J-04-449
VOIES DEXECUTION – SAISIE-ATTRIBUTION DE CREANCES – DEFAUT DE TITRE EXECUTOIRE – DEFAUT DE SIGNIFICATION – NULLITE – MAINLEVEE.
A travers l’article 28 AUPSRVE, le législateur communautaire a entendu mettre en avant l’exécution volontaire du débiteur défaillant. Le seul prononcé d’une décision judiciaire ne suffit pas à la rendre exécutoire la signification étant une condition sine qua non de l’exécution. Dès lors, il y a lieu de déclarer nulle la saisie-attribution de créances et de donner mainlevée de ladite saisie en l’absence de toute signification.
(Tribunal de Première Instance de Douala-Ndokoti – Ordonnance de contentieux d’exécution n° 306 du 30 septembre 2003, Dame NGASSA Rose (Ets NGASSA et Fils ) c/ Ste Négoce Cameroun Trading et autres...).
Affaire : Dame NGASSA Rose
(Ets NGASSA & Fils)
(Me BOUMO)
contre
Sté Négoce Cameroun Trading
et autres…
Nature de l’affaire : Nullité de la saisie attribution et mainlevée.
Faits : Dame NGASSA sollicitait la nullité de la saisie attribution pratiquée contre elle par la Société Négoce Trading Sarl. En effet, elle prétendait que non seulement il y avait eu violation de l’article 31 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution, car la créance ne remplissait pas les conditions de certitude, de liquidité et d’exigibilité, du fait qu’elle n’entretenait aucun lien contractuel avec la Ste Négoce Cameroun Trading Sarl. Bien plus, il y avait eu violation de l’article 28 de l’Acte Uniforme précité, du fait que le titre exécutoire en vertu duquel la saisie attribution avait été pratiquée ne lui avait pas été signifié.
Solution du juge : Le juge, malgré les arguments de la défenderesse qui soutenait que la signification du titre exécutoire n’était pas une condition de la pratique d’une saisie attribution, a considéré qu’il y avait bel et bien violation de l’article 28 de l’Acte Uniforme portant voies d’exécution. Il a ainsi déclaré nulle la saisie attribution pratiquée sur les comptes de dame NGASSA par la société Négoce Trading.
– Ordonnance de référé.
L’an deux mille trois et le trente du mois de septembre;
Par-devant nous, René Lucien EYANGO, Président du Tribunal de Première Instance de Douala Ndokoti, tenant audience des contentieux de l’exécution, en la salle ordinaire de ses audiences sise au Palais de Justice de ladite localité; Juge;
Assisté de Maître MALABO Louise, Greffier régulièrement assermentée;
A comparu Maître BOUMO, Avocat au Barreau du Cameroun – BP 4798 Douala, Conseil des demandeurs, lesquels nous ont exposé que par exploit en date du 12 juin 2003 et 17 juin 2003 de Maître NGANKO Didier, Huissier de justice à Douala, a fait donner assignation à :
– La Société Négoce Cameroun Trading Sarl, ayant pour Conseil Maître MARE Jeanne Lisette, Avocat au Barreau du Cameroun – BP 3745 Douala;
– Maître BALENG MAAH Célestin, Huissier de justice à Douala;
– la Banque Internationale du Cameroun pour l’Epargne et le Crédit BICEC) S.A.;
– Afriland First Bank;
– le Crédit Lyonnais du Cameroun;
– la Société Générale de Banque au Cameroun – SGBC-S.A.;
– la Commercial Bank of Cameroon (CBC);
– Amity Bank S.A.;
– la Citibank;
– la Compagnie Financière de l’Estuaire (Cofinest);
d’avoir à se trouver et comparaître par-devant le Tribunal de Première Instance de céans, juge du contentieux de l’exécution, pour, est-il dit dans cet exploit :
Attendu que les demandeurs ont assigné les parties défenderesses devant le juge de céans;
La cause a été mise au rôle général de l’année judiciaire en cours, puis appelée à la date fixée dans l’acte introductif d’instance;
A l’appel de la cause, les parties ont été entendues en leurs moyens de défense, fins et conclusions;
Sur quoi, après moult renvois utiles, la cause a été retenue à l’audience du 04 septembre 2003, date à laquelle, après les débats, elle a été mise en délibéré, pour ordonnance être rendue le 16 septembre 2003;
A cette date, le délibéré fut prorogé au 30 septembre 2003;
Advenue cette dernière audience, la juridiction des contentieux de l’exécution, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu, par l’organe de son juge, l’ordonnance dont la teneur suit :
Nous, Président, Juge du contentieux de l’exécution;
Vu l’exploit introductif d’instance;
Vu les pièces du dossier de la procédure;
Et après en avoir délibéré, conformément à la loi;
Attendu qu’en vertu de l’ordonnance présidentielle N° 379 du 10 juin 2003 et suivant exploit en date du 12 et 17 juin 2003 non encore enregistré, mais qui le sera en temps utile, de Maître NGANKO Didier, Huissier de justice à Douala, Dame NGASSA Rose, gérante des Ets NGASSA & Fils, ayant pour Conseil Maître Chrétien BOUMO, Avocat au Barreau du Cameroun – BP 4798 Douala, a fait donner assignation à :
– La Société Négoce Cameroun Trading Sarl, ayant pour Conseil Maître MARE Jeanne Lisette, Avocat au Barreau du Cameroun – BP 3745 Douala;
– Maître BALENG MAAH Célestin, Huissier de justice à Douala;
– la Banque Internationale du Cameroun pour l’Epargne et le Crédit BICEC) S.A.;
– Afriland First Bank;
– le Crédit Lyonnais du Cameroun;
– la Société Générale de Banque au Cameroun – SGBC-S.A.;
– la Commercial Bank of Cameroon (CBC);
– Amity Bank S.A.;
– la Citibank;
– la Standard Chartered Bank;
– la Compagnie Financière l’Estuaire (Cofinest);
d’avoir à se trouver et comparaître par-devant Monsieur le Président du Tribunal de Première Instance de Douala Ndokoti statuant en matière de contentieux de l’exécution, pour, est-il dit dans cet exploit :
Et tous autres à ajouter, déduire ou suppléer, même d’office, s’il y a lieu;
Y venir les requis;
Vu les articles 49, 28 et 31 de l’Acte Uniforme OHADA portant recouvrement simplifié et voies d’exécution et les dispositions de la circulaire N° 17/SG/NJ du 04 juin 2002, du Ministre d’Etat chargé de la Justice, Garde des Sceaux, relative à la pratique des saisies attributions de créances;
– Constater que le titre exécutoire dont se prévaut la Société Négoce Cameroun Trading Sarl n’a pas été signifié à Dame NGASSA Rose, en violation des dispositions de l’article 28 de l’Acte Uniforme OHADA n° 6;
– Dire que l’exécution forcée n’est possible qu’après signification préalable du titre;
– Constater que l’exécution forcée n’est ouverte qu’au créancier justifiant d’une créance certaine, liquide et exigible, conformément aux dispositions de l’article 31 de l’Acte Uniforme OHADA portant voies d’exécution;
EN CONSEQUENCE :
– Déclarer nulle la saisie attribution de créances du 13 mai 2003 pratiquée au préjudice de Dame NGASSA Rose, par Maître BALENG MAAH Célestin, Huissier de justice à Douala;
– En ordonner la mainlevée;
– Dire notre décision exécutoire par provision sur minute et avant enregistrement, nonobstant toutes voies de recours;
– S’entendre condamner la Société Négoce Cameroun Trading Sarl aux entiers dépens distraits au profit de Maître BOUMO, Avocat aux offres de droit;
Attendu qu’au crédit de son action, la demanderesse, par l’entremise de son Conseil, Maître BOUMO, expose :
Que dans le cadre de relations d’affaires qui lient les Ets NGASSA & Fils, dont elle est gérante, et la Société Négoce Cameroun Trading Sarl, cette dernière a enjoint Dame NGASSA Rose, par ordonnance N° 96/99-2000 du 19 janvier 2000, de payer les sommes de 8.857.800 francs en principal, et 600.000 francs à titre de frais, représentant le prix des produits que les Ets NGASSA & Fils auraient reçus;
Que par exploit de Maître NGANKO Didier, Huissier de justice à Douala, en date du 04 février 2000, Dame NGASSA a formé opposition à ladite ordonnance et donné assignation à la Société Négoce Cameroun Trading Sarl;
Que Dame NGASSA sollicite du Tribunal de Grande Instance du Wouri, qu’il annule l’ordonnance querellée, motif pris de ce que la requête de la Société Négoce Cameroun Trading Sarl était au principal irrecevable, car la créance portée sur Dame NGASSA manquait de certitude, et subsidiairement, il y avait confusion de débiteur, la requérante n’ayant jamais contracté personnellement avec le prétendu créancier;
Que par jugement civil N° 147 du 07 décembre 2002, le Tribunal de Grande Instance du Wouri, statuant dans la cause recevant l’opposition de Dame NGASSA Rose, la disant mal fondée et la condamnant à payer les sommes de l’ordonnance querellée;
Qu’en exécution de ce jugement et en date du 13 mai 2003, la Société Négoce Cameroun Trading Sarl faisant pratiquer saisie attribution de créances au préjudice de Dame NGASSA;
Que par exploit de Maître BALENG MAAH du 16 mai 2003, cette saisie étant dénoncée à la requérante;
Que premièrement, l’ordonnance du 18 janvier 2000 a consacré la confusion établie entre les Ets NGASSA & Fils à la requérante;
Qu’aux termes de l’article 31 de l’Acte Uniforme OHADA n° 6, où l’exécution forcée n’est ouverte qu’au créancier justifiant d’une créance certaine, liquide et exigible;
Que dans le cas d’espèce, la requérante n’a aucun lien contractuel avec la Société Négoce Cameroun Trading Sarl;
Que l’article 31 suscité a été violé;
Que la saisie pratiquée le 16 mai 2003 doit être annulée;
Que secondement, dans l’esprit de l’article 28 de l’Acte Uniforme OHADA portant voies d’exécution, aucune exécution forcée n’est possible sans signification préalable de la décision, pour mettre le débiteur à même d’exécuter volontairement ses obligations;
Que la Société Négoce Cameroun Trading Sarl n’a pas signifié à Dame NGASSA, le titre exécutoire dont elle se prévaut;
Qu’il y a donc lieu, pour le juge de l’urgence, d’ordonner la mainlevée de la saisie attribution pratiquée le 13 mai 2003;
Attendu que pour asseoir son argumentaire, la demanderesse fait verser aux débats, nombre de pièces, dont le procès-verbal de saisie attribution de créances du 13 mai 2003, copie de la dénonciation de la saisie du 31 mai 2003 et la circulaire du Garde des Sceaux;
Attendu que réagissant à ces prétentions, la défenderesse Négoce Cameroun Trading, sous la plume de son Conseil, Maître MARE, conclut au rejet de l’action de la demanderesse, arguant d’une part, de ce que la signification préalable du titre exécutoire en vertu duquel la saisie pratiquée est dirigée contre Dame NGASSA Rose;
Attendu que pour conforter sa défense, la Société Négoce Cameroun fait produire au dossier, une kyrielle de pièces, dont l’ordonnance d’injonction de payer, l’acte d’opposition à injonction de payer expiré de la grosse du jugement civil N° 147 du 07 décembre 2000 et copie du certificat de non appel;
SUR LA NULLITE DE LA SAISIE ATTRIBUTION DE CREANCES DU 13 MAI 2003
Attendu qu’aux termes de l’article 28 de l’Acte Uniforme OHADA n° 6 : « A défaut d’exécution volontaire, tout créancier peut, quelle que soit la nature de sa créance, dans les conditions prévues par le présent Acte Uniforme, contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard, ou pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde de ses droits;
Qu’il s’induit à l’analyse, que le législateur communautaire entend mettre en avant l’exécution volontaire;
Attendu qu’il est unanimement admis en droit processuel, que le seul prononcé du jugement ne suffit pas à le rendre exécutoire; la signification est une condition sine qua non de l’exécution (Cass. 2e cir. 29 février 1998 D. Affaire 1998 P. 535);
Attendu qu’il ne résulte pas des pièces versées au dossier, que le jugement querellé ait été signifié à la demanderesse;
Qu’au regard de ce qui précède, il échet de déclarer nulle la saisie attribution de créances pratiquée sur les comptes de Dame NGASSA par la Société Négoce Cameroun, le 13 mai 2003, par le ministère de Maître BALENG MAAH, Huissier de justice à Douala, et de donner mainlevée de ladite saisie, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens invoqués;
Attendu que la défenderesse ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière de contentieux de l’exécution, conformément à l’article 49 de l’Acte Uniforme OHADA portant voies d’exécution et en premier ressort :
– Recevons la demanderesse en son action;
– L’y disons fondée;
– Constatons que les dispositions de l’article 28 de l’Acte Uniforme OHADA N° 6 qui prescrivent la signification préalable du titre exécutoire avant toute exécution, n’ont pas été respectées;
EN CONSEQUENCE :
– Déclarons nulle la saisie attribution pratiquée sur les comptes de Dame NGASSA par la Société Négoce Cameroun Trading le 13 mai 2003, par le ministère de Maître BALENG MAAH, Huissier de justice à Douala;
– Donnons mainlevée de ladite saisie;
– Condamnons la défenderesse aux dépens dont distraction au profit de Maître Chrétien BOUMO, Avocat aux offres de droit;
Ainsi jugé et prononcé en audience publique les mêmes jour, mois et an que dessus;
En foi de quoi la présente ordonnance a été signé par le Juge qui l’a rendue, et le Greffier approuvant.