J-04-438
VOIES D’EXECUTION – SIGNIFICATION DE COMMANDEMENT – PERSONNE MORALE – INCAPACITÉ D’EXERCICE – SIGNIFICATION DIRECTEMENT SERVIE A LA PERSONNE MORALE – NULLITE – DISCONTINUATION DES POURSUITES.
La signification-commandement servie directement à une personne morale dépourvue de capacité d’exercice, sans passer par la médiation de son représentant légal, doit être déclarée nulle; la discontinuation des poursuites doit par conséquent être ordonnée.
Article 1842 CODE CIVIL
(Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo – Ordonnance de contentieux d’exécution du 31 décembre 2002, Société de Fournitures Industrielles du Cameroun (SFIC) SA. c/ SARL BRETEX).
Affaire : Société de Fournitures Industrielles du Cameroun – SFIC, SA
(Maître NGAMKAN Gaston)
contre
Sarl BRETEX
(SCP MOUTOME & WOLBER).
Nature de l’affaire : Opposition à commandement et discontinuation des poursuites.
Faits : La Société de Fournitures Industrielles du Cameroun (SFIC) demandait que soit annulé l’exploit commandement qui lui avait été servi par la Sarl BRETEX. En effet, elle soutenait qu’en tant que personne morale, cet exploit n’aurait pas dû lui être adressé directement, mais plutôt à son représentant légal, en l’espèce, Mr Isaïe NANA, personne physique; et ce, conformément à l’article 98 de l’Acte Uniforme relatif au droit des Sociétés Commerciales et du Groupement d’Intérêt Economique.
Solution du juge : Le juge a fait droit à la demande de la SFIC. Face au refus de la défenderesse à conclure, il a annulé la signification commandement et ordonné la discontinuation des poursuites qui avaient été engagées par la SARL BRETEX contre la SFIC.
– Ordonnance de référé.
L’an deux mil deux et le trente et un du mois de décembre;
Devant Nous, NKENG Joseph, Président du Tribunal de Première Instance de Douala Bonanjo, République du Cameroun, tenant audience publique de contentieux d’exécution en la salle ordinaire de ses audiences, sise au Palais de Justice de ladite ville;
Assisté de Maître EKOULE Max, Greffier;
A comparu Maître Gaston NGAMKAN, Avocat à Douala, Conseil de la Société de Fournitures Industrielles du Cameroun, en abrégé SFIC, société anonyme dont le siège est à Boulevard de la Liberté – BP 1384 Douala, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en service, ayant domicile élu en l’étude de l’Avocat susnommé, lequel nous a exposé que suivant exploit en date du 17 octobre 2002, non encore enregistré, mais qui le sera en temps utile, du ministère de Maître YOSSA née DIOMAKOUA Evelyne Thérèse, Huissier de justice à Douala, et en vertu de l’ordonnance N° 02 rendue le 16 octobre 2002 par Monsieur le Président du Tribunal de Première Instance de Douala Bonanjo, en sa qualité de Juge du contentieux de l’exécution;
Sa cliente a fait donner assignation en discontinuation de poursuites, portant opposition à commandement, à :
1.- la Sarl BRETEX, dont le siège social est à Z.I. de Saint-Eloi – 29800 Ploudren (France), prise en la personne de son représentant légal en exercice, lesquels ont élu domicile à la SCP MOUTOME & WOLBER, Avocats associés au Barreau du Cameroun;
2.- Maître Guy EFON, Huissier de justice près la Cour d’Appel du Littoral et les Tribunaux de Douala, y demeurant BP 2764, en son Etude sise dite ville;
A l’effet d’avoir à se trouver et à comparaître le jeudi 17 octobre 2002 à 14 heures, par-devant Monsieur le Président du Tribunal de Première Instance de Douala Bonanjo, statuant en matière de contentieux d’exécution, en son Cabinet sis au Palais de justice de ladite ville, pour, est-il dit dans cet exploit;
Et tous autres à suppléer ou à déduire, le cas échéant, en plaidant, et qui font corps avec le présent dispositif;
Il est demandé à Monsieur le Président, Juge du contentieux de l’exécution, de :
Vu les articles XX de l’Acte Uniforme OHADA sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution;
Vu l’article 98 de l’Acte Uniforme OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, ensemble l’article 1842 du Code Civil, textes qui consacrent l’autonomie juridique des personnes morales sociétaires;
Vu l’attestation de « non redevable » établie par Maurice HARTAREAU, gérant de la Sarl BRETEX, le 04 novembre 1995;
Vu la plainte avec constitution de partie civile déposée le 21 juin 2002 contre Maurice HARTAREAU, gérant de la Sarl BRETEX, et celle-ci entre les mains du Procureur de la République de Douala Bonanjo, pour tentative d’escroquerie;
– Constater que la signification commandement du 04 septembre a été servie directement à la SFIC, personne morale, dépourvue de capacité d’exercice, sans passer par l’intermédiaire de son représentant légal en exercice, personne physique;
– Constater la nullité évidente dudit exploit;
– Constater que la prétendue créance de la Sarl BRETEX trouve sa cause dans des factures à échéances des 31 mai et 06 août 1993, et à échéance des 06 août et 30 septembre 1993;
– Constater que le 04 novembre 1993, Maurice HARTAREAU, gérant de la Sarl BRETEX, a reconnu lui-même que pour les périodes susmentionnées, les entreprises SID et SFIC n’étaient pas redevables envers la société BRETEX et le Groupe HARTAREAU;
EN CONSEQUENCE :
– Ordonner la discontinuation des poursuites malicieusement engagées par la Sarl BRETEX contre la requérante;
– Condamner la Société BRETEX aux dépens, distraits au profit de Maître Gaston NGAMKAN, Avocat, sous sa due affirmation;
Attendu que la demanderesse a attrait la défenderesse devant le Juge de contentieux d’exécution de céans, aux fins suscitées;
A l’appel de la cause, la défenderesse a été entendue en ses moyens de défense, par le truchement de son Conseil, en l’occurrence, la SCP MOUTOME & WOLBER, Avocats au Barreau du Cameroun, puis l’affaire é été renvoyée aux 24 et 25 octobre 2002 à 14 heures, pour conclusions de la SCP MOUTOME & WOLBER, puis au 12 novembre, 26 novembre 2002 et 03 décembre 2002 à 14 heures, pour le même motif, et pour la réassignation de la Sarl BRETEX; sur quoi, les débats ont été déclarés clos, puis l’affaire mise en délibéré, pour la décision être rendue le 17 décembre 2002, lequel délibéré a été rabattu, pour réouverture des débats, et après débats, l’affaire a été remise en délibéré, pour la décision être rendue le 31 décembre 2002, à 14 heures;
Advenue cette dernière audience, la juridiction de céans, statuant publiquement et contradictoirement en matière de contentieux d’exécution, a, par l’organe de son Juge, rendu la décision dont la teneur suit :
Nous, Président, Juge de l’urgence, agissant en matière de contentieux d’exécution, en vertu de l’article 49 de l’Acte Uniforme OHADA portant voies d’exécution :
Attendu que par exploit en date du 17 octobre 2002 du ministère de Maître YOSSA née DIOMAKOUA Evelyne Thérèse, Huissier de justice à Douala, la Société de Fournitures Industrielles du Cameroun (SFIC), dont siège à Douala, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, ayant domicile élu en l’Etude de Maître NGAMKAN Gaston, Avocat à Douala, a fait donner assignation à la Sarl BRETEX, dont siège à Z.I. de Saint-Eloi – 29800 Ploudren (France), prise en son représentant légal, ayant élu domicile à la SCP MOUTOME-WOLBER, Avocats associés à Douala, sieur Guy EFON, Huissier de justice à Douala, d’avoir à se trouver et comparaître par-devant Monsieur le Président du Tribunal de Première Instance de Douala, statuant en matière de contentieux d’exécution, en son Cabinet sis au Palais de Justice, pour, est-il dit dans cet exploit :
– Constater que la signification commandement du 04 septembre lui a été directement servie, alors qu’elle est dépourvue de capacité d’exercice, en sa qualité de personne morale, sans passer par son représentant légal en exercice;
– Constater la nullité dudit exploit;
– Constater que la prétendue créance de la Sarl BRETEX trouve sa cause dans des factures à échéances des 31 mai et 06 août 1993, et à échéance des 06 août et 30 septembre 1993;
– Constater que le 04 novembre 1993, Maurice HARTAREAU, gérant de la Sarl BRETEX, a reconnu que pour les périodes susmentionnées, la SID et elle n’étaient pas redevables envers la société BRETEX et le Groupe HARTAREAU;
EN CONSEQUENCE :
– Ordonner la discontinuation des poursuites engagées par la Sarl BRETEX contre elle;
– Condamner la Société BRETEX aux dépens, distraits au profit de Maître Gaston NGAMKAN, Avocat, sous sa due affirmation;
Attendu qu’au soutien de son action, la demanderesse expose que sieur Isaïe NANA, son Directeur Général et elle, ont reçu signification de la grosse du jugement N° 93/4719 du 24 mars 1995 rendu par le Tribunal de Commerce de Brest, confirmé par la Cour d’Appel de Rennes et approuvé par la Cour de Cassation Française, suivant décision N° 10002/F du 19 février 2002;
Que le jugement d’exequatur N° 465, rendu le 06 avril 2001 par le Tribunal de Grande Instance du Wouri, rendait exécutoires sur le territoire camerounais, les décisions du juge français susvisées;
Que le juge de l’exécution, par décision en date du 30 juillet 2002, a annulé l’exécution de l’exploit de signification de Maître Guy EFON susvisé, en ce que sieur Isaïe NANA était une personne distincte de la SFIC sur action de ce dernier;
Qu’elle a fait opposition à l’exploit de signification commandement avec assignation en discontinuation des poursuites;
Qu’alors que la cause était encore pendante, la défenderesse a servi une signification commandement identique à la précédente, exception faite de la modification du montant, sans passer par la médiation de son représentant légal en exercice, personne physique;
Qu’il est pourtant acquis en droit, que la personne morale est représentée par une personne morale est représentée par une personne physique, qui est son représentant légal;
Que selon l’article 98 de l’Acte uniforme portant droit des sociétés commerciales du groupement d’intérêt économique, ensemble l’article 1842 du Code Civil, toute société jouit de la personnalité juridique, à compter de son immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier;
Attendu que la défenderesse, plusieurs fois invitée à conclure, n’a pas cru bon de le faire;
Qu’il échet de tirer les conséquences du défaut d’argument;
Attendu qu’il ressort du dossier de la procédure et les pièces versées aux débats, notamment l’exploit de signification commandement daté du 04 septembre 2002, que la SFIC, personne morale de droit camerounais, dépourvue de capacité d’exercice, a été directement signifiée, sans la médiation de son représentant légal;
Qu’il échet de constater la nullité de ladite signification commandement;
Attendu qu’ainsi, il y a lieu, en conséquence, d’ordonner la discontinuation des poursuites engagées par la Société Sarl BRETEX à l’encontre de la SFIC;
Attendu que la partie qui succombe supporte les dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant en urgence et agissant en matière de contentieux d’exécution, en vertu de l’article 49 de l’Acte Uniforme OHADA N° 6 portant voies d’exécution :
– Constatons que la signification commandement du 04 septembre 2002 a été servie directement à la SFIC, personne morale, dépourvue de capacité d’exercice sans passer par l’intermédiaire de son représentant légal;
– Constatons la nullité de ladite signification commandement;
– Ordonnons, en conséquence, la discontinuation des poursuites engagées par la Société Sarl BRETEX à l’encontre de la SFIC;
– Condamnons la Sarl BRETEX aux dépens;
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique de contentieux d’exécution les mêmes jour, mois et an que dessus;
En foi de quoi, la présente décision a été signée par le Juge, qui l’a rendue, et le Greffier.