J-04-494
VOIES D’EXECUTION – SAISIE CONSERVATOIRE SANS TITRE – OBLIGATION D’EN RECHERCHER LE TITRE DANS LE MOIS QUI SUIT LA SAISIE – SANCTION – CADUCITE DE LA SAISIE.
Doit être déclarée caduque la saisie conservatoire pratiquée sans titre si dans le mois qui suit cette saisie, le saisissant n’introduit aucune action aux fins d’obtenir un titre exécutoire.
(Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n° 194 du 3 février 2004, Société internationale de commerce des produits tropicaux (SICPP) c/ GITMA, Société SABIMEX, MAERSK LOGISTICS, SDV-CI et SAGA-CI).
L A COUR
Ouï le Ministère Public;
Vu les pièces du dossier;
Ensemble les faits, procédures, prétention des Parties et motifs ci-après :
DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIS
Suivant exploit daté du 5/12/2003 comportant ajournement au 16/12/2003, la Société Internationale de Commerce des Produits Tropicaux dite SICPP, agissant aux poursuites et diligences de son représentant légal Monsieur DENIS BRA KANON et ayant pour conseil la SCPA KONAN et FOLQUET, Avocats à la cours, a relevé appel de l'ordonnance de référé n° 5008 rendue le 19/11/.2003 par la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan qui, en la cause, a statué ainsi qu'il suit :
« Nous déclarons compétant;
Recevons la Société GITMA en son action et l'y disons bien fondée;
Donnons mainlevée de la mesure conservatoire de biens meubles du 4/11/2003 et des saisies conservatoires de créances pratiqué entre les mains des partenaires commerciaux de la Société GITMA à savoir les Sociétés SABIMEX, sans pareil, MAERSK LOGISTICS, SDV-CI et SAGA-CI, et ce, sous astreinte de 5.000.000 F/CFA par jour de retard à compter du prononcé de la présenta décision;
Il ressort des énonciations de l'ordonnance querellée que par exploit daté du 11/11/2003, le Société GITMA a fait servir assignation aux Sociétés SICPRO SABIMEX, SANS PAREIL, MAERSK LOGISTICS, SAGA-CI, SDV-CI à l'effet de comparaître et se trouver par devant la juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan pour voir ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire de biens meubles du 4/11/2003 et des saisies conservatoires de créances pratiquées entre les mains des Partenaires commerciaux sous astreinte de 10.000.000 F par jour de retard;
A l'appui de son action, la Société GITMA a fait valoir que la société SICPRO a fait pratiquer une série de saisies conservatoires de biens meubles et de créances entre les mains de partenaires commerciaux alors que, dans les mêmes conditions , celle-ci avait fait pratiquer les mêmes saisies dont la mainlevée a été ordonnée, par décision n° 4494 rendue le 22 Octobre 2CO3;
Ainsi pour la demanderesse cette décision a valeur d'autorité de chose jugée, de sorte que les nouvelles saisies effectuées ont un caractère abusif;
Des moyens de la Société SICPRO n'ont pas été reproduits;
Pour faire droit à l'action de la Société GITMA, le premier juge, après avoir rejeté l'exception d'incompétence soulevée par le SOCIETE SICPRO, a estimé que l'examen des pièces produites révèle que celle-ci ne rapporte pas la preuve que les conditions prescrites par les articles 54, 56, 59, 60 et 61 de l'Acte Uniforme relatif aux voies d'exécution sont réunis;
Au soutien de son appel, la société SICPRO fait grief au premier juge d'avoir omis de statuer sur les deux moyens de la Société GITMA , à savoir son défaut de qualité à elle, SCPRO, de pratiquer les saisies litigieuses, et la violation de l'article 77-3e de l'Acte Uniforme relatif aux voies d'exécution pour non indication du titre qui sous tend l'exécution entreprise;
Par ailleurs l'appelante reproche au premier juge sa motivation qui, selon-elle, se caractérise par son imprécision et ne peut légalement donc fonder l'ordonnance entreprise;
Estimant que les saisies litigieuses ont été pratiquées en vertu d'un contrat de bail écrit, la seule condition exigée par la loi est, selon elle, un commandement préalable, laquelle condition a été remplie;
C'est donc, affirme l'appelante, à tort que le juge des référés prétend qu'elle, Société SICPRO ne fait pas la preuve que les conditions des articles 54, 55,56, 57, 58,59 et 60 de l'Acte Uniforme sont remplies;
Elle conclut donc à l'infirmation de l'ordonnance entreprise, et la Cour, statuant à nouveau, déclarera le juge des référés incompétent et déclarera régulières les saisies pratiquées;
Pour sa part la Société GITMA, rappelant le faite, déclare que par acte sous seing privé en date du 30/08/1999, la société SICPRO lui a donné en bail commercial, ses locaux bâtis sur le lot 201 objet du titre foncier n° 14040, immatriculé au nom de l'Etat de Côte-d'Ivoire et faisant partie du domaine public maritime, la Société SICPRO tenant ses droits du Port Autonome d'Abidjan qui, Par avenant n° 2 de transfert, lui a accordé une autorisation d'occupation pour une durée de 30 ans;
Ayant appris plus tard, que la Société SICPRO n'a pu obtenir le renouvellement de l'autorisation d'occupation qui est venue à expiration le 12/12/1998, elle a sollicité et obtenu du Port Autonome d'Abidjan d'occuper le lot litigieux pour une durée de 20 ans à compter du 1er août 2001;
C'est donc, en Occupant le lot litigieux dans ces conditions, affirme l'intimée, qu'elle a eu la surprise de constater que le Société SICPRO, en s'appuyant sur une créance de loyers, a fait pratiquer des saisies conservatoires à son préjudice entre les mains de certains de ses Partenaires commerciaux;
Ces faits rappelés, la Société GITMA déclare que contrairement l'opinion de l'appelante, il n'y a pas d’omission de statuer puis qu'aussi cette omission de statuer ne concerne que les demandes soumises au juge et non les moyens;
Sur l'insuffisance de motif relevée par l'appelante, la Société GITMA réplique qu'il n'en est rien puisque la premier juge qui a constaté que la Société SICPRO qui tenait son droit du Port Autonome d'Abidjan n'avait plus de titre sur le lot litigieux;
Elle conclut donc à la confirmation de l'ordonnance entreprise;
Si, par extraordinaire, selon elle, la décision était infirmée, elle sollicite que, sur évocation, la Cour, en application de l'article 61 de l'Acte Uniforme relatif aux voies d'exécution, constate la caducité des saisies pratiquées à défaut d'action tendant à obtenir un titre exécutoire;
La Société SICFRO réplique à cette argumentation;
DES MOTIFS
EN LA FORME
L'appel relevé 'par la société SICPRO est régulier pour l'avoir été confortement aux dispositions légales;
Il convient, dès lors, de le déclarer recevable;
AU FOND
L'appelante soulève l'omission de statuer en expliquant que la société GITMA a relevé devant le premier juge qu'il y avait autorité de chose jugée, ce sur quoi ledit juge n'aurait pas statué;
Il ne ressort cependant pas des énonciations de l'ordonnance querellée que la Société SICPRO, défenderesse en première instance ait soumis à l'appréciation du juge le moyen tiré de l'autorité de la chose juge;
S’agissant de l'ordonnance n°4494 du 22 Octobre 2003, ayant ordonné la mainlevée des premières saisies conservatoires pratiquées par la Société SICPRO et invoquée par la Société GITMA, il n'apparaît pas à l'analyse de ce moyen qu'il tendait à soulever une fin de non recevoir, mais plutôt à voir ordonner la mainlevée des saisies litigieuses;
En effet, d'une Part, il est constant que les ordonnances de référé n'ont pas, de façon absolue, autorité de chose jugée, d'autre part l'autorité de la chose jugée étant essentiellement un moyen de non recevoir comme il a été rappelé ci-dessus, elle ne peut être soulevée que parle défendeur à l'action;
Pour toutes ces raisons l'omission de statuer invoquée par l'appelante n'est pas justifiée;
S'agissant de l'insuffisance de motivation soulevée par l'appelante celle-ci ne la justifie pas d'autant que le premier juge, en déclarant que les saisies pratiquées violent les dispositions des articles 54 et suivants de l'acte Uniforme relatif aux voies d'exécution, motive la mainlevée qu'il ordonne;
Ce moyen doit donc être également rejeté comme non fondé;
Sur la mainlevée des saisies pratiquées
Aux terme des dispositions combinées des articles 54 et 61 de l'Acte Uniforme relatif aux voies d'exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut, par requête solliciter du Président du Tribunal l'autorisation de pratiquer saisie conservatoire sur tous biens mobiliers corporels ou incorporels de son débiteur, avec cependant l'obligation pour lui, à peine de caducité d'introduire, dans le mois qui suit ladite saisie, une action aux fins d'obtenir un titre exécutoire;
En l'espèce, la Société SICPRO ne justifie Pas avoir introduit une telle action, alors que les saisies ayant été pratiquées depuis les 3 et 4/11/2003 lesdites actions devaient être introduites au plus tard les 5 et 6/ 12/2003;
Il convient dès lors de dire que conformément aux dispositions de l'art. 61 de l'Acte Uniforme les saisies pratiquées sont Caduques;
Il y a donc lieu d'ordonner la mainlevée des dites saisies, en confirmant, avec substitution de motif la décision du premier juge sur ce point;
Sur les astreintes
Le premier juge a ordonné la mainlevée de la saisie pratiquée sous astreinte de 5.00O.000 F par jour de retard;
Cependant, en dehors d'une résistance illégitime constatée du saisissant, la décision de mainlevée se Suffit à elle-même et n'a pas besoin d'être assortie d’une contrainte particulière;
Il convient dès lors d'infirmer l’ordonnance entreprise pour avoir assorti la décision de mainlevée d'astreinte, et, la Cour, statuant à nouveau dira que cette condamnation au paiement d'astreinte ne se justifie pas et la rejettera comme telle;
L'appelante qui succombe partiellement doit être dépens en application des dispositions de l'article 149 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort;
EN LA FORME
Déclare recevable l'appel de la Société SICPRO relevé de l'ordonnance de référé n° 5008 rendue le 19/11/2003 par la juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan Plateau;
AU FOND
L'y dit partiellement fondée;
Infirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a assortie de décision de mainlevée d’astreinte comminatoire;
Statuant à nouveau;
Dit n’y avoir lieu à astreinte;
Confirme l’ordonnance pour le surplus ce, par substitution de motifs;
Condamne l’appelante aux dépens;