J-04-489
SOCIETES COMMERCIALES – EXPERTISE DE GESTION – DEMANDE PRESENTEE PAR UN ASSOCIE AYANT PLUS D’UN CINQUIEME DU CAPITAL SOCIAL – BIEN FONDE DE LA DEMANDE.
Un associé ayant des parts sociales qui représentent plus d’un cinquième du capital social peut demander avec succès une expertise de gestion des comptes. Partant l’ordonnance qui accède à cette demande ne peut être querellée.
Article 159 AUSCGIE
(Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n° 376 du 2 mars 2004, société METALOCK PROCESS-CI SARL c/ TOURREGUITART JORGE CLUSSELA).
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Ensemble les faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIS
Suivant exploit daté du 30 janvier 2004, la Société METALOCK PROCESS-CI SARL agissant aux poursuites et diligences de son représentant légal, Monsieur LUCIEN HEDOIN et ayant pour conseil, Maître BOTY, BILIGOE, Avocat à la cour, a relevé appel de l'ordonnance de référé N° 5164 rendue le 26 novembre 2003 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal d'Abidjan qui, en la cause a statué ainsi qu'il suit ,
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé d'heure à heure et en premier ressort »;
Recevons TOURREGUITART JORGE CLUSSELA en son action;
L'y disons bien fondé;
Ordonnons l'audit de la Société METALOCK PROCESS-CI pour les six (06) derniers exercices de 1998 à 2003;
Désignons pour la réalisation de cette mission Monsieur FICHTNER JACQUES GILLS, 01 BP.7344 Abidjan 01 Tél. 20-32-97-62 en qualité d'expert comptable;
Disons qu'il dispose d'un délai de deux (2) mois pour réaliser sa mission;
Disons que TOURREGUITART JORGE CLUSSELA est tenu de faire l'avance des frais de l'expert;
Condamnons la Société METALOCK PROCESS-CI aux dépens;
Il ressort des énonciations de l'ordonnance querellée que Monsieur TOURREGUITART JORGE CLUSSELA a fait attraire la Société METALOCK PROCESS-CI et Monsieur LUCIEN HEDOIN son gérant associé à comparaître par devant la Juridiction Présidentielle du Tribunal d'Abidjan pour voir désigner un expert comptable, aux fins de réaliser un audit de la gestion du sieur LUCIEN HEDUIN durant les six (06) derniers exercices de la société METALOCK-Cl;
Au soutien de son action, Monsieur TOURREGUITART JORGE CLUSSELA a exposé qu'il est actionnaire de la S.A.R.L. METALOCK PROCESS-CI au capital de 50.000.000 F réparti en 5000 part, à hauteur de 1.245 parts soit 24,9 % du capital social avec comme autres actionnaires Messieurs LUCIEN HEDOIN gérant 2.450 parts, MICHEL CAMUS 740 parts et STEPHANE JOUIN 565 parts;
Il a ajouté que depuis le 31 décembre 1997, date du dernier bilan jusqu'au 31 décembre 2003 soit six exercices sociaux, aucun bilan de gestion de la Société ne lui a été présenté et aucune convocation ne lui a été adressée pour assister à une quelconque assemblée générale;
Il a souligné que Monsieur LUCIEN HEDOIN, l'actuel gérant gère la Société comme il l'entend sans lui rendre compte;
Il a terminé en faisant observer qu'il détient 24,9% du capital social soit plus du cinquième;
C'est pourquoi, usant de ses droits au regard des articles 137 et 159 de l’acte uniforme relatif aux Sociétés commerciales, il sollicite la désignation d'un expert comptable aux fins de réaliser un audit de la gestion de monsieur LUCIEN HEDOIN durant les six (06) derniers exercices (de 1998 à 2003) de la Société METALOCK PROCESS-CI;
Pour faire droit à l'action de Monsieur TOURREGUITART JORGE CLUSSELA, le Premier Juge a estimé que dans l'intérêt même des associés, il n'est pas inopportun d'ordonner l'audit de la Société sur la période concernée, par décision de Justice avec l'intervention d'un nouvel homme de l'art et de façon contradictoire;
Au soutien de son appel la Société METALOCK expose que spécialisée dans la mécanique de précision, elle a pour gérant Monsieur LUCIEN BEDOIN et Monsieur TOURREGUITART JORGE CLUSSELA, le Directeur technique;
Elle avance que courant janvier 2003 le gérant devant être rapatrié d'urgence sur la France pour des raisons de santé avant son départ, il avait confié la gestion à son Directeur technique;
Après huit (8) mois de gestion le gérant a constaté à son retour une chute du chiffre d’affaires due au défaut de facturation des travaux tous exécutés et livrés par la Société; Cette faute lourde a entraîné le licenciement de Monsieur TOURREGUITART JORGE CLOSSELA qui désormais, mu par un esprit de vengeance contestait toutes les assemblées tenues par le gérant et les bilans par lui dressés et sollicitait un audit de la Société;
Elle relève que le gérant a toujours dressé les bilans de la Société et tenir des assemblées générales; Monsieur TOURREGUITART qui en a pris part a le droit de solliciter ces documents et de soumettre au gérant tout fait de nature à compromettre l'exploitation de la Société; Ne l'ayant pas fait, il est donc mal fondé à reprocher au gérant défaut de présentation des bilans;
Par ailleurs elle relève que l'audit est inopportun dans la mesure où les faits allégués sont non fondés;
En effet, fait-elle observer la présence d'une tierce personne au sein de la société pour une mission inopportune ne manquera pas de perturber le foncièrement de la société puisqu'il s'agira Pour l'auditeur de mobiliser le personnel interne pour les besoins de la mission alors que celle-ci a intérêt à redynamiser son personnel pour parer eu préjudice que lui a causé la mauvaise gestion de son ex-Directeur technique;
Aussi, sollicite-t-elle l'infirmation de l'ordonnance querellé;
Pour sa part Monsieur TUURREGUITART JORGE CLOSSELA après avoir rappelé les faits, soulève in limine litis la nullité de l'acte d'appel et conclut au mal fondé de l'action de la société METALOCK PROCESS-CI;
En effet, dit-il, cet acte est nul parce qu'il a été dressé par un Huissier territorialement incompétent et ne comporte pas le coût;
Par ailleurs, il conteste l'authenticité des procès-verbaux et se réserve le droit de prouver leur contrefaçon;
Il relève aussi qu'il n'a reçu copie des bilans dressés;
Il termine en soulignant que l'expertise sollicitée n'est pas fondée sur l'existence de griefs relevés, à l'encontre du gérant mais découle du droit qu'à l'associé détenant au moins 20% du capital social; Or en l'espèce conclut-il dispose de 40% du capital social; Aussi, sollicite-t-il la confirmation de l'ordonnance en cause;
DES MOTIFS
EN LA FORME
Sur la nullité de l'acte d'appel
L'intimé soulève la nullité de l'acte d'appel et, partant l'irrecevabilité de l'appel pour violation par l'Huissier Instrumentaire de la compétence territoriale; or il convient de relever que depuis l'avènement de la Loi N° 97-514 du 4 septembre 1997 portant statut des Huissiers de Justice abrogeant la Loi N° 69-242 du 9 juin 1969;
Les Huissiers de Justice ont vocation à instrumenter sur l'ensemble du territoire National de sorte que la compétence de l'Huissier Instrumentaire ne souffre d'aucune contestation en l'espèce;
S'agissant de la violation de l'article 246 du code de procédure civile, certes le coût ne figure pas dans l'acte d'appel;
Cependant cette mention n'ayant pas été prévue à peine de nullité, cette violation ne peut entraîner qu'une nullité relative obligeance ainsi la partie qui s'en prévaut à faire la preuve du préjudice subi;
En l'espèce, l'intimé n'ayant fait la preuve d'aucun préjudice, il convient donc de rejeter de moyen comme non fondé; Au totale l'appel relevé par la Société METALOCK PROCESS-CI est régulier en la forme et doit être déclaré recevable;
Sur le fond
Aux termes de l'article 159 du traité OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique, un ou plusieurs associés représentant au moins le cinquième du capital social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit demander au Président de le Juridiction compétente du siège social, la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion;
En l'espèce, l'intimé détient plus du cinquième du capital social avec ses parts;
A ce titre, sa demande d'audit à ses propres frais sur la gestion du gérant pendant les six (06) derniers exercices est fondée; C'est donc à tort que l'ordonnance querellée est contestée par l'appelante; Il convient donc de rejeter le présent appel non fondé; L'appelante qui succombe doit être condamné aux dépens en application des dispositions de l'article 149 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort;
EN LA FORME
Déclare recevable l'appel régulièrement relevé par la Société METALOCK PROCESS-CI de l'ordonnance N°5164 rendue le 26 novembre 2003 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan Plateau;
AU FOND
L'y dit mal fondée et l'en déboute;
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions;
Condamne l'appelante aux dépens;