J-04-474
VOIES D’EXECUTION – SAISIE IMMOBILIERE – SURSIS A STATUER- SURSIS SOLLICITE EN RAISON D’UNE DEMANDE D’ANNULATION DU TITRE EXECUTOIRE PORTEE DEVANT UNE AUTRE FORMATION DU TRIBUNAL – ADMISSION (NON).
SAISIE IMMOBILIERE- REFERENCE A LA DECISION D’AFFECTATION – ABSENCE- SANCTION – NULLITE – CONDITION – PREUVE D’UN GRIEF (OUI).
En matière de saisie immobilière le débiteur poursuivi qui a saisi la Chambre Civile et commerciale statant en formation ordinaire après avoir reçu un commandement ne peut solliciter un sursis fondé uniquement sur une demande d’annulation du titre exécutoire portée devant une cette formation du tribunal.
En matière de saisie portant sur des impenses la mention de la référence de la décision attaquée constitue une possibilité dont l’omission n’est sanctionnée par la nullité que si elle a eu pour effet de causer un préjudice aux intérêts de celui qui s’en prévaut.
(TRIBUNAL REGIONAL HORS CLASSE DE DAKAR, AUDIENCE PUBLIQUE DES CRIEES DU 2 FEVRIER 1999 N° 132, Issa SALL c/ Crédit Sénégalais).
LE TRIBUNAL
ATTENDU que suivant conclusions reçues au Greffe de la juridiction de céans le 25//01/ 1999, Issa SALL a par l’organe de son conseil déposé des dires et observations tendant au principal au sursis à statuer et subsidiairement à l’annulation du commandement valant saisie réelle servi par le Crédit Sénégalais pour parvenir à l’expropriation forcée des peines et soins édifiés sur la parcelle de 77.281 m2 abritant la ferme FERMACO sis à Keur Massar, Route de Sangalkam lui appartenant;
ATTENDU que ces dires ayant été reçus dans le délai de cinq jours francs imparti à peine de déchéance par l’article 270 al 4 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, il échet de les déclarer recevables;
AU FOND;
ATTENDU que Issa SALL a articulé ses dires autour de deux demandes dont la principale tend au sursis à statuer motif pris de ce que, dès réception du commandement, il a saisi le tribunal régional de Dakar par une assignation du 02 octobre 1998 aux fins d’annulation de l’acte notarié du 31 mars 1995, fondé sur la violation de l’article 875 al. 2 du COCC, parce que le nantissement des peines et soins qu’y est consenti n’a pas été enregistré conformément audit article;
Qu’à tout le moins, il sollicite du Tribunal de constater la nullité du commandement et d’en ordonner la main levée pour défaut de titre exécutoire;
ATTENDU qu’à titre subsidiaire il invoque la violation de l’article 254, 258 et 259 (sic) de l’Acte Uniforme relativement au visa du commandement effectué en l’espèce par le Préfet et le Maire n’est pas régulier, aucune pièce ne prouvant que les autorités ont affecté le terrain à Issa SALL, qu’il en tire comme conséquence que la publication prévue par l’article 259 de l’Acte Uniforme n’a pas été respectée;
Qu’il estime du reste que le Crédit Sénégalais ne peut au aucun cas produire une autorisation administrative dès lors qu’il s’agit de peines et soins édifiés sur une parcelle du Domaine National;
Qu’il s’y ajoute par ailleurs que la délimitation faite dans le commandement de l’objet de la vente ne correspond pas à la propriété de Issa SALL, mais plutôt à celle de Momar SALL DIENE comme l’atteste l’exploit de Maître Bernard SAMBOU en date du 26 décembre 1998; Que c’est la ferme de ce dernier qui est délimitée par la route de Sangalkam en face, à droite par un cimetière et à gauche par une ferme appartenant à Ami SAGNE; Que s’agissant de la vente de la chose d’autrui il sollicite l’annulation de la saisie pratiquée;
ATTENDU que la Société de promotion et de financement dite Crédit Sénégalais a suivant conclusions en réponse, plaidé le rejet des dires et observations de Issa SALL comme mal fondés; Qu’il sollicite en conséquence le renvoi des causes et des parties à l’audience d’adjudication du 9 mars 1999 pour la vente être effectuée;
Mais attendu que sur le sursis à statuer, le Tribunal estime que c’est à tort que le saisi invoque les dispositions de l’article 298 sur les incidents de la saisie immobilière pour justifier sa demande; Qu’en effet contrairement au sens qu’il veut conférer à ces dispositions les incidents de saisie visant les contestations et les demandes qui naissent au cours d’une procédure de saisie immobilière ou s’y réfèrent et qui sont formulées après la signification du commandement; ils sont plaidés à l’audience éventuelle avant laquelle ils doivent être soulevés à peine de déchéance aux termes de l’article 299 A.U.; Qu’à ce propos l’article 311 A.U., dispose que les moyens de nullité, tant en la forme qu’au fond à l’exception de ceux visés par l’article 299 al. 2 ci-dessus contre la procédure qui précède l’audience éventuelle doivent être soulevés cinq jours au plus tard avant la date fixée pour cette audience; Que dès lors, ayant saisi une chambre civile et commerciale statuant en formation ordinaire, après avoir reçu un commandement valant saisie réelle, qui constitue le premier acte de la procédure de vente immobilière, Issa SALL est mal venu pour solliciter un sursit fondé simplement sur une demande d’annulation du titre exécutoire formulée devant une autre formation du Tribunal; qu’il convient de rejeter la demande de sursis comme mal fondée;
ATTENDU que devant la juridiction de céans, cette demande ne peut prospérer; Qu’en effet, comme l’a pertinemment fait remarquer le Crédit Sénégalais, l’article 875 du COCC invoqué, est inopérant aux faits de la cause; Qu’il a pour siège dans ledit Code, la Section relative au « nantissement du fonds de commerce et le privilège du vendeur de fonds de commerce »; Que s’il est vrai qu’en matière d’opérations juridiques relatives au fonds de commerce, la publicité se fait au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier, il n’en est pas de même pour les peines et soins;
Que les deux régimes juridiques ne sont pas les mêmes; le fonds de commerce est qualifié meuble incorporel avec statut particulier, alors que les peines et soins communément appelés impenses immobilières sont soumises au régime similaire à celui des immeubles immatriculés; Qu’étant édifiées sur un terrain qui n’appartient pas au propriétaire desdites impenses, leur gestion est assurée par l’autorité administrative l’ayant affecté, et auprès de qui se formalise la publicité; Que dès lors l’enregistrement ou l’inscription invoqué pour contester la validité de la sûreté prise sur lesdites impenses ne saurait prospérer; Que le terme nantissement utilisé signifie simplement un gage sans dépossession, les impenses ayant forcément une nature immobilière par l’effet de leur incorporation au sol; Qu’il y a lieu donc de rejeter la demande relative à la constatation de la nullité de l’acte notarié, et à la main levée du commandement comme mal fondée;
ATTENDU que sur le moyen tiré du vice du visa de l’autorité administrative il convient de constater que le commandement servi les 2, 9 et 26 octobre 1998 l’a été visé par le Préfet du Département de Pikine et par le Maire de la Commune d’arrondissement de Keur Massar; Que les parties sont d’accord sur le fait qu’il s’agit d’impenses réalisées sur une parcelle du Domaine National,qui ne peut faire l’objet d’une appropriation qu’après désaffectation; Qu’il est géré sous l’autorité de l’Etat par les élus locaux conformément à la loi 64-46 du 17 juin 1964 relative au Domaine National;
Que l’insaisissabilité invoquée ne saurait prospérer dès lors qu’il s’agit de la saisie des peines et soins et non du fonds lui-même;
Que s’il est vrai que ledit commandement ne fait pas référence de la décision d’affectation, il s’agit d’une formalité prévue par l’article 237 A.U. comme n’étant pas sanctionnée par la nullité que si l’irrégularité a eu pour effet de causer un préjudice aux intérêts de celui qui l’invoque; Qu’en l’espèce, le disant n’argue aucun préjudice; Qu’il échet donc de rejeter ce moyen;
ATTENDU que sur l’inexactitude de la description alléguée par le disant, il s’agit d’un argument qui ne saurait combattre le constat fait par l’huissier sous la conduite du propre gardien du saisi; Qu’aucune confusion n’étant susceptible d’être faite au regard de la description précise faite dans le cahier des charges, il convient de rejeter également ce dernier argument comma mal fondé;
ATTENDU qu’aucune des demandes n’étant fondée, il convient d’ordonner la poursuite de la vente là l’audience d’adjudication du 9 mars 1999.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement contradictoirement en matière de saisie immobilière et en premier ressort;
Reçoit les dires déposés par Issa SALL,
Les rejette comme mal fondés;
Renvoie la cause et les parties à l’audience d’adjudication du 9 mars 1999 pour la vente aux enchères.
Et ont signé le Président et le Greffier.
Observations
La définition que le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar donne de la notion d’incident de saisie immobilière est relativement correcte; on ne peut pas cependant en dire autant de l’usage qu’il fait de cette notion dans l’affaire qui a donné lieu au jugement ci-dessus reproduit. Il convient, avant d’examiner cette décision de faire une observation préliminaire.
Certaines contestations qui naissent au cours de la procédure de saisie immobilière sont soumises à un régime spécifique notamment en ce qui concerne la procédure applicable et les voies de recours. Ces contestations constituent ce que l’on appelle « incidents de la saisie immobilière ». Le problème de la définition de la notion d’incidents s’est toujours posé parce qu’il faut déterminer les contestations qui méritent cette qualification; de cette qualification dépend en effet l’applicabilité de ce régime dérogatoire au droit commun.
Sous le bénéfice de cette observation on peut relever que pour le tribunal régional que, les incidents de saisie immobilière visent les contestations et les demandes qui naissent au cours d’une procédure de saisie immobilière ou s’y référent et qui sont formulées après la signification du commandement.
En définissant ainsi l’incident, le tribunal montre que la situation litigieuse doit, pour constituer un incident, trouver sa source dans la procédure de saisie elle –même, ce qui exclut les contestations qui touchent au fond du droit, celles qui ne sont pas spécifiques à la saisie immobilière ou qui peuvent se retrouver dans toutes les procédures, enfin les contestations antérieures.
En France où le problème se pose dans des termes identiques, c’est cette conception restrictive qui est consacrée par la Cour de Cassation qui considère que seules constituent des incidents de saisie immobilière « les contestations nées de la procédure de saisie ou s’y référant directement et qui sont de nature à exercer une influence immédiate et directe sur cette procédure ». Le tribunal régional n’insiste pas cependant sur l’influence que la situation litigieuse exerce sur le déroulement de la procédure de saisie qui constitue un élément important de la définition.
Si le tribunal a senti la nécessité de se livrer à une recherche de la définition de la saisie immobilière c’était simplement dans le but de démontrer que le débiteur saisi ne pouvait pas obtenir le sursis sur le fondement d’une demande en annulation du titre exécutoire formulée devant une autre formation du tribunal.
Il s’agit ici d’un curieux détour pour rejeter une demande de sursis. Ne suffisait-il de rappeler que les dispositions de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution applicables à la saisie immobilière ne s’intéresse qu’au sursis à l’adjudication et que cette mesure ne doit ou ne peut être ordonnée que dans certains cas (par exemple : demande en distraction , difficulté apparaissant à l’occasion d’un dire soumis à l’audience éventuelle et mettant le tribunal dans l’impossibilité de statuer immédiatement, causes graves et dûment justifiées).
Le tribunal n’a pas laissé passer l’occasion de donner une définition « des peines et soins » encore appelés impenses immobilières dont le régime juridique est mal connu. Pour le tribunal il s’agit de constructions édifiées sur un terrain affecté par l’autorité administrative et dont la gestion est assurée par ladite autorité. Ces impenses peuvent faire l’objet de saisie immobilière, mais étant donné qu’elles ne font pas l’objet d’immatriculation, la publication du commandement ne se fait pas à la conservation de la propriété foncière mais auprès de l’autorité administrative.
1 Rapidité et simplicité.
2 Exclusion de l’opposition et ouverture sélective de l’appel.
3 V. Cass. Civ., 3 juin 1998, D. 2000, 23, note M. Baubrun.