J-04-497
DROIT COMMERCIAL GENERAL – NATURE COMMERCIALE DU BAIL – EXPULSION DU LOCATAIRE PAR LE JUGE DES REFERES (NON).
Le contrat de bail qui porte sur l’exploitation d’un maquis, c’est à dire d’un restaurant-bar est un bail commercial.
Le locataire ne peut être expulsé de ce local par le juge des référés, un tel pouvoir revenant au juge du fond.
(Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n° 373 du 2 février 2004, ASSEU YAO Marie-Louise c/ ADAMA NACO Odette).
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Ensemble l'exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
DES FAITS, PROCEDURE DES PARTIES
Suivant acte d'huissier daté du 27 Novembre 2003, comportant ajournement au 9 Décembre 2003, Mademoiselle ASSEU YAO MARIE-LOUISE a relevé appel de l'ordonnance de référé N°4533 rendue le 24 Octobre 2003 par la Juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan qui, en la cause, a statué ainsi qu'il suit :
Il Statuant publiquement et par décision contradictoire, en matière de référé expulsion et en premier ressort :
Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront, mais à présent, vu l'urgence et par 'provision;
Ordonnons l'expulsion du "maquis la relève" des lieux qu'il occupe tant de sa personne, de ses biens que de tous occupants de son chef pour non paiement de loyer;
Disons que faute par lui de le faire volontairement, il y sera contraint par tous les moyens de droit;
Il ressort des énonciations de l'ordonnance querellé que suivant exploit en date du 17 Juillet 2003, Mademoiselle ADAMA NACO Odette a fait servir assignation à Mademoiselle ASSEU YAO Marie-Louise à l'effet d'avoir à comparaître par devant la juridiction présidentielle du tribunal de première Instance d'Abidjan pour voir ordonner son expulsion des lieux qu'elle occupe, tant de sa personne, de ses biens que de tous occupants de son chef;
Pour ordonner l'expulsion de Mlle ASSEU YAO Marie-Louise, le premier juge a estimé qu'il est constant que la défenderesse, Mile Asseu Yao Marie-Louise restait redevable de dix-neuf mois de loyers échus et impayés pour le compte du maquis "La relève" soit la somme de trois millions cent cinquante mille francs(3.150.000)F;
Au soutien de son appel, Mlle ASSEU YAO Marie-Louise expose que ADAMA MONACO Odette, locataire d'un local appartenant à Monsieur Dirabou Roger, lui avait sous-loué ledit local pour l'exploitation du Maquis "La relève"; que le contrat stipulait que la sous-location était interdite;
Que par là suite, le véritable propriétaire a résilié le contrat intervenu entre lui et Dame ADAMA MONACO Odette, pour en conclure un autre avec le Maquis" La Relève et qu'à partir de cet instant ledit Maquis a régulièrement payé ses loyers entre les mains du propriétaires;
Qu'en conséquence le Maquis "La relève" ne se reconnaît pas débiteur de Dame ADAMA ONACO Odette;
L'appelante fait valoir qu’un litige entre le propriétaire et son ex-locataire ne devrait pas relever de la compétence du juge des référés, lequel devrait se déclarer incompétent;
A la suite de son acte d'appel, Mlle Asseu Yao Marie-Louise par conclusions en date du 16 Décembre 2003 soulève la forclusion de l'intimée et explique que c'est par exploit en date du 26 Novembre 2003 qu'elle a relevé appel de l’ordonnance querellée;
Que cet acte d'appel a été régulièrement servi à l'intimée le même jour à savoir le 26 Novembre 2003;
L'appelante explique qu'aux termes de l'article 226 alinéa 3 du code de procédure civile, dans le délai de huit (8) jours au plus, à compter de la signification de l'appel, les parties doivent, à peine de forclusion, faire parvenir au greffe de la Cour d'Appel :
1°/Les conclusions et pièces dont elles entendent se servir en cause d'appel
2°/ Une déclaration faisant connaître, si elles entendent présenter ou faire présenter devant la Cour des explications orales";
L'appelante fait observer que ce délai de huit (8) jours expirait le 5 Décembre 2003;
Mais qu'à cette date l'intimée n'avait pas déposé ses conclusions et pièces au Greffe de la Cour;
Elle en conclut que l'intimée est frappée de forclusion et que la Cour ne recevra nullement les conclusions et pièces que l'intimée pourra bien déposer à l'audience du 23 Décembre 2003 et ce pour Cause de forclusion;
En réplique Mlle ADAMA NONACO Odette expose que suite à un contrat de bail intervenu entre elle et Monsieur DIRABOU ROGER, ce dernier lui a loué un local et trois (3 ) paillotes situés à la Riviera-Bonoumin pour une durée de trois(3) ans, du 1er Décembre 2000 au 1er Janvier 2004;
Qu'après quelques mois d'exploitation telle a sous loué les locaux à l’appelante, après accord verbal du propriétaire qui, du reste a été associé aux discussions;
Qu'après avoir pris possession des locaux, Mlle Asseu Yao Marie-Louise s’est refusée à payer ses loyers et ce malgré maintes relances à elle adressées;
Que c'est pourquoi elle a été en justice pour obtenir l'expulsion de l'appelante;
Ces faits rappelés, l'intimée conclut au rejet de l’exception d'irrecevabilité de ses conclusions et pièces soulevées par l'appelante et explique que cette exception a été soulevée après que l'appelante ait développé ses moyens de fond dans son acte d'appel et que par voie de conséquence ce moyen est irrecevable;
L'intimée explique en outre que l'appelante s'est abstenue de déposer ses pièces au greffe comme l'exige l'article 228 nouveau du code de procédure civil et de sorte que l’intimée n’a pas été en mesure de les discuter
Ainsi, selon l'intimé il ressort de ce qui précède que dame Asseu ne peut chercher à tirer profit d’un texte qu'elle n'a pas elle-même respecté et que ce moyen est inopérant;
Sur le fond, l'intimée affirme que le contrat intervenu entre les parties continue à produire des effets puisqu'aussi bien dame Asseu Marie-Louise ne produit aucune décision de résiliation du premier contrat entre Dame ADAMA MONACO Odette et Monsieur DIRABOU;
Elle en dédUit que la première décision ne peut être que confirmée;
A l'audience du 3 Février 2004, la Cour a rabattu son délibéré et renvoyé la cause au 17 Février 2004 pour inviter les parties, en application de l'article 52 du code de procédure civile à faire des observations sur l'incompétence du juge des référés que la Cour entendait soulever et prononcer d'office en raison de la nature commerciale du bail en cause;
Advenue cette date aucune des parties n'a formulé d'observation et l'affaire a été mise à nouveau en délibéré au 2 mars 2004;
DES MOTIFS
En la forme :
L'appel de mademoiselle ASSEU YAO Marie-Louise a été relevé conformément aux dispositions légales
Il convient donc de le déclarer recevable;
AU FOND
Il est constant comme résultant des productions des parties que le contrat de bail établi le 18 Juillet 2001 entre .ADAMA MONACO Odette et ASSEU YAO Marie-Louise porte sur l'exploitation d'un maquis, c’est-à-dire un restaurant-bar;
L'activité poursuivie par ledit maquis entre dans le champ d'application de l'article 71 de l'Acte Uniforme relatif au droit commercial général qui définit le bail commercial;
Or, il résulte de l'analyse de l'article 101 dudit Acte Uniforme que la résiliation d'un tel bail et par voie de conséquence, l'expulsion du locataire défaillant ne peuvent être prononcés que par le juge du fond;
Il convient dès lors de dire que le juge des référés est incompétent pour ordonner l'expulsion de Mlle ASSEU YAO Marie-Louise des lieux loués et d'infirmer sa décision;
L'appelante qui succombe doit être condamnée aux dépens en application de l'article 149 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé et en dernier ressort;
Déclare recevable l’appel de ASSEU YAO Marie-Louise relevé de l'ordonnance n°4533 rendue le 24 Octobre 2003 par la juridiction présidentielle du tribunal de première Instance d'Abidjan;
Infirme ladite ordonnance;
Statuant à nouveau;
Déclare le Juge des référés incompétent;
Renvoie les parties devant le Juge du fond compétent;
Condamne l’appelante aux dépens.