J-04-453
VOIES D’EXECUTION – SAISIE-VENTE – TIERS – DEFAUT DE QUALITE – DEFAUT DE QUALITE – MAINLEVEE.
Il ressort de l’article
141 AUPSRVE que le tiers à la saisie-vente ne peut que solliciter la distraction de ses biens s’il advenait qu’ils fussent englobés dans ladite saisie. Dès lors, est irrecevable en sa demande de mainlevée de saisie-vente, pour défaut de qualité, le directeur d’une société contre laquelle la saisie a été dirigée, la société ayant une personnalité propre distincte de celle de son directeur.
(Tribunal de Première Instance de Nkongsamba – Ordonnance de référé n° 19/REF du 23 Mai 2001, KWENGOP Joseph c/ Mme KWAYEP née DJOMO Anne ).
Affaire : KWENGOP Joseph
(Me NTSAMO Etienne)
contre
Mme KWAYEP née DJOMO Anne
(Me FOTSO Samuel).
Nature de l’affaire :
Faits : Dans cette affaire, le sieur KWENGOP estimait qu’il avait été victime d’une saisie vente abusive. Il en sollicitait donc mainlevée.
Solution du juge : Le juge a considéré que la saisie vente n’avait pas été dirigée personnellement contre le sieur KWENGOP. Elle était dirigée contre la société SOPRAS, dont il n’était que le Directeur. Par conséquent, il n’avait pas qualité pour solliciter la mainlevée de cette saisie. Il ne pouvait exercer qu’une action en distraction des biens, conformément à l’article 141 de l’Acte Uniforme portant voies d’exécution. Sa demande de main levée a donc été déclarée irrecevable.
– Ordonnance de référé.
L’an deux mil un, et le vingt trois du mois de mai;
Nous, AMADOU SOULEY, Président du Tribunal de Première Instance de Nkongsamba, tenant audience des référés en notre Cabinet sis au Palais de Justice de ladite ville;
Assisté de Maître EDIMO Raymond, Greffier tenant la plume;
Vu l’exploit signifié par assignation de Maître MBA René, Huissier de justice à Nkongsamba, non encore enregistré mais qui le sera, à la requête de Monsieur KWENGOP Joseph, ayant pour Conseil Maître NTSAMO Etienne, Avocat au Barreau du Cameroun, BP 655 Nkongsamba, en date du 12 mars 2001, et donnant assignation à Madame KWAYEP née DJOMO Anne, ménagère, domiciliée au quartier n° 6 de Nkongsamba, ayant pour Conseil Maître FOTSO Samuel, Avocat au Barreau du Cameroun – BP 444 Nkongsamba, d’avoir à se trouver et comparaître mercredi 18 avril 2001 à 13 heures en l’audience et par-devant Monsieur le Président du Tribunal de Première Instance de Nkongsamba, statuant en matière des référés, en son Cabinet sis au Palais de Justice de ladite ville, pour :
Attendu qu’en recouvrement d’une créance sur la société SOFRAS, découlant du jugement N° 08/CIV du 06 décembre 1998, dame KWAYEP Anne a fait saisir à tort, les biens du requérant, qui n’est nullement visé dans le jugement N° 08/CIV du 06 décembre 1989, dont exécution;
Que cette saisie vente est à la fois mal orientée, viole le principe sacro-saint de la relativité de la chose jugée attachée à toute décision de justice et découlant des articles 1351 et suivants du code civil, puis les articles 10 et suivants et 160 de l’Acte n° 6 OHADA, encourt nullité et mainlevée;
Qu’en effet, le titre exécutoire sous-tendant cette saisie n’est pas opposable au requérant, qui n’a jamais été partie au procès ayant abouti au jugement dont exécution;
Que bien plus, l’huissier instrumentaire n’a ni respecté les prescriptions de l’article 105 du même acte, ni le dispositif du jugement qu’il prétend exécuter;
Qu’il s’agit là d’une véritable voie de fait;
Que par suite, cette saisie vente du 07 mars 2001 est manifestement irrégulière, mal orientée, sans base légale, nulle, porte atteinte aux biens et intérêts du requérant, qui en sollicite la mainlevée, sous astreinte de 100.000 francs par jour de retard;
PAR CES MOTIFS
Vu l’article 2 alinéa 5 du décret N° 79/4 du 05 novembre 1979;
– Bien vouloir donner acte au requérant, de son opposition;
Vu les articles 49, 105, 160 et suivants de.l’Acte n° 6 OHADA;
Vu 1e dispositif du jugement N° 08/CIV du 06 décembre 1989 dont exécution;
Mais vu l’article 1351 du code civil et le principe de la relativité de la chose jugée;
Vu la protection des droits de la défense;
– Bien vouloir constater que le requérant n’a ni été jugé, ni été condamné par le jugement dont exécution;
– Dire et juger la saisie vente du 07 mars 2001 mal orientée, abusive, irrégulière, sans base et nulle;
– En ordonner mainlevée, sous astreinte de 100.000 FCFA par jour de retard, à compter du prononcé de la décision à intervenir;
– Ordonner l’exécution sur minute et avant enregistrement de cette ordonnance;
– Condamner la défenderesse aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître NTSAMO Etienne, Avocat aux offres de droit;
SOUS TOUTES RESERVES
L’affaire, régulièrement inscrite au rôle de l’audience fixée par l’exploit introductif d’instance, a été appelée en ordre utile;
A l’appel de la cause, Maître NTSAMO Etienne, pour le demandeur, verse au dossier, ses conclusions développées en date du 17 avril 2001, dont le dispositif est ainsi conçu :
PAR CES MOTIFS
Vu les pièces justificatives ci-jointes :
– Bien vouloir adjuger au concluant, l’entier bénéfice du dispositif de son exploit introductif d’instance;
– Condamner solidairement les défendeurs aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître NTSAMO Etienne, Avocat aux offres de droit;
SOUS TOUTES RESERVES
Sur quoi, l’affaire a été renvoyée au 23 mai 2001 à 15 heures, pour conclusions en réplique de Maître FOTSO Samuel et production du procès-verbal de saisie vente du 07 mars 2001 et expédition du jugement N° 08/CIV du 06 décembre 1989, dont exécution;
Maître FOTSO Samuel, pour la défenderesse, produit aux débats, ses conclusions développées en date du 21 avril 2001, dont le dispositif est ainsi conçu :
PAR CES MOTIFS
Et tout autre à déduire ou à suppléer, même d’office;
Vu l’exploit introductif d’instance de sieur KWENGOP Joseph, en date du 11 mars 2001;
Mais vu les dispositions de l’article 141 alinéas 1 et 2 de l’Acte Uniforme n° 6 OHADA;
– Constater l’absence dans le susdit exploit, des éléments sur lesquels se fonde le droit de propriété du demandeur;
Par conséquent, bien vouloir déclarer sa demande irrecevable;
– Statuer comme il appartiendra sur les dépens;
SOUS TOUTES RESERVES
Sur quoi, l’affaire a été renvoyée au 09 mai 2001 à 13 heures, pour les répliques de Maître NTSAMO Etienne aux conclusions du 20 avril 2001 déposées par Maître FOTSO Samuel;
Maître NTSAMO Etienne, pour le demandeur, a été entendu en ses conclusions orales;
Après quoi, les débats ont été déclarés clos et l’affaire mise en délibéré pour ordonnance être rendue le 23 mai 2001 a 13 heures;
Avant cette date, Maître NTSAMO Etienne, pour le demandeur, produit aux débats une requête en délibéré développée le 22 mai 2001, dont le dispositif est ainsi conçu :
PAR CES MOTIFS
Vu dame KWAYEP née DJOMO Anne, dans ses conclusions datées du 21 avril 2001;
Mais vu l’exploit introductif d’instance et les pièces jointes;
– Voir constater que la présente action fondée sur la violation du sacro-saint principe de la relativité, les articles 49, 105, 160 et suivants de l'Acte Uniforme n° 6 OHADA;
– Voir constater que les biens saisis l’ont été au domicile du concluant et non au siège de la SOPRAS, et ceux-ci sont la propriété du requérant, en application de l’article 2279 du code civil;
– Adjuger au concluant l’entier bénéfice de toutes ses conclusions;
SOUS TOUTES RESERVES
Advenue cette dernière audience, le Président du Tribunal, Juge des Référés, vidant son délibéré, a rendu l’ordonnance contradictoire dont la teneur suit :
ORDONNANCE
Attendu que par exploit du 12 mars 2001, non encore enregistré mais qui le sera en temps utile, de Maître MBA René, Huissier de justice à Nkongsamba, KWENGOP Joseph, ayant pour Conseil Maître NTSAMO Etienne, Avocat à Nkongsamba, a fait donner assignation à Madame KWAYEP née DJOMO Anne, d’avoir à comparaître par-devant le Président du Tribunal de Première Instance de céans, statuant en matière des référés, pour s’entendre :
– Constater qu’il n’a ni été jugé ni été condamné par le jugement dont exécution;
– Dire et juger la saisie vente du 07 mars 2001 mal orientée, abusive, irrégulière, sans base et nulle;
– En ordonner mainlevée sous astreinte de 100.000 francs par jour de retard, à compter du prononcé de la décision à intervenir;
– Ordonner l'exécution sur minute et avant enregistrement de cette ordonnance;
– Condamner la défenderesse aux dépens;
Attendu qu’au soutien de son action, le demandeur expose qu’en recouvrement d’une créance sur la Société SOPRAS, découlant du jugement N° 08/CIV du 06 décembre 1998, Madame KWAYEP née DJOMO Anne, a fait saisir à tort ses biens, alors qu’il n’est nullement visé dans cette décision dont exécution;
Que cette saisie vente est à la fois mal orientée, viole le principe sacro-saint de la relativité de la chose jugée attachée à toute décision de justice découlant des articles 1351 et suivants du code civil, puis les articles 10 et suivants et 160 de l’Acte Uniforme de l’OHADA n° 6, et encourt nullité et mainlevée;
Qu’en effet, le titre exécutoire sous-tendant cette saisie ne lui est pas opposable, lui qui n’a jamais été partie au procès ayant abouti au jugement dont exécution;
Que bien plus, l’huissier instrumentaire n’a ni respecté les prescriptions de l’article 105 du même acte, ni le dispositif du jugement qu’il prétend exécuter;
Qu’il s’agit là, d’une véritable voie de fait;
Que par suite, cette saisie vente du 07 mars 2001 est manifestement irrégulière, mal orientée, sans base légale, nulle, et porte atteinte à ses intérêts, et par suite, mainlevée doit en être ordonnée sous astreinte de 100.000 francs par jour de retard;
Attendu que Maître FOTSO Samuel, Conseil de la défenderesse, conclut à l’irrecevabilité de la demande;
Qu’il argue que KWENGOP Joseph se veut autant tiers par rapport au jugement dont exécution, que propriétaire des biens qu’il prétend avoir été saisis à tort;
Mais qu’il ressort des dispositions de l’article 141 alinéa 1 de l’Acte Uniforme 6 OHADA, que « tout tiers qui se prétend propriétaire d’un bien saisi, peut demander à la juridiction compétente d’en ordonner la distraction;
Que l’alinéa 2 du même article dispose que : « A peine d’irrecevabilité, la demande doit préciser les éléments sur lesquels se fonde le droit de propriété invoqué… »;
Que vainement, il est indiqué dans l’acte introductif d’instance visé plus haut, les éléments sur lesquels se fonde KWENGOP Joseph, « tiers demandeur », pour invoquer sa propriété sur les biens saisis;
Que lesdits éléments sont exigés ad pro bationem et leur absence rend la demande irrecevable;
Attendu que Maître NTSAMO Etienne rétorque que le Tribunal a été saisi sur le fondement d’une voie de fait née de la violation du principe de la relativité de la chose jugée, et qu’il est tenu légalement de répondre au dispositif de l’acte de saisine;
Attendu qu’il est constant que le demandeur ne sollicite pas que les biens saisis soient soustraits de l’assiette de la saisie pour lui être restitués;
Qu’il s’appuie plutôt sur la nullité de cette saisie pour en solliciter la mainlevée;
Qu’il en découle que sa demande n’est pas une demande en distraction des biens, de sorte qu’il ne peut lui être fait grief d n’avoir pas, en application de l’article 141 de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, indiqué les éléments sur lesquels se fonde son droit de propriété;
Attendu par contre, qu’il ressort du procès-verbal de saisie vente du 07 mars 2001, que celle-ci est dirigée contre la Société SOPRAS Nkongsamba;
Attendu qu’il appert de l’extrait du registre de commerce versé aux débats, que la société SOPRAS Nkongsamba est l’agence de Nkongsamba de la Société International Business Insurance Sarl, en abrégé, I.B.I. Sarl;
Qu’il s’induit de là qu’elle constitue une personne morale, distincte de la personne physique de KWENGOP Joseph, qui n’en était que le Directeur, de sorte que ce dernier est étranger à la saisie vente querellée;
Attendu qu’en vertu des articles 139 et suivants de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, seul le débiteur saisi peut invoquer la nullité de saisie vente pour un solliciteur mainlevée;
Que conformément à l’article 141 du même texte, un individu, tiers à une saisie vente, ne peut que solliciter la distraction de ses biens, s’il advenait qu’ils fussent englobés dans ladite saisie;
Qu’ainsi, KWENGOP Joseph, qui est étranger à la saisie vente du 07 mars 2001 dirigée contre la société SOPRAS Nkongsamba, ne pouvait que solliciter la distraction des biens saisis qu’il prétend lui appartenir;
Qu’il échet en conséquence, de déclarer, faute de qualité, irrecevable sa demande en mainlevée de la saisie vente du 07 mars 2001;
Attendu que la partie qui succombe supporte les dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant en référé, en matière d’exécution, contradictoirement et en premier ressort :
– Déclarons irrecevable la demande en mainlevée de la saisie vente pratiquée le 07 mars 2001;
– Condamnons le demandeur aux dépens liquidés à ;
En foi de quoi la présente ordonnance a été signée par nous et notre Greffier approuvant lignes et mots rayés nuls./