J-04-503
VOIES D’EXECUTION – SAISIE CONSERVATOIRE FONDEE SUR UNE ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER FRAPPEE D’OPPOSITION – IRREGULARITE DE LA SAISIE.
L’ordonnance d’injonction de payer frappée d’opposition, bien que revêtue de la formule exécutoire n’est pas un titre exécutoire.
Partant la saisie conservatoire pratiquée sur la base d’une telle ordonnance est irrégulière et mainlevée doit en être donnée.
(Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n° 2 du 6 janvier 2004, SODIREP c/ Compagnie Africaine de loisirs et Hamed Bakayoko).
LA COUR
EXPOSE DU LITIGE
Par exploit en date du 01 Octobre 2003 t comportant ajournement au 14 octobre 2003, la Société SODIREP a relevé appel de l'ordonnance N°4127/2003 rendue le 24 Septembre 2003, par la Juridiction des référés du Tribunal de Première Instance d'Abidjan qui a statué ainsi qu'il suit :
"...Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviserons, mais dès, présent, l'urgence et par provision;
– Recevons la Compagnie Africaine de Loisirs et HAMED BAKAYOKO en leur action;
– Les y disons bien fondés;
– Ordonnons la main levée de la saisie pratiquée à leur encontre, sous astreinte comminatoire de la somme de 300.000 F CFA par jour de retard;
– Condamnons la défenderesse aux dépens ";
Des énonciations de l'ordonnance querellée, il ressort que par exploit en date du 16 Septembre 2003, la Compagnie Africaine des Loisirs et Hamed Bakayoko, ont saisie le Juge des référés du Tribunal de Première Instance d'Abidjan, à l'effet de :
Voir ordonner la main levée de la saisie pratiquée à leur encontre, sous astreinte de 300.000 F CFA pour jours de retard;
Au soutien de leur action devant le Premier Juge, les demandeurs ont exposé que le 24 Juillet 2003, le SODIREP a fait pratiquer une saisie - attribution de créances sur leurs comptes bancaires, pour avoir paiement de la somme principale de 2.986.612 F CFA;
Selon eux, ladite saisie a été entreprise en exécution d'une ordonnance d'injonction de payer rendue le 05 Décembre 2002, ayant condamné HAMED BAKAYOKO et la Société CAL, regroupant en son sein, diverses activités dont la discothèque PIEDRA et le restaurant 37,2 à payer la somme sus-visée;
Toutefois, ont-ils poursuivi, le 18 Août 2003, ils ont formé opposition à ladite ordonnance, et obtenu par une décision de référé rendue le 21 août 2003, décidant de la main,levée de la saisie du 24 Juillet 2003, jusqu'à ce qu'il soit statué sur les mérites du recours qu'ils ont initié;
Pour les demandeurs, en dépit de la décision de main levée dont ils ont bénéficiée, la SODIREP a, à nouveau, fait pratiquer une autre saisie-attribution de créances à leur détriment;
Encore une fois, ils ont obtenu en référé une deuxième main levée le 05 Septembre 2003 sous astreinte de 100.000 F CFA;
Néanmoins, après exécution de cette décision, la SODIREP a encore fait pratiquer une troisième saisie sur leurs comptes bancaires;
De fait, ont soutenu les demandeurs, cette énième saisie constituait ni plus ni moins, qu'une voie de fait qu'il y avait lieu de faire cesser;
Les moyens de défense à la SODIREP n'ont pas été exposés devant le premier Juge
Pour statuer dans le sens plus haut indiqué, le Premier Juge a estimé que dès décisions de référé ayant ordonné le sursis à exécution de l'ordonnance dont la SODIREP poursuit l’exécution, il appartenait à celle-ci de relever appel même si elle considérait que ce fut à tort que lesdites décisions avaient été rendues;
E;n cause d'appel, la SODIREP fait grief au Premier Juge, d'avoir statué de la, sorte, notamment lorsqu'il lui est reproché de n'avoir pas exercé les voies de recours contre les décisions des Juges des référés, et commis une voie de fait au travers des saisies qu'elle a pratiquées sur les comptes bancaires des intimés;
De fait soutient l'appelante, dès lors qu'aucune des décisions de référé dont se prévalent les intimés ne lui a été signifiée jusqu'à ce jour, elle est en droit de les ignorer;
En effet, selon elle, bien que let; décisions de référé, soient exécutoires par provision, celles-ci ne sont opposables aux parties concernées, conformément à l'article 324 du code de procédure civile – l’ODADA n’ayant pas réglementé en la matière - qu'à compter de leurs signification;
Au reste, poursuit la SODIREP, les deux premières saisies auxquelles elle à fait procéder, ont été levée amiablement à son initiative, alors qu'elle était en droit de les ignorer, en raison de l’absence de toute signification des décisions des Juges des référés favorables aux intimés;
Relativement à la prétendue mauvaise foi que le Premier Juge lui a imputée, l'appelante entend indiquer que contrairement à la perception qu'a eue celui-ci, les ordonnances de référés tranchant une contestation relative à une saisie - attribution de créances, ne sont pas exécutoires pendant le délai de 15 jours imparti, pour relever appel;
L'article 172 de l'acte uniforme sur les voies d'exécution réglementant la matière, n'a, selon elle, prévu qu'une seule exception en l'occurrence, lorsque le Juge par une décision spécialement motivée autorise l'exécution provisoire;
Partant, selon 'la SODIREP, cette règle de droit ajouté au fait qu'aucune des décisions de référés ne lui a été signifiée, la conforte à l'idée qu'ayant à deux reprises amiablement levé les; saisies qu'elle avait pratiquées, elle était en droit de faire procéder à une nouvelle saisie;
En tout état de cause, estime-t-elle, la saisie objet du présent litige, est une saisie conservatoire qu'elle a fait pratiquer et, dont la main levée n'aurait pas dû être ordonnée par le Premier Juge, dans la mesure où elle dispose d'un titre exécutoire;
Ledit titre même frappé d'un recours, n'en constituait pas .moins une créance fondée en son principe, de sorte que le Premier Juge a violé dans sa décision l'article 62 de l'acte uniforme sur les voies d'exécution;
Par ailleurs, l'appe1ante fait valoir que l'ordonnance querellée mérite d'être infirmée, pour avoir omis de statuer sur la demande de mise sous séquestre des sommes saisies, qu'elle a formulée en première Instance;
Aussi, sollicite-t-elle l'infirmation pure et simple de l'ordonnance attaquée, en ce qu'elle a ordonné à tort, la main levée de la saisie conservatoire de créances qu'elle a fait pratiquée, le 09 Septembre 2003;
En réponse, la Société CAL et HAMED BAKAYOKO pour leur part, concluent à la confirmation de l'ordonnance querellée;
Selon eux, ce n'est pas à bon droit que l'appelante a prétendu avoir levé amiablement les différentes saisies qu'elle a fait pratiquées, en sorte que les décisions de référé ordonnant leur main levée étaient sans objet;
En effet, soutiennent-ils, dès lors que le Juge des référés a ordonné la main levée des saisies pratiquées par la SODIREP, celle-ci était tenue d'appliquer les décisions rendues à cet effet;
En ne le faisant. pas, et procédant à une nouvelle saisie, même conservatoire, les intimés considèrent que la société SODIREP, a fait entravé entrave à l’exécution des décisions de Justice
Dès lors, selon eux, c'est donc bon droit que le Premier Juge a rendu la décision querellée, de sorte que celle-ci mérite d'être confirmée;
Relativement à 1a prétendu omission de statuer, les intimés font valoir que ce moyen ne saurait valablement prospérer, d'autant que le Juge des référés ne pouvait ordonner les mains levées des saisies pratiquées, comme il le fît, et dans le même temps, mettre comptes concernés sous séquestre;
Ainsi, selon les; intimés, il n'y a pu avoir d'omission de statuer de la part du Premier Juge;
De faisant, il concluent au fait que c'est à bon droit que celui-ci a rendu la décision querellée;
SUR CE
Les intimés ayant conclu, il y a lieu de statuer contradictoirement;
EN LA FORME
L'appel interjeté par la SODIREP ayant respecté les forme et délai légaux, il y a lieu de le déclarer recevable;
AU FOND
Du bien fondé de la décision de main levée de la saisie conservatoire du 09 septembre 2003.
Il n'est pas contesté, que le titre en vertu duquel la SODIREP a pratiqué la Saisie conservatoire du 09 Septembre 2003 sur les comptes bancaires de la CAL et de HAMED BAKAYOKO, en l'occurrence, l'ordonnance d'injonction de payer N°1542/02 du 05 Décembre 2002, est frappé d'opposition;
A Ce titre, ladite ordonnance bien que revêtue de la formule exécutoire, ne constituera véritablement un titre exécutoire au sens de l'acte uniforme sur les voies d'exécution que lorsqu'il sera définitivement statué sur les mérites du recours exercé;
Ainsi, ne disposant pas d'un titre exécutoire, ce n'est pas à bon droit que la SODIREP a fait pratiquer une saisie conservatoire, sans avoir préalablement été autorisée par une ordonnance Présidentielle de la juridiction compétente, alors qu'elle n'a justifié être dans l'une des hypothèses de l'article 55 alinéa 2 de l'acte uniforme sur les voies d'exécution;
Partant, pour irrégulière qu'elle a été, la saisie conservatoire du 09 Septembre 2003, mérite d'être levée;
En cela, la décision du Premier Juge doit être confirmée sur ce point;
Du bien fonde de la mesure d'astreinte prononcée par le premier juge
Il est constant, comme résultant de l’absence d'exploit de signification des décision de main levée des saisies attribution de créances dont ils ont bénéficiées, que le CAL et HAMED BAKAYOKO n'ont entrepris aucun début d'exécution de celles-ci;
Il suit de là, que la mauvaise foi que la CAL et HAMED BAKAYOKO entendent opposer à la SODIREP, en raison des saisies attribution qu'elle a successivement pratiquées, n'est pas suffisamment caractérisée, alors surtout qu'il n'a pas été contesté, que cette dernière a amiablement entrepris de les lever;
Au demeurant, la saisie objet du présent litige, est une saisie conservatoire, qui n'obéit pas au même régime juridique que les saisies attribution;
Dès lors, le fait la SODIREP d'avoir fait pratiquer une saisie conservatoire après une succession de saisies attribution, ne saurait valablement justifier une mesure d'astreinte, à l’égard de celle-ci, suite à la décision de main levée intervenue;
Il s'ensuit, que ce n'est donc pas à bon droit, que le Premier Juge a assorti sa décision de main levée d'une astreinte;
Partant, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance querellée sur ce point;
En statuant à nouveau, il convient de dire n'y avoir lieu à astreinte;
De l’omission de statuer du Premier Juge.
L’appréciation d'une omission de statuer dans une décision de justice, ne peut être faite qu'au regard de l'exposé des motifs qui lui sert de fondement;
Au vu des motifs qui ont été exposés dans le décision querellée, nulle part, il n'apparaît que la SODIREP a formulé une demande aux fins de mise sous séquestre des sommes qu'elle a fait saisir;
Il en résulte, que la demande de la SODIREP tendant à voir infirmer de ce chef l'ordonnance attaquée, et sans fondement;
Il y a donc lieu de la rejeter comme tel;
L'appelante ayant succombée, il lui faut supporter les dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, conventionnement, en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME
Reçoit la SODIREP en son appel relevé de l'ordonnance N°4127 renoue le 24 Septembre 2003, par la juridiction des référés du Tribunal de Premier Instance d’Abidjan;
AU FOND
L'y dit partiellement fondée;
Infirme l'ordonnance querellée en ce qu'elle a assorti la décision de main levée de la saisie conservatoire pratiquée le 09 septembre 2003, d’une astreinte;
Statuant à nouveau;
Dit n’y avoir lieu à astreinte;
Confirme pour le surplus;
Met les dépens à la charge de l’appelante.