J-04-45
VOIES D'EXECUTION – EXIGIBILITE DE LA DETTE – MENTIONS DE L’ACTE D’ASSIGNATION – ABSENCE DE NULLITE SANS GRIEF.
ARTICLE 39, ALINEA 2 AUPRSVE – DEMANDE DE DELAIS DE PAIEMENT – NATURE CAMBIAIRE DE LA CREANCE – BONNE FOI DU DEBITEUR – DELAI DE GRACE (Oui).
Conformément à l'article 39 alinéa 2 AUPSRVE, la juridiction peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, sauf pour les dettes d'aliments et les dettes cambiaires, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues dans la limite d'une année.
Pourtant, dans le cas de l'espèce et en violation de l'article 39 alinéa 2 AUPSRVE, le juge des référés a estimé que l'on ne saurait raisonnablement mettre en doute la bonne foi du débiteur qui a continué à payer la dette en faisant des versements partiels acceptés par le créancier ou lui opposer la nature (cambiaire) de la créance pour refuser de lui accorder des délais de paiement.
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Ordonnance de référé n° 002 du 14 janvier 2003, OUEDRAOGO B. Cyriaque c/ Société burkinabè de financement (SOBFI)).
Par exploit d’huissier en date du 26 novembre 2002, OUEDRAOGO B. Cyriaque, commerçant domicilié au secteur 28 Ouagadougou, ayant pour conseil le cabinet Issif SAWADOGO et Constantin OUEDRAOGO, avocats à la cour, dûment autorisé par ordonnance n° 689/2002 du Vice-Président du Tribunal, de grande instance de Ouagadougou a donné à la Société burkinabè de financement (SOBFI) pour laquelle domicile est élu en l’étude de Maître Moumouni KOPIHO, avocat Cour à comparaître par-devant le Juge des référés à l'audience du 10 décembre, puis celle du 17 et 24 décembre 2002 à l’effet de :
– voir accorder des délais de paiement de 12 mois;
– voir la SOBFI condamner aux dépens
A l'appui, de sa demande, OUEDRAOGO B. Cyriaque expose qu’il est débiteur envers la Société burkinabè de financement, en abrégé SOBFI de la somme reliquataire de 31.987.260 francs. Cette dette est née d'une convention de financement d’un car destiné au transport en commun de personnes. Le remboursement de cette dette devait se faire par paiement de plusieurs traites. Malheureusement, le car dont l'exploitation permettait de rembourser le prêt a été impliqué dans un accident de la circulation et a subi d'importants dégâts qui ont nécessité une réparation à la DIACFA. Aujourd'hui le car est en état de fonctionnement. Il sollicite qu’il lui soit accordé un délai de grâce de 12 mois afin de lui permettre de s'acquitter de la totalité de la dette;
La SOBFI par les soins de son conseil réplique en demandant l'annulation in limine litis de l'assignation pour omission de certaines mentions jugées substantielles. Au fond la SOBFI déclare OUEDRAOGO B. Cyriaque mal fondé en sa demande de termes et délais en raison de la nature cambiaire de la créance et aussi parce que l’intéressé est animé d’une mauvaise foi;
MOTIF DE LA DECISION
Sur les exceptions soulevées
Attendu que la SOBFI fait grief à l’assignation de ne pas respecter l’article 438 du code de procédure civile, notamment le fait d’avoir omis d’avertir la défenderesse que faute pour elle de comparaître, elle s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre elle sur les seuls éléments fournis par son adversaire;
Attendu cependant que la SOBFI après avoir soulevé cette exception a poursuivi ses conclusions en faisant des développements sur le fond de l’affaire notamment sur la demande de termes et délais;
Or selon l’article 137 alinéa 2 du code de procédure civile la nullité est couverte si celui qui l’invoque a postérieurement à l’acte critiqué, fait valoir des défenses au fond et produit des pièces pour soutenir sa défense;
Attendu que la SOBFI reproche aussi à OUEDRAOGO B. Cyriaque d’avoir omis de mentionner dans l’assignation sa nationalité comme cela est prescrit par l’article 81 alinéa 2 du code de procédure civile en ce qui concerne les personnes physiques;
Attendu que conformément aux articles 99 et 140 du code de procédure civile, la nullité ne peut être prononcée que si celui qui l’invoque prouve le préjudice que lui cause l’irrégularité ou ne lui permet pas d’organiser convenablement sa défense;
Attendu qu’en l’espèce, la SOBFI se borne à déclarer que le manque de précision de la nationalité du demandeur est préjudiciable au défendeur en ce qu’il ne lui permet pas de juger de l’opportunité de requérir ou non une caution personnelle;
Attendu que de toute évidence cet argument ne résiste pas à l’analyse, d’abord par le fait qu’en l’espèce le demandeur et la défenderesse se connaissent déjà très bien car signataires tous les deux d’une convention de financement dont l’exécution a engendré le contentieux en cours. Ensuite les dispositions de l’article 123 du code de procédure civile n’ont pas vocation à s’appliquer dans la présente procédure mais plutôt dans une procédure où l’étranger est intervenant ou demandeur principal;
Attendu donc que de tout ce qui précède, les exceptions soulevées par la SOBFI méritent d’être rejetées par ce que non fondées;
Sur la demande de délais de paiement
Attendu que conformément à l'article 39 alinéa 2 de l'acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, la juridiction peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, sauf pour les dettes d'aliments et les dettes cambiaires, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues dans la limite d'une année;
Attendu qu’en l'espèce, OUEDRAOGO B. Cyriaque s'est acquitté normalement de la créance jusqu’au moment où le car a été endommagé consécutivement à un accident;
Que suite aux dommages survenus sur le car, le débiteur pour témoigner de sa bonne foi a continué à payer la dette en faisant des versements partiels acceptés par le créancier;
Attendu que l'on ne saurait raisonnablement dans ses conditions mettre en doute la bonne foi de OUEDRAOGO B. Cyriaque ou lui opposer la nature de la créance pour refuser de lui accorder des délais de paiement;
Qu'en tout état de cause la mauvaise foi ne se présume pas, elle se constate. Aussi il faut donner au débiteur toutes les chances de pouvoir honorer ses engagements en lui permettant de pouvoir disposer du car remis à neuf et de l'exploiter conformément à sa destination en lui accordant un délai de grâce;
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, en matière de référé et en premier ressort;
Au principal renvoie les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront, mais dès à présent, vu l’urgence :
Rejette les exceptions soulevées par la SOBFI;
Reçoit OUEDRAOGO B. Cyriaque en son action, au fond lui accorde un délai de grâce de 12 mois à compter du présent jugement pour s’acquitter du reliquat de sa dette;
Condamne la SOBFI aux dépens.