J-04-485
VOIES D’EXECUTION – DELAIS DE GRACE – BONNE FOI DOUTEUSE DU DEBITEUR – REDUCTION DU DELAI.
Le juge des référés à la faculté d’accorder des termes et délais aux débiteurs malheureux et de bonne foi, en cas d'urgence. L’étendue de ce délai est proportionnelle au degré de bonne foi du débiteur.
(Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n° 88 du 20 janvier 2004, Cissé Yao Jules, c/ Assa Bernard Brou Yao).
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Ensemble l'exposé des faits, procédure, prétentions des Parties et motifs ci-après;
DES FAITS. PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par exploit en date du 27 octobre 2003 comportant ajournement au 11 novembre 20O3, CISSE YAO JULES ayant pour conseil la S.C.P.A SORO et BAKO, Avocats à la Cour, a relevé appel de l'ordonnance de référé n° 4509 rendue le 22 octobre 2003 par la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan laquelle en le cause, a statué comme suit :
– Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé d'heure à heure et en premier ressort;
Au principal, renvoyons les parties à se pourvoirent ainsi qu’elles aviseront, mais dès à présent, vu l'urgence, accordons à ASSA BERNARD BROU YAO un délai de grâce de 10 mois à compter de ce jour pour se libérer vis à vis de CISSE YAO JULES :
– Disons qu'il sera sursis aux poursuites à l'exécution dont il est l'objet;
– Condamnons ASSA BERNARD aux dépens;
Il résulte des pièces du dossier et des énonciations de l'ordonnance querellée que par exploit en date du 24 juillet 2003, ASSA BROU YAO a fait délivrer assignation à CISSE YAO JULES à l'effet d'avoir à comparaître par devant la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan aux fins de voir accorder à son profit un délai de grâce;
A l'appui de son action, il exposait que ce dernier lui a octroyé en janvier 2002 un prêt de 1.000.000 Francs pour la création d'un cybercafé, dont le remboursement devait s'effectuer trois mois après le démarrage des activités;
Que le cyber a fonctionné finalement en janvier 2003 de sorte qu'il n'a remboursé ce prêt comme convenu;
Que cependant, il a pu régler la somme de 100.000 francs et malgré ce paiement, CISSE YAO JULES a fait pratiquer une saisie conservatoire sur les équipements du cyber;
Qu'il sollicite qu'un délai de grâce de douze mois lui soit accordé compte tenu de la situation particulièrement difficile et conformément à l'article 39 du code OHADA portant voies d'exécution;
Le Juge des référés a fait droit partiellement à sa demande en lui accordant un délai de grâce de dix mois (10 mois) sur le fondement de l'article 1244 du code civil;
En Cause d'appel, CISSE JULES fait grief au premier juge d'avoir ainsi statué, alors que ASSA BROU BERNARD est un débiteur mauvaise foi, qui n'a fait aucun effort pour respecter les clauses de leur convention, et qui de surcroît est très solvable, son cybercafé connaissant une très grande affluence;
Il fait valoir en outre que le premier juge a méconnu l'application de l'article 39 du traité OHADA en ne tenant compte que de la situation financière du débiteur et non de celle du créancier;
Il sollicite dès lors l'infirmation de l'ordonnance critiquée;
En réplique, ASSA BROU BERNARD conclut à la confirmation de l'ordonnance querellée au motif que le délai de grâce à lui accordé est tout à fait justifié;
DES MOTIFS
EN LA FORME
L'appel relevé par CISSE YAO JULES de l'ordonnance de référé n° 4509 du 22 octobre 2003 est intervenu dans les formes et délais de la loi;
Il échet de le déclarer recevable;
AU FOND
L'appelant estime que le délai de grâce accordé n'est pas fondé tandis que l'intimé soutient la thèse contraire;
A ce propos, le Juge des référés en vertu de l'article 39 du traité OHADA portant voies d'exécution, la faculté en Cas d'urgence, d'accorder termes et délais aux débiteurs malheureux et de bonne foi;
Il est constant eu égard aux éléments du dossier que ASSA BROU BERNARD est confronté à des difficultés pour le remboursement de sa dette;
Cependant, ce dernier n'a pas suffisamment fait montre de bonne foi depuis la signature de la convention de prêt le 15 janvier 2002;
En effet, tenu de rembourser le prêt de 1.000.000 F à lui octroyé à cette date, trois mois après le démarrage effectif des activités ASSA BERNARD n’a réglé à ce jour que la somma de 100.000 francs; Alors que le cybercafé fonctionne depuis janvier 2003 bien avant le prononcé de l'ordonnance critiquée;
Il y a lieu dans ces conditions de réduire le délai de grâce à lui accordé à quatre mois à compter de la signification de l'arrêt par réformation de l'ordonnance querellée;
Au regard de cette décision il échet de mettre les dépens à la charge de l'intimé;
Sur les dépens
ASSA BERNARD BROU YAO succombe; il échet de le condamner aux dépens sur le fondement de l'article 146 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort;
EN LA FORME
– Déclare recevable l'appel relevé le 27 octobre 2003 par CISSE YAO JULES de l'ordonnance de référé n° 4509 rendue le 22 octobre 2003 par la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan;
AU FOND
L'y dit Partiellement fondé;
Reformant la dite ordonnance;
Accorde à ASSA BERNARD BROU YAO un délai de grâce de quatre mois à compter de la signification du présent arrêt;
Le condamne aux dépens;