Attendu en l'espèce que la SCA a produit une créance à hauteur de 7.243.143.125 francs constatée par une sentence arbitrale tout en sollicitant que lui soit reconnue la réserve de propriété; que les Syndics, tout en admettant la créance ont rejeté la réserve de propriété sollicitée; que contre cette position des Syndics, la SCA a fait recours au Juge commissaire par une réclamation datée du 8 novembre 2001;
Attendu qu'aucune suite n'a été donnée à la réclamation de la SCA, que conformément à l'article 40 de l'acte uniforme OHADA précité, si dans les huit jours de sa saisine le Juge commissaire ne donne aucune suite, il sensé avoir rendu une décision de rejet;
Attendu que la voie de recours de la décision du Juge commissaire est l'opposition faite dans les 8 jours;
Qu'il est de principe que celui qui n'exerce pas de voie de recours a acquiescé la décision; que pour sa requête datée du 8 novembre, le 17 du même mois le délai de l'opposition a commencé à courir, que n'ayant élevé aucune contestation devant le Tribunal de grande instance dans ce délai, la SCA a abandonné son titre de propriétaire du centre de broyage de clinkers; que dès lors elle ne peut être considérée que comme un simple créancier dans la masse.
b) De la nature des biens revendiqués
Attendu que l'action de la SCA, maladroitement qualifiée d'action en restitution n'est ni plus ni moins qu'une action en revendication, que dans le cadre d'une procédure collective la revendication est prévue aux articles 101 et suivants de l'acte uniforme OHADA portant procédure collective d'apurement du passif, que l'article 103 de l'acte uniforme énonce les conditions de l'action en revendication qu'il faut que les biens soient meubles et qu'ils se retrouvent en nature;
Attendu que la SCA invoque que les objets constituant le centre de broyage de clinker sont sa propriété qu'il échet d'analyser leurs natures;
Attendu que les biens dont s'agit, acquis à la CIMAT depuis plus de 10 ans ont subi des transformations;
Qu'il s'agit de biens acquis en seconde main que leurs états au moment de l'acquisition n'a pas demeuré du fait des changements des pièces;
Attendu par ailleurs qu'au terme des articles 524 et 525 du code civil, sont immeubles par destination, tous effets mobiliers que le propriétaire a attachés au fonds à perpétuelle demeure;
Que le propriétaire est sensé avoir attaché à son fonds à perpétuelle demeure lorsque les effets mobiliers sont scellés en plâtre où à chaux ou à ciment, ou lorsqu'ils ne peuvent être détachés sans être fracturés et détériorés;
Attendu que les biens réclamés par la SCA sont scellés à perpétuelle demeure à l'usine CIMAT formant avec le reste du matériel un tout indivisible, qu'il s'ensuit que lesdits biens sont devenus immobiliers; que les conditions de l'article 103 sus-cité ne sont pas réunies et qu'il échet déclarer l'action mal fondée.
c) Sur l'annulation de l'ordonnance n° 0224
Attendu que la SCA demande l'annulation de l'ordonnance ayant autorisé la vente motif pris de ce que la vente de la chose d'autrui est nulle que n'ayant pas réagi au rejet de sa demande par le Juge commissaire sur la reconnaissance de son titre de propriété, la SCA a volontairement renoncé à cette qualité;
Que le bien vendu n'est donc nullement la chose d'autrui;
Attendu qu'en ordonnant la vente de l'usine, le Juge commissaire n'a pas outre passé ses pouvoirs, que c'est la continuation normale de la procédure de la liquidation des biens;
Attendu que l'ordonnance a été prise dans la légalité qu'elle ne saurait être annulée; qu'il échet débouter la SCA de sa demande et confirmer la vente intervenue le 23 janvier 2002 entre les Syndics liquidateurs de la CIMAT et la société West Africain Cément SA;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement après débats en chambre du conseil en matière commerciale et en dernier ressort
EN LA FORME
Déclare l'opposition faite par la SCA à l'ordonnance du Juge commissaire de la liquidation CIMAT ayant autorisé la vente de l'Usine de production de Ciments recevable.
AU FOND
Déboute la SCA de sa demande comme étant mal fondée et ce conformément aux dispositions des articles 525 du code civil et 103 du traité OHADA portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif;
Condamne SCA aux dépens.