J-04-477
VOIES D’EXECUTION – SAISIE MMOBILIERE – SAISIE CONSERVATOIRE – DEMANDE DE CONVERSION EN SAISIE ATTRIBUTION DE CREANCE – SAISIE BONNE ET VALABLE – CONVERSION PAR VOIE EXTRAJUDICIAIRE CONFORMEMENT AUX DISPOSITIONS DES ARTICLES 69 ET SUIVANTS AUPSRVE.
Lorsqu’en application des dispositions de l’article
82 AUPSRVE la saisie est bonne et valable, il y a lieu de dire que la conversion se fera par voie extrajudiciaire.
Article 69 AUPSRVE ET SUIVANTS
(TRIBUNAL REGIONAL HORS CLASSE DE DAKAR, AUDIENCE PUBLIQUE ET ORDINAIRE DU 12 SEPTEMBRE 2000 N° 1599, ENTREPRISE GENERALE AFRICAINE C/SARL CEGES).
LE TRIBUNAL
VU les pièces du dossier;
OUÏ les avocats des parties en leurs conclusions respectives;
LE Ministère public entendu et après en avoir délibéré conformément à la loi;
ATTENDU que par acte du 02 mars 2000, le tribunal vidant son délibéré a statué conformément à la loi :
ATTENDU que par acte du 02 mars 2000 Maître Aloyse NDONG, huissier de Justice à Dakar, la Société Entreprise Générale Africaine dite EG.AFRIC a assigné la Société SARL CEGES en paiement de la somme de 10 000 000 de francs au principal et en conversation en saisie pratiquée suivant exploit en date des 17, 18 et 23 février 2000 de Maître Aloyse NDONG, huissier de justice à Dakar;
QUE l’exécution provisoire du jugement à intervenir étant en outre sollicitée;
EN LA FORME
ATTENDU que l’action a été introduite dans les formes et délais prévus par la loi, il échet de la déclarer recevable;
AU FOND
ATTENDU que la demanderesse déclare qu’elle a signé avec la défenderesse une convention de sous-traitance relative au projet d’appui à l’enseignement élémentaire fonds de l’OPEP;
Qu’aux termes de cette convention la défenderesse devait lui payer sur le décompte final la somme de 10 000 000 francs;
Que dans ce sens une attestation lui a été délivrée par la défenderesse;
Que pour garantir cette créance, la demanderesse a effectué une saisie conservatoire de créance à hauteur de 12 000 000 francs sur les comptes de la SARL CEGES;
Qu’elle sollicite par conséquent le paiement de la somme de 10 000 000 de francs et la conversion de la saisie pratiquée en saisie-attribution;
Que la défenderesse dans ses conclusions en date du 16 juin 2000 déclare qu’elle a bel et bien signé un contrat de sous- traitance de 10 000 000 de francs payable à la fin de l’exécution du projet;
Que le paiement total n’a pas été opéré puisque l’Etat du Sénégal n’a pas libéré la défenderesse de la dette de la T.V.A.;
Que la demanderesse refuse d’apposer son visa sur le décompte relatif à la TVA;
Qu’en application de l’article 104 du Code des obligations Civiles et commerciales, elle refuse d’exécuter son obligation tant que la demanderesse n’exécute pas la saisie;
Qu’elle estime que la demanderesse est mal fondée d’intenter une action de justice à son encontre;
Que l’article 3 dudit contrat stipule clairement que la deuxième tranche de 10 000 000 de francs devait être versée à la demanderesse à la fin de l’exécution du projet c'est-à-dire au paiement total du marché;
Que un Téléfax du fonds de l’OPEP en date du 26 janvier 2000 prouve que le virement de la somme de 28 170 888 francs a été effectué dans le compte n° 360.04.291/Z au niveau de la CBAO à Monsieur Mamadou FAYE;
Qu’ainsi il est prouvé en l’espèce que le paiement total du marché a été déjà effectué;
Qu’en outre il n’est pas stipulé nullement dans la convention liant les parties que le paiement du reliquat de 10 000 000 de francs était conditionné par l’apposition du visa sur le décompte relatif à la TVA;
Que l’action intentée par la demanderesse n’a rien d’abusif, il échet par conséquent de condamner la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 10 000 000 de francs représentant le montant du reliquat et de débouter la défenderesse de sa demande reconventionnelle comme mal fondée;
Que conformément aux dispositions de l’article 82 de l’Acte Uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution, il échet de déclarer la saisie bonne et valable et que la conversion se fera conformément aux dispositions des articles 69 et suivants de l’OHADA;
Que l’attitude de la défenderesse est de nature à mettre en péril le recouvrement de la créance de la demanderesse, il échet d’ordonner l’exécution provisoire jusqu’à concurrence de 500 000 francs;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en premier ressort;
EN LA FORME
Déclare l’action recevable;
AU FOND
Condamne la SARL CEGES à payer à la société EF AFRIC la somme de 10 000 000 Francs;
Dit que la conversation se fera par voie extrajudiciaire conformément aux dispositions des articles 69 et suivants de l’Acte Uniforme;
Rejette la demande reconventionnelle comme mal fondée;
Ordonne l’exécution provisoire jusqu’à concurrence de 500 000 francs;
Condamne la défenderesse aux dépens;
Ainsi fait jugé et prononcé, les jour, mois et ans que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffer./.
Observations
Par Ndiaw DIOUF, agrégé des facultés de droit, Directeur du Centre de Recherche, d’Etude et de Documentation sur les Institutions et les Législations Africaines (CREDILA) – UCAD
Beaucoup de plaideurs qui pratiquent une saisie conservatoire ignorent que le législateur communautaire leur a simplifié la tâche en les dispensant désormais de la procédure de validation. Il n’est pas rare de voir des plaideurs saisir le tribunal pour faire valider leur saisie, alors qu’il leur suffit, lorsqu’ils ont un titre exécutoire, de signifier un acte de conversion (V. le Tribunal régional hors classe de Dakar, jugement n°1860 du 21 novembre 2000 Christian Dering /SOW. L’affaire qui a donné lieu à ce jugement du tribunal régional illustre parfaitement les errements de ces plaideurs. Une personne qui réclamait une créance résultant d’un contrat de sous-traitance avait pratiqué une saisie conservatoire. Elle a ensuite assigné son cocontractant pour obtenir la condamnation au paiement de la somme réclamée et la validation de la saisie conservatoire; il lui suffisait pourtant, si elle avait un titre, de signifier un acte de conversion.
On peut relever aussi que ces erreurs ne sont pas propres aux plaideurs; il suffit pour s’en rendre compte d’examiner la solution apportée par le tribunal qui n’est pas sans reproche.
Cette juridiction,après avoir constaté l’existence de la créance, a estimé que conformément à l’article 82 la saisie étant bonne et valable et qu’il y avait lieu de dire que la conversion de la saisie se fera par voie extra-judiciaire.
Cette analyse appelle deux observations :
– d’une part, le tribunal s’est prononcé sur une question qui ne lui avait pas été soumise, car il a vérifié la régularité de la saisie (en se fondant sur un texte inapplicable) alors que la demande tendait à la validation; n’y avait-il pas là une atteinte au principe dispositif qui veut que le juge ne puisse se prononcer que sur les chefs de demande qui lui sont soumis ?
– d’autre part, le tribunal a décidé (comme s’il l’ordonnait) que la conversion se fera par acte extra-judiciaire conformément aux articles 96 (ce texte vise au demeurant la conversion de la saisie- conservatoire des biens meubles corporels en saisie-vente) alors qu’il lui suffisait de dire qu’il n’y avait pas lieu à validation (c’est ce qui lui était demandé), cette procédure n’étant plus prévue.