J-04-475
1- SURETES – VOIES D’EXECUTION -HYPOTHEQUE JUDICIAIRE – DEMANDE EN VALIDATION – REJET FONDE SUR L’ADJUDICATION DE L’IMMEUBLE A UN TIERS – CENSURE DE LA DECISION D’ADJUDICATION – EFFET – POSSIBILITE DE REITERER LA DEMANDE.
2- VOIES D’EXECUTION – SAISIE IMMOBILIERE – PROCES-VERBAL D’ADJUDICATION – ANNULATION PAR LA COUR DE CASSATION- EFFET – RADIATION DE L’INSCRIPTION DU COMMANDEMENT EN CAS DE SIGNIFICATION AU CONSERVATEUR.
3. EXECUTION PTOVISOIRE – CREANCE CONSTATEE PAR UN JUGEMENT PASSE EN FORCE DE CHOSE JUGEE – CREANCE , LIQUIDE ET EXIGIBLE – RECOUVREMENT DE LA CREANCE MENACE – EXECUTION PROVISOIRE (Oui).
1- Une décision qui déclare sans objet une demande en validation d’hypothèque aux motifs que le débiteur n’était plus propriétaire du titre foncier adjugé à un tiers suivant procès-verbal d’adjudication ne constitue pas un obstacle à l’introduction d’une autre action en validation dès lors qu’i y a eu annulation du procès-verbal d’adjudication subséquemment au jugement pour l’exécution duquel il avait été pris.
2- Lorsque le procès-verbal d’adjudication est annulé par la Cour de Cassation, le commandement valant saisie réelle suit le sort de celui-ci de telle sorte qu’il suffit de signifier la décision d’annulation au conservateur pour que l’inscription soit radiée.
3- Dès lors que l’urgence découle du péril entachant le recouvrement d’une créance certaine liquide et exigible objet d’un jugement passé en force de chose jugée; qu’il y a lieu d’ordonner en conséquence l’exécution provisoire.
(TRIBUNAL REGIONAL HORS CLASSE DE DAKAR, AUDIENCE PUBLIQUE, ORDINAIRE DU 25 JANVER 2000, jugement N° 231, CBAO c/ Mr. Moustapha BAO).
LE TRIBUNAL
VU les pièces du dossier;
OUÏ les avocats des parties en leur conclusions respectives;
LE MINISTERE public entendu et après en avoir délibéré conformément à la loi;
ATTENDU que suivant exploit servi le 25 septembre 1998 par Assane DIENE, Huissier de Justice à Dakar, la CBAO a assigné Moustapha BAO en paiement de la somme de douze millions (12 000 000) de Francs CFA outre les intérêts de droit et en validation de l’hypothèque conservatoire inscrite sur l’immeuble, objet du titre foncier 25405/DG sous le bénéfice de l’exécution provisoire du jugement à intervenir;
MAIS attendu que par écritures en date du 19 octobre 1998, la CBAO a déclaré renoncer à sa demande de condamnation et sollicité au regard du jugement du 26 juin 1996 la validation de l’hypothèque conservatoire;
QU’IL résulte en effet dudit jugement que la CBAO avait déjà obtenu la condamnation de BAO par le même montant; qu’il échet de lui en donner acte;
EN LA FORME
ATTENDU que par écritures en date du 27 juillet 1999, Moustapha BAO a soulevé une fin de non recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée qui serait attachée au jugement du 26 juin 1996 qui avait débouté la CBAO de sa demande en validation d’hypothèque portant sur le même immeuble; que la CBAO n’ayant pas relevé appel, il estime que le dit jugement est passé en force de chose jugée;
ATTENDU qu’il importe de relever que la décision invoquée avait déclaré sans objet la demande de validation motif pris de ce que le sieur BAO n’était plus propriétaire du titre foncier 25405/DG qui avait été adjugé à un tiers suivant procès-verbal d’adjudication n° 2040 du 13 décembre 1999;
QUE par suite de l’intervention d’un arrêt de la Cour de Cassation en date du 07 février 1996 que le jugement n° 1841 du 08 novembre 1994 a été annulé et subséquemment ledit procès-verbal d’adjudication pris en exécution du jugement;
QUE les parties ayant été remises à l’état où elles se trouvaient avant l’adjudication, la CBAO s’est faite autoriser à prendre par ordonnance en date du 24 août 1998 une inscription d’hypothèque sur l’immeuble de BAO en vertu de l’arrêt de la Cour de Cassation;
QU’IL s’ensuit que l’action de la CBAO visant à obtenir la validation de l’inscription hypothécaire est recevable;
QUE l’autorité de la chose jugée qui s’attache au jugement du 26 juin 1996 relativement à la créance, ne constitue pas un obstacle de droit à la recevabilité de l’action en validation sur laquelle le juge doit statuer en vertu de l’arrêt de cassation et de l’ordonnance présidentielle en date du 24 août 1998 autorisant l’inscription d’hypothèque;
Qu’il échet de rejeter le moyen ainsi apposé et de déclarer recevable l’action de la CBAO;
AU FOND
ATTENDU que le défendeur s’oppose à la validation en soutenant que si le procès-verbal d’adjudication a été annulé par l’arrêt de la Cour de Cassation, les parties doivent à nouveau comparaître devant le juge des criées pour qu’il statue à nouveau; qu’il ajoute que le commandement valant saisie réelle et qui a été à l’origine de la procédure devant est demeuré inscrit au titre foncier et la procédure pourra être reprise devant le juge des criées sur simple avoir que ce faisant, poursuit-il, la CBAO ne peut être recevable à inscrire une hypothèque conservatoire sur l’immeuble dont s’agit tant que le commandement valant saisie réelle n’aura pas été radié; qu’il invoque à ce titre les dispositions de l’article 262 de l’Acte Uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ainsi libellées;
« En cas de non paiement, le commandement vaut saisie à compter de son inscription;
L’immeuble et ses revenus sont immobilisés dans les conditions prévues aux articles ci-dessus. Le détenteur ne peut aliéner l’immeuble ni le grever de droit réel ou charge.
Le conservateur ou l’autorité administrative refusera d’opérer toute nouvelle inscription ».
ATTENDU qu’il y’a lieu de faire observer qu’avec l’arrêt de la Cour de Cassation le commandement valant saisie réelle suit le sort du jugement du procès- verbal d’adjudication; qu’il suffit de la signifier au conservateur pour que l’inscription soit radiée;
QUE l’acte de signification peut être dénoncé par tout intéressé y compris Moustapha BAO dont l’inertie ne constitue point un obstacle pour ses créanciers de procéder à une inscription hypothécaire que son moyen de défense est inopérant;
SUR LA VALIDATION
ATTTENDU que le jugement du 26 juin 1996 devenu irrévocable, a déjà constaté la créance de la CBAO sur Moustapha BAO pour un montant de 9 272 844 FCFA; que celle-ci a été autorisée à inscrire un hypothèque de second rang sur l’immeuble objet du titre foncier 25 405/DG appartenant à Moustapha BAO, étant réservé, au demeurant comme il résulte de l’état des droits réels établis le 22 janvier 1996 que le Crédit Lyonnais avait déjà inscrit sur le même titre une hypothèque conventionnelle de premier rang;
ATTENDU que la saisie a été régulièrement signifiée au conservateur par acte de Me Assane DIENE en date du 16 septembre 1998;
QUE l’inscription étant régulière et juste au fond, il y’a lieu de valider et de la transformer en saisie exécution avec toutes les conséquences de droit et à hauteur de Douze millions (12 000 000);
SUR L’EXECUTION PROVISOIRE
ATTENDU que l’urgence découle du péril entachant le recouvrement d’une créance certaine liquide et exigible objet d’un jugement passé en force de chose jugée; qu’il y a lieu d’ordonner en conséquence l’exécution provisoire;
PAR CES MOTIFS
STATUANT publiquement, contradictoirement en matière civile et en premier ressort;
Reçoit en la forme la fin de non recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée;
Déclare l’autorité de la chose jugée acquise sur le jugement du 26 juin 1996 mais seulement au titre de la créance;
La rejette, au titre de la validation, en vertu de l’arrêt de a Cour de Cassation en date du 07 février 1996 portant annulation du jugement et du procès-verbal d’adjudication de l’immeuble objet du tire foncier 25.405/DG appartenant à Moustapha BAO
AU FOND
VU, le jugement du 26 juin 1996 portant condamnation de Moustapha BAO à payer à la CBAO la somme de 9 272 844 FCFA;
Valide à hauteur de 12 millions de francs l’inscription d’hypothèque prise le 16 septembre 1998 sur le titre foncier 25.405/DG appartenant à Moustapha BA0 et la transforme en hypothèque définitive avec toutes les conséquences de droit;
Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement;
Condamne BAO aux dépens;
Ainsi fait, jugé et prononcé, les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier
Observations
Par Ndiaw DIOUF, agrégé des facultés de droit, Directeur du Centre de Recherche, d’Etude et de Documentation sur les Institutions et les Législations Africaines (CREDILA)
Au regard des voies d’exécution, le jugement rendu par le tribunal régional de Dakar le 25 janvier 2000 ne présente qu’un intérêt historique. Il s’agit d’une procédure dans laquelle étaient mis en œuvre des principes contenus dans le Code de Procédure Civile alors applicable en matière de voies d’exécution de manière générale et de saisie immobilière en particulier. L’on se rappelle qu’avant l’entrée en vigueur de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, la décision d’adjudication dans le cadre de la saisie immobilière, ne pouvait être attaquée qu’au moyen d’un pourvoi en cassation et si elle avait statué sur un incident.
Aujourd’hui avec les nouvelles règles édictées par l’Acte Uniforme la décision d’adjudication ne peut plus faire l’objet d’un pourvoi; en principe elle ne peut être attaquée qu’au moyen d’une action principale en nullité à moins qu’elle n’ait statué sur un incident auquel cas la voie de l’appel est ouverte.
Si du point de vue des voies d’exécution l’intérêt de cette décision est très faible il n’en est pas de même en ce qui concerne les règles de procédure civile, notamment les règles fixant les effets du pourvoi en cassation.
Le tribunal part de l’idée que dans le cadre de la saisie immobilière, en cas de cassation, le commandement suit le sort du procès-verbal d’adjudication; il en déduit qu’il suffit de signifier la décision au conservateur pour que l’inscription soit radiée. Cette décision est rendue dans une affaire où un créancier ayant demandé la validation d’une inscription d’hypothèque, le débiteur a fait valoir que si le procès-verbal est annulé par la Cour de Cassation, les parties doivent à nouveau comparaître devant le juge des criées pour qu’il statue à nouveau car le commandement qui est à l’origine de la procédure de vente est demeuré inscrit au titre foncier de telle sorte que la procédure pourra être reprise.
En statuant comme il l’a fait le tribunal méconnaît les effets du pourvoi que l’on peut résumer en une idée simple : la décision attaquée et tous les actes qui en sont la suite nécessaire ou l’exécution sont annulés, mais toute la procédure antérieure au prononcé de la décision censurée subsiste. (V. pour le droit français J et L. Boré, La cassation en matière civile, Dalloz act, 3ème édition 2003, n° 122-90, p. 599).