J-04-469
BAIL COMMERCIAL – CONTRAT DE BAIL – AVENANT – MODIFICATION DU PREMIER CONTRAT – COMPETENCE DU JUGE DES REFERES ( OUI).
CONTRAT DE BAIL – EXPULSION – MISE EN DEMEURE – ARTICLE 93 AUDCG.
CONTRAT DE BAIL – EXPIRATION - MAINTIEN DANS LES LIEUX – VOIE DE FAIT.
Le maintien des preneurs dans les lieux loués après l’expiration du délai de congé prévu à l’article 93 de l’AUDCG et qui a été respecté par le bailleur constitue une voie de fait justifiant l’intervention du juge des référés. Le fait que le contrat litigieux ait fait l’objet d’un avenant qui en a modifié les termes ne constitue pas une contestation sérieuse de nature à justifier l’incompétence du juge des référés.
(Cour d’Appel du Centre, Arrêt n° 346/Civ. du 16 août 2002, Affaire NOUSSI MBA et NOUSSI ATANGANA Edy c/ TCHANLAWI Hélène, TOUKAM Jacques et autres).
LA COUR
– Vu l’ordonnance n° 661/C rendue le 03 avril 2001 par le juge des référés de Yaoundé;
– Vu l’appel interjeté contre ladite ordonnance le 7 janvier 2002 par NOUSSI MBA et NOUSSI ATANGANA Edy, représentants de la succession NOUSSI ayant pour conseil Me NJOYA MAMA;
– Ouï Monsieur le Président en la lecture de son rapport;
– Ouï les parties en leurs moyens, fins et conclusions;
– Vu les pièces du dossier de la procédure;
– Après en avoir délibéré conformément à la loi et en collégialité;
EN LA FORME
– Considérant que cet appel est régulier et recevable comme formulé dans les formes et délai légaux;
– Considérant que toutes les parties représentés à l’audience par leurs conseils ont conclu;
– Qu’il échet de statuer par arrêt contradictoire à leur égard;
AU FOND
– Considérant que suivant ordonnance entreprise, le juge des référés s’est déclaré compétent pour ordonner l’expulsion des nommés TCHANLAWI Hélène, TOUKAM Jacques, NYANDJI Odette, KWEMI et NJONOU Roseline des lieux qu’ils occupent ainsi que l’enlèvement des conteneurs posés par eux sous astreinte de 1.000.000 F par jour de retard à compter du prononcé de l’ordonnance;
– Considérant que le premier juge a justifié cette décision en estimant qu’il ne pouvait pas prendre en compte les deux contrats de bail excipés devant lui à l’égard du même immeuble;
– Que le caractère sérieux d’une telle contestation échappe à la compétence du juge des référés;
– Considérant qu’à l’appui de leur action, les appelants agissant par l’organe de leur conseil, Me NJOYA MAMA, font valoir que le 1er janvier 1999, ils ont conclu avec les intimés des contrats de bail en vue de l’exploitation des espaces de leur immeuble sis au quartier dit MOKOLO à Yaoundé; Que le 12 août de la même année, ils ont signés avec les mêmes intimés d’autres contrats de bail qui constituaient en fait des avenants des premiers;
– Que l’une des clauses de ces contrats stipulait que le lieu était destiné à une construction et que les locataires libéreraient les espaces dans une période de deux mois à compter de la mise en demeure;
– Que le 2 novembre 1999, ils ont servi aux intimés, et ce conformément aux clauses du contrat de bail, une sommation de libération des lieux aux fins de commencement des travaux;
– Qu’après avoir obtenu le permis de bâtir par arrêté n° 149/OOP/CU/YDE du 12 septembre 2000, ils ont cru devoir une fois de lus sommer les intimés de libérer en vain;
– Que de ce qui précède, il transparaît clairement que les contrats de bail du 12 août 1999 constituent des avenants aux contrats du 1er janvier 1999; Que l’on ne saurait opposer les deux contrats comme des entités distinctes et ce d’autant qu’ils ont été signés par les mêmes parties;
– Qu’au surplus, au terme de l’article 1134 du Code Civil, « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites »;
– Que le fait pour les intimé de refuser de se soumettre à ce qui a été convenu dans le contrat constitue une voie de fait qui, ipso facto, rend compétent le juge des référés; Qu’ils concluent à l’infirmation de l’ordonnance entreprise;
– Considérant que Me Jeannette NGUEWOU SIME, conseil des intimés, rétorque qu’il n’a jamais été fait allusion dans les prétendus avenants du 12 août 1999 au contrat du 1er janvier 1999 et qu’en conséquence, ces contrats ont été fabriqués pour les besoins de la cause; Qu’elle ajoute que de jurisprudence constante, l’existence de deux contrats différents sur le même immeuble constitue une contestation sérieuse qui échappe à la compétence du juge des référés puisque touchant au principal (C.A. Paris, 16 juin 1947 : JCP 47 IV ed. G, 1992);
– Qu’elle relève s’agissant de la mise en demeure qu’il ressort de l’avenant du 12 août 1999 qu’une mise ne demeure sera délivrée d’avoir à libérer les lieux deux mois à compter de la réception;
– Que cette disposition constitue une violation flagrante des articles 93 et 101 de l’Acte Uniforme OHADA portant droit commercial général, dispositions d’ordre public qui imposent sous peine de nullité que les termes de l’article 101 soient reproduits et qu’un délai de six mois soit accordé au preneur pour libérer les lieux loués (Articles 93 et 101); Qu’au regard de tout ce qui précède, la prétendue mise ne demeure du 2 novembre 1999 servie en violation des dispositions sus énoncées est nulle et ne saurait fonder une action en expulsion;
– Qu’elle relève enfin que les contrats authentiques du 1er janvier 1999 ne comportent aucune clause attribuant compétence au juge des référés pour ordonner l’expulsion;
– Qu’elle conclut à la confirmation de l’ordonnance querellée;
Sur l’incompétence
– Considérant qu’il est affirmé en doctrine et jugé en jurisprudence qu’il ne suffit qu’une contestation touche le fond du droit pour être considérée comme sérieuse; Il faut encore qu’elle n’apparaisse pas à l’évidence comme infondée, Que la contestation sérieuse est celle « le juge ne peut sans hésitation rejeter en quelques mots » (Ph. BERLIN, Référé civil, Rep. Civ. Dalloz, 2e Ed., n° 149);
– Considérant qu’en l’espèce, les intimés ont signé le contrat de bail du 12 août 1999, Qu’au travers de cet accord de volonté, ils ont implicitement, mais nécessairement entendu décider que leurs rapports d’obligation devaient désormais être régis par cette nouvelle convention qui, tout en reconduisant les termes du premier contrat du 1er janvier 1999, en rajoutant d’autres ont été délibérément acceptés;
– D’où il suit que l’argument tiré de la contestation sérieuse manque en fait;
– Considérant que le contrat du 12 août 1999 contient bel et bien en son article 8 une clause attributive de compétence au juge des référés;
– Considérant qu’à la lumière de tout ce qui précède, le premier juge n’a pas fait une saine appréciation des faits de la cause et une exacte application de la loi;
– Qu’il échet d’infirmer l’ordonnance entreprise et de statuer à nouveau par évocation;
II- Sur l’expulsion
– Considérant qu’il est acquis aux débats qu’en date du 14 septembre 2000, la succession NOUSSI avait servi aux intimés sommation de libérer les lieux; Que jusqu’au 21 mars 2001, date de la saisine du juge des référés, il s’est écoulé plus de six mois;
– Que dès lors, l’argument tiré de la violation de l’article 93 de l’Acte Uniforme sur le droit commercial général ne résiste pas à l’examen et doit être rejeté;
– Considérant que le fait pour les intimés de continuer à se maintenir sur les lieux loués à l’expiration du congé à eux donné en application de l’article 93 de l’Acte Uniforme OHADA sur le droit commercial général s’analyse en une voie de fait justifiant l’ intervention du juge des référés;
– Qu’il échet en conséquence d’ordonner l’expulsion des nommés TCHANLAWI Hélène, TOUKAM Jacques, NYANDJI Odette, KWEMI et NJONOU Roseline tant de corps, de biens que de tous occupants de leur chef du terrain appartenant à la succession NOUSSI qu’ils occupent;
– Considérant qu’il échet en outre d’ordonner l’enlèvement des conteneurs y entreposés;
– Considérant que pour vaincre la résistance des intimés, il échet d’assortir le présent arrêt d’une astreinte de 25.000 F par jour de retard chacun à compter de la signification;
– Considérant que la partie qui succombe supporte les dépens;
PAR CES MOTIFS
– Statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé, en collégialité et en dernier ressort;
EN LA FORME
– Reçoit l’appel;
AU FOND
– Infirme l’ordonnance entreprise;
– Evoquent et statuant à nouveau;
– Ordonne l’expulsion des nommés TCHANLAWI Hélène, TOUKAM Jacques, NYANDJI Odette, KWEMI et NJONOU Roseline tant de corps, de bien que de tous occupants de leur chef, du terrain appartenant à la succession NOUSSI qu’il occupent sans droit, ni titre;