J-04-43
DROIT DES ASSURANCES – CIMA- ASSURANCE DES VEHICULES TERRESTRES A MOTEUR – ARTICLE 256 DU CODE CIMA – ACTION EN RESPONSABILITE CIVILE EXTRA-CONTRACTUELLE – PRESCRIPTION (NON).
INDEMNISATION DES VICTIMES – FAUTE DE LA VICTIME – PARTAGE DE RESPONSABILITE – ARTICLES 227 ET 229 DU CODE CIMA – DROIT A REPARATION DES AYANTS DROIT – LIMITATION DE L'INDEMNISATION – PENALITES DE RETARD (NON).
L'analyse des dispositions des articles 227 et 229 du code CIMA permettent d'accorder une indemnisation aux ayants droit de la victime ayant commis une faute.
Par ailleurs, la jurisprudence est constante sur l'opposabilité de la faute de la victime directe aux victimes par ricochet.
Article 227 CODE CIMA
Article 229 CODE CIMA
Article 256 CODE CIMA
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n° 702 du 26 juin 2002, Ayants droit de feu KOMBATANGA S. Hilaire c/ KIEDEM T. Bila & ONATEL, SONAR, BORO Mamadou & SOGEBAF, UAB)).
LE TRIBUNAL,
Vu les pièces du dossier;
Ouï à l'audience du 22 août 2001 date à laquelle l'affaire a été renvoyée à la mise en état; reprogrammée le 16 janvier 2002, renvoyée au 06 février 2002, date à laquelle elle a été mise en délibéré pour le 20 mars 2002 puis prorogée au 10 avril 2002 au 08 mai 2002 au 29 mai 2002 et au 26 juin 2002;
Ouï les parties en leurs explications, fins, moyens et conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
I. FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Attendu que le 16 décembre 1997 vers 23 heures, un véhicule Peugeot 106 immatriculé 11 A 2912 BF appartenant à la compagnie des sapeurs pompiers et conduit par l'adjudant chef KOMBATANGA Sayouba Hilaire a quitté Ouagadougou à destination de Koudougou;
Que parvenu au village de Gnimdi, lors d'un croisement il heurte un camion Renault immatriculé 11 E 0371 BF appartenant à l'ONATEL et conduit par KIEDEM Tarwina Bila venant en sens inverse;
Qu'après ce premier choc, le véhicule Peugeot 106 dérape, poursuit sa course et entre en collision avec un car DAF immatriculé 10 G 7901 BF appartenant à la régie de transport SOGEBAF et conduit par BORO Mamadou circulant dans le même sens que le camion Renault;
Que cette double collision a entraîné la mort de l'adjudant chef KOMBATANGA S. Hilaire.
Attendu que par exploit d'huissier de justice en date du 10 août 2001 les ayants droit de feu KOMBATANGA S. Hilaire pour lesquels domicile est élu en l'Etude de Maître KEITA Mamadou, Avocat à la Cour ont assigné :
– monsieur KIEDEM T. Bila en service à l'ONATEL;
– l'Office National des Télécommunications du Burkina Faso;
– la Société Nationale d'Assurance et de Réassurance;
– BORO Mamadou en service à la Société de Transport SOGEBAF;
– la Société de Transport SOGEBAF;
– l'Union des Assurances du Burkina;
à comparaître le 22 août 2001 par-devant le tribunal de céans à l'effet de :
– voir déclarer leur action recevable et fondée;
– condamner solidairement au paiement des dommages intérêts conformément aux articles 264 et suivants du code CIMA;
– voir condamner l'UAB et la SONAR en vertu de l'article 233 et à garantir le paiement des condamnations pécuniaires à venir;
– voir assortir la décision de l'exécution provisoire et les condamner aux dépens dont distraction au profit de Maître Mamadou KEITA.
Attendu qu'à l'appui de leur assignation, les requérants par la plume de leur avocat Maître Mamadou KEITA exposent que c'est la collision entre le camion Renault conduit par KIEDEM T. Bila et la Peugeot 106 conduite par feu KOMBATANGA S. Hilaire qui a déséquilibré celui-ci et l'a envoyé directement dans le couloir de marche du car SOGEBAF qui roulait à vive allure;
Que ce dernier choc a été fatal à l'occupant du véhicule Peugeot 106.
Qu'ils poursuivent que la responsabilité des chauffeurs KIEDEM T. Bila et BORO Mamadou dans la mort de leur auteur est évidente; ils sollicitent en conséquence leur condamnation à leur payer la somme totale de 29.413.118,27 Francs CFA à titre de dommages intérêts conformément aux articles 225 et 228 du code CIMA;
Qu'ils sollicitent par ailleurs l'application de la pénalité sur l'indemnisation correspondant au double du taux d'escompte dans la limite du taux de l'usure soit 7.500.345, 27 Francs CFA pour offre tardive et l'exécution provisoire;
Qu'en réplique, Maître Barthélemy KERE pour le compte de KIEDEM T. Bila, ONATEL et la SONAR soulève :
EN LA FORME
La nullité de l'assignation sur le fondement de l'article 438 du code de procédure civile pour défaut de certaines mentions obligatoires telle que l'indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée;
Que le fait de ne citer aucune pièce dans l'assignation lui cause un préjudice au sens de la gestion d'un contentieux.
AU FOND
Ils sollicitent principalement que feu KOMBATANGA soit déclaré seul responsable de l'accident et exclure de ce fait ses ayants droit de toute indemnisation conformément à l'article 227 alinéa 1er du code CIMA;
Subsidiairement, il explique que le car DAF de la SOGEBAF ayant joué un rôle prépondérant dans la survenance de l'accident, il appartient à son assureur l'UAB de gérer le dossier et de faire toute offre d'indemnisation aux ayants droit de la victime par application de l'article 268 du code CIMA;
Que pour terminer, il déclare que la faute exclusive de la victime qui conduisait le véhicule des sapeurs pompiers appartenant à l'Etat entraîne sa responsabilité.
Quant à Maître LOMPO O. Frédéric, il soulève in limine litis pour le compte de BORO Mamadou, la SOGEBAF et l'UAB des exceptions de nullité et une fin de non recevoir.
– L'exception de nullité tirée de la violation de l'article 441 du code de procédure civile selon lequel le délai entre la notification et l'assignation et la date de comparution est de 15 jours. Que l'assignation à comparaître du 22/08/01 a été desservie à l'UAB le 10/08/2001 soit seulement onze (11) jours.
– L'exception de nullité tirée de la violation des dispositions de l'article 438 du code de procédure civile qui prescrivent les mentions obligatoires devant figurer sur une assignation : l'indication faite au défendeur qu'il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire s'il ne comparaît pas.
– L'exception de nullité fondée sur l'article 99 du code de procédure civile relatif aux actes d'huissier de justice qui édicte les mesures tendant à l'identification du requérant.
– La fin de non recevoir fondée sur la prescription de l'action civile qui vise la réparation de l'infraction pénale survenue le 16/12/1997. Que l'article 10 du code de procédure pénale stipule que l'action civile ne peut être engagée après l'expiration du délai de prescription de l'action publique. Que l'accident ayant eu lieu le 16/12/1997, l'action publique est prescrite le 16/12/2000;
Attendu que Maître LOMPO O. Frédéric poursuit subsidiairement que les ayants droit de feu KOMBATANGA tentent d'établir la responsabilité de BORO Mamadou sur la base du choc intervenu entre son véhicule et celui de la victime. Que cependant le point de choc se situe dans le couloir de marche de BORO Mamadou;
Que le fait que le car immatriculé 10 G 7901 BF conduit par BORO ait quitté la chaussée sur une distance de 43,3 mètres n'est point la preuve d'un excès de vitesse; qu'il témoigne de la violence avec laquelle le véhicule de la victime a percuté celui conduit par BORO Mamadou;
Que l'accident du 16/12/1997 est dû à la mauvaise manière de circuler de feu KOMBATANBA S. Hilaire et retenue par le procès-verbal de constat d'accident;
Que conformément à l'article 227 du code CIMA, il sollicite l'exclusion de toute indemnité des ayants droit et conclut à la mise hors de cause de l'UAB.
II. DISCUSSION
Attendu que Maître KERE Barthélemy et Maître LOMPO O. Frédéric ont tous soulevé des exceptions de nullité de l'exploit introductif d'instance et une fin de non recevoir.
Qu'au regard des faits de la cause il y a lieu de joindre le exceptions au fond et de statuer par un seul et même jugement;
EN LA FORME
Sur les exceptions de nullité et de fin de non recevoir
Attendu que selon l'article 140 du code de procédure civile la nullité des actes de procédure pour vice de forme ne peut être prononcée qu'à charge par celui qui l'invoque, de prouver le préjudice que lui cause l'irrégularité même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public;
Que ledit préjudice n'a pas été prouvé qu'il y a lieu de les rejeter comme étant sans fondement;
Attendu par ailleurs que l'article 256 aliéna 1 du code CIMA dispose que « les actions en responsabilité extra-contractuelle auxquelles le présent code est applicable se prescrivent par un délai maximum de cinq (5) ans à compter de l'accident »;
Que le délit de route est soumis à une réglementation spécifique qui est le code CIMA;
Que la fin de non recevoir fondée sur l'article 10 du code de procédure pénale est donc inapplicable.
AU FOND
Sur la demande d'indemnisation des ayants droit
Attendu qu'il ressort des pièces du dossier et des débats que la voiture Peugeot 106 appartenant à la compagnie des sapeurs pompiers et conduite par feu KOMBATANGA Hilaire a heurté la roue arrière gauche du camion Renault de l'ONATEL conduit par KIEDEM Tarwina Bila avant de rentrer en collision avec le car DAF de la SOGEBAF conduit par BORO Mamadou;
Qu'il est indéniable que le premier choc a déséquilibré la voiture Peugeot qui s'est retrouvée dans le couloir de marche du car SOGEBAF;
Que c'est ce dernier choc qui a été fatal au sieur KOMBATANGA S Hilaire.
Attendu que tous ces trois véhicules ont matériellement participé à la production de l'accident et que la faute de la victime a été prépondérante;
Qu'il y a lieu de procéder à un partage de responsabilité en raison d'un tiers à la charge des conducteurs KIEDEM T. Bila et BORO Mamadou et de deux tiers à la charge de la victime KOMBATANGA S. Hilaire.
Sur l'indemnisation des ayants droit
Attendu que les ayants droit de feu KOMBATANGA S Hilaire sollicitent la somme totale de vingt neuf million quatre cent douze mille cent soixante quatre (29.412.164) francs CFA à titre de dédommagement en vertu des articles 264, 265 et 266 du code CIMA outre celle de sept million cinq cent mille cent un virgule huit (7.500.101,8) francs CFA au titre des intérêts de droit en vertu de l'article 233 du code CIMA.
Qu'en réplique Maître KERE Barthélemy invoque les dispositions de l'article 227 du code CIMA pour demander l'application de la limitation ou de l'exclusion de l'indemnisation des dommages corporels ou matériels aux ayants droit;
Mais attendu que selon les dispositions du code CIMA notamment l'article 225 lorsqu'un accident est causé par un véhicule terrestre à moteur il ouvre droit à indemnisation;
Que l'article 229 alinéa 2 du code CIMA dispose que « le préjudice subi par les personnes physiques qui établissent être en communauté de vie avec la victime directe de l'accident peut ouvrir droit à réparation dans les limites ci-après :
– en cas de décès de la victime, la personne lésée par ricochet est assimilée selon son âge, à un enfant majeur ou mineur. A ce titre elle entre parmi les bénéficiaires énumérés aux articles 265 et 266 du présent code. La réparation à laquelle elle peut prétendre entre dans la limite des plafonds fixés par ces textes »;
Que l'analyse des dispositions des articles 227 et 229 du code CIMA permettent d'accorder une indemnisation aux ayants droit de feu KOMBATANGA S. Hilaire;
Que par ailleurs la jurisprudence est constante sur l'opposabilité de la faute de la victime directe aux victimes par ricochet;
Qu'au regard des pièces du dossier l'indemnisation des ayants droit suivra le calcul ci-après :
KOMBATANGA Sayouba Hilaire est né en 1950, marié et père de sept (7) enfants, Adjudant-chef de l'armée
Revenu annuel : 176.901 x 12 = 2.122.812 F.CFA
* Frais funéraires = 345.348 F.CFA
* Préjudice économique des ayants droit :
Revenu annuel = 2.122.812 F.CFA
Epouse âgée de 43 ans : (2.122.812x 35%)x 13.011= 9.666.967.430 F.CFA
Clé de répartition entre orphelins :
2.122.812 x 40%)/7 = 121.303,54 F.CFA
KOMBATANGA R.Gwladys (20 ans)
121.303,54 x 0,938 = 113.782,72 F.CFA
KOMBATANGA F. Régis (17 ans)
121.303,54 x 3,421 = 414.979,41 F.CFA
KONIBATANGA W. Roland Stanislas (13 ans)
121.303,54 x 6,079 = 737.404,21 F.CFA
KOMBATANGA B. Wilfried (11 ans)
121.303,54 x 7,177 = 870.595,5 F.CFA
KOMBATANGA W. S. Sonia (7 ans)
121.303,54 X 8,996 = 1.091.246,6 F.CFA
KOMBATANGA A. Adrien (5 ans)
121.303,54 X 9, 745 = 1.182.102,9 F.CFA
Préjudice économique total = 14.767.771 F.CFA
Attendu que le fils aîné KOMBATANGA Emile René est âgé de 23 ans; que conformément à l'article 265 alinéa 3 du code CIMA il doit être exclu de l'indemnisation économique tant qu'il n'a pas été prouvé qu'il poursuit des études supérieures.
* Préjudice moral des ayants droits (Article 226)
Conjoint survivant : 2.122.812 x 150% = 3.183.273 F.CFA
Enfants mineurs (2.122.812 x 75%) x 5 = 7.960.545 F.CFA
Enfants majeurs (2.122.812 x 50%) x 2 = 2.122.812 F.CFA
Total préjudice moral = 3.183.273 + 7.960.545 + 2.122.812 = 13.267.575 F.CFA
Total général = 27.344.651 F.CFA
Attendu que l'application de la limitation de l'indemnisation aux ayants droit à savoir 2/3 à la charge de la victime et 1/3 à la charge des conducteurs BORO Mamadou et KIEDEM T. Bila donne le résultat suivant :
27.344.651x 1/3 = 9.114.883,6 F.CFA
Soit : 9.114.883,6 + 345.348 F = 9.460.231,6 F.CFA
Attendu qu'au moment de l'accident les véhicules conduits par BORO Mamadou et KIEDEM T. Bila appartenant à la SOGEBAF et à l'ONATEL étaient respectivement assurés à l'UAB et à la SONAR;
Qu'il convient dès lors de condamner les civilement responsables à payer aux ayants droit de feu KOMBATANGA S. Hilaire la somme totale de neuf million quatre cent soixante mille deux cent trente et un virgule six (9.460.231,6) francs CFA et d'appeler l'UAB et la SONAR en garantie du paiement de la dite somme.
Sur les pénalités de retard
Attendu que les débats ont établi qu'il n'y a pas eu offre tardive mais un conflit sur la question de la responsabilité de l'accident;
Qu'en effet IVAB a estimé que l'accident était dû à la faute exclusive du défunt et refusé d'indemniser les ayants droit;
Quant à la SONAR, les pièces ne lui avaient été communiquées que tardivement;
Que la conciliation ayant échoué, les parties se sont retrouvées dans une phase judiciaire;
Qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande des pénalités de retard.
Attendu qu'aucune urgence n'explique l'exécution provisoire qu'il n'y a pas lieu de l'ordonner.
Attendu que les défendeurs succombent à la présente procédure qu'il y a lieu de les condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant publiquement contradictoirement en matière civile et en premier ressort.
EN LA FORME
Reçoit toutes les exceptions de nullité et fin de non recevoir soulevées par les défendeurs mais les rejette comme étant mal fondées.
Déclare l'action des ayants droit de KOMBATANGA recevable.
AU FOND
Déclare KIEDEM T. Bila et BORO Mamadou responsable de l'accident survenu le 16 décembre pour un tiers et deux tiers à la charge de la victime. En conséquence condamne solidairement les civilement responsables l'ONATEL et SOGEBAF à payer aux ayants droit de KOMBATANGA S. Hilaire la somme totale de neuf million quatre cent soixante mille deux cent trente et un virgule six (9.460.231,6) francs CFA se répartissant comme suit :
Préjudice économique : 14.077 076x 1/3 = 4.692.358 F.CFA
Préjudice moral : 13.267.575 x 1/3 = 4.422.525 F.CFA
Frais funéraires = 345.348 F.CFA
Déboute les ayants droit du surplus de leur demande.
Dit que l'UAB et la SONAR seront tenues de garantir le paiement des condamnations pécuniaires.
Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire.
Condamne les défendeurs aux dépens.