J-04-52
DROIT DES ASSURANCES CIMA – ASSURANCE DES VEHICULES TERRESTRES A MOTEUR – ACTION EN RESPONSABILITE CIVILE EXTRA-CONTRACTUELLE – FAUTE DES CONDUCTEURS (OUI) – ARTICLE 1384 CODE CIVIL BURKINABE – RESPONSABILITE DELICTUELLE – PARTAGE DE RESPONSABILITE POUR MOITIE – ARTICLE 227, 264 à 266 DU CODE CIMA – LIMITATION DE L'INDEMNISATION DES AYANTS DROITS – PENALITES DE RETARD (NON).
Aux termes de l'article 1384 du code civil « on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. » Au regard de ce qui précède, il y a donc lieu d'opérer un partage de responsabilité pour moitié à la charge de chaque partie.
Par ailleurs, la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages corporels ou matériels qu'il a subis. Cette limitation ou cette exclusion est opposable aux ayants droit du conducteur et aux personnes lésées par ricochet (article 227 alinéa 1 du code CIMA).
Article 1384 CODE CIVIL BURKINABE
Article 227 CODE CIMA
Article 264 CODE CIMA
Article 265 CODE CIMA
Article 266 CODE CIMA
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO) Jugement n° 037 du 05 février 2003, Ayants droit de SANKARA P. Malicki c/ DAMIBA Dieudonné, Société minière Boliden International & Société Nationale d'Assurance et de Réassurance (SONAR)).
LE TRIBUNAL,
Vu les pièces du dossier;
Ouï à l'audience du 22 août 2001 date à laquelle l'affaire a été renvoyée à la mise en état; reprogrammée le 30 janvier 2002, renvoyée au 20 février 2002, date à laquelle elle a été mise en délibéré pour le 03 avril 2002 puis prorogée le 24 avril 2002 au 22 mai 2002 rabattue et renvoyée au 12/06/2002, renvoyée au 28 août 2002 pour nouvelle composition, renvoyée au 09/10/2002 date à laquelle elle a été mise en délibéré au 27/11/2002 prorogée au 04/12/2002, au 18/12/2002 au 27/12/2002 au 29/01/2003 et enfin au 05/02/2003;
Ouï les parties en leurs explications, fins, moyens et conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
LE TRIBUNAL,
Par acte d'huissier en date du 06 août 2001 les ayants droit de SANKARA Malicki pour lesquels domicile est élu en l'Etude de Maître Keita Mamadou, Avocat à la Cour 01 BP 6872 Ouagadougou 01 assignaient DAMIBA Dieudonné, la société minière Boliden International et la Société Nationale d'Assurance et de Réassurance (SONAR) à comparaître devant le Tribunal de grande instance de Ouagadougou siégeant en matière civile, pour voir déclarer leur action recevable et bien fondée, par conséquent déclarer la Société Minière Boliden International civilement responsable, et la condamner à payer aux requérants les dommages intérêts sur le fondement des articles 264, 265 et 267 du code CIMA;
Dire que la SONAR est tenue de garantir les condamnations pécuniaires à venir et assortir la décision à intervenir de l'exécution provisoire;
A l'appui de leur demande, les ayants droit de SANKARA P. Malicki, par l'entremise de leur conseil, exposent que le 04 février 1998, le véhicule de marque NISSAN genre camionnette bâchée immatriculé 11 K 4753 BF appartenant à la Société de recherche minière Boliden International et conduit par le sieur DAMIBA Dieudonné heurtait mortellement le cycliste SANKARA P. Malicki cultivateur à Patiri;
Que suite au procès-verbal n° 14 du 4 février 1998, des poursuites étaient engagées contre DAMIBA Dieudonné pour défaut de maîtrise et homicide involontaire;
Que le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Koudougou le 28 octobre 1999 déclarait le prévenu coupable et le condamnait à la peine d'emprisonnement de trois (03) mois avec sursis pour le délit, à trois mille six cent (3.600) francs d'amende pour la contravention, renvoyait les parties civiles à la transaction préalable et condamnait DAMIBA Dieudonné aux dépens;
Qu'au regard des exigences des articles 231 et 239 alinéa 2 du code CIMA, les ayants droit transmettaient l'ensemble des documents nécessaires à la SONAR pour le règlement transactionnel, lequel n'a pas abouti du fait que la SONAR a d'une part opéré un partage arbitraire de responsabilité à raison d'un tiers (1/3) pour son client et deux tiers (2/3) à la charge de la victime;
D'autre part, en omettant de prendre en compte des postes de préjudice le tout sur la base de calcul erroné (non prise en compte de l'indemnité des veuves, réduction du taux du SMIG annuel);
Que cette attitude de la SONAR a poussé les ayants droit à saisir le Tribunal;
Qu'il plaira au tribunal de déclarer le chauffeur entièrement responsable de l'accident car en l'espèce tout partage de responsabilité est inopérant au regard de l'article 288 du code CIMA (1);
Qu'au regard des dispositions des articles 223, 264, 265 et 266 du code CIMA, il y a lieu de condamner DAMIBA Dieudonné et son civilement responsable la Société minière Boliden International à payer aux ayants droit la somme de sept million huit cent quarante huit mille cent soixante huit (7.848.168) francs CFA décomposée comme suit :
Frais Funéraires 345.348 F.CFA
Frais médicaux 2.000 F.CFA
Préjudice économique 4.824.373 F.CFA
Préjudice moral des ayants droit 2.676.447 F.CFA
Qu'en outre les requérants sollicitent la condamnation de DAMIBA Dieudonné et son civilement responsable à leur payer des intérêts de droit de 25,5% à compter du 1er janvier 1999 soit la somme de un million neuf cent soixante deux mille quarante cinq (1.962.045) francs CFA ce, en vertu de l'article 233 du code CIMA;
Qu'enfin, au moment de l'accident, le véhicule en cause était couvert par une police d'assurance SONAR n° 159292 valable du 18 juin 1997 au 17 juin 1998;
Qu'il y a lieu d'appeler la SONAR en garantie des condamnations pécuniaires à venir et d'assortir la décision à venir de l'exécution provisoire;
En réplique, DAMIBA Dieudonné, la société minière Boliden International et la SONAR pour lesquels domicile est élu en l'Etude de Maître KERE Barthélemy, Avocat à la Cour soutiennent que le désaccord entre les parties ayant abouti à la présente instance porte sur la prise en compte du nouveau SMIG et sur le partage de responsabilité.
Sur la question du SMIG applicable, les défendeurs expliquent que celui en vigueur au moment de l'accident était de 26.192 F.CFA;
Que le SMIG en vigueur de nos jours et dont les ayants droit réclament le bénéfice résulte du décret n° 99/01/PRES/PM/MEF/METSS du 06 avril 1999 fixant les salaires minima inter- professionnel garantis;
Que l'accident survenu le 04 février 1998 étant antérieur au taux de SMIG actuellement en vigueur, il y a lieu de débouter les demandeurs de leurs prétentions;
Que par ailleurs, l'accident est dû essentiellement à l'imprudence de la victime;
Qu'en effet, il résulte expressément du procès-verbal d'enquête préliminaire que celle-ci, alors qu'elle circulait sur une piste rurale a débouché brusquement sur la voie bitumée qu'elle a tenté de traverser sans s'assurer au préalable qu'elle pouvait le faire sans danger pour elle-même et pour les autres usagers;
Que c'est à bon droit que la SONAR a fait application des dispositions de l'article 227 alinéa 1 du code CIMA qui dispose que « la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages corporels ou matériels qu'il a subis. Cette limitation ou cette exclusion est opposable aux ayants droit du conducteur et aux personnes lésées par ricochet »;
Qu'au regard de la disposition susvisée, il plaira au tribunal d'opérer un partage de responsabilité à raison d'un tiers (1/3) pour son assuré et deux tiers (2/3) à la charge de la victime, eu égard à sa part prépondérante dans la survenance de l'accident;
Que l'alinéa 1er de l'article 228 du code CIMA exclut formellement les conducteurs de véhicule terrestre à moteur de son champ d'application en précisant que « les victimes hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception du cas où elles ont volontairement recherché les dommages subis »;
Que les ayants droit ne peuvent donc se fonder sur cette disposition pour récuser un partage de responsabilité;
Qu'enfin les dispositions de l'alinéa 1er de l'article 227 du code CIMA ont été modifiées par décision du Conseil de la CIMA en date du 24 avril 1999, de manière à rendre la limitation ou l'exclusion d'indemnisation opposable aux ayants droit de la victime conducteur d'un véhicule terrestre à moteur qui a commis une faute;
Qu'il plaira au tribunal de juger que c'est à bon droit que la SONAR a évalué l'indemnisation des ayants droit sur la base du SMIG en vigueur au moment de l'accident soit la somme de 26.192 F d'une part, qu'elle a opéré un partage de responsabilité à raison de un tiers (1/3) pour son assuré et deux tiers (2/3) à la charge de la victime par application de l'article 227 du code CIMA et fixé en conséquence le montant de l'indemnisation des ayants droit à la somme de un million quarante un mille sept cent virgule trente et deux (1.041.700,32) francs CFA d'autre part.
DISCUSSION
EN LA FORME
Attendu que les ayants droit de SANKARA P. Malicki ont introduit leur action dans les formes et délai requis par la loi;
Qu'il convient de les déclarer recevables en leur action;
AU FOND
1. Sur la responsabilité
Attendu que les requérants invoquent la responsabilité exclusive de DAMIBA Dieudonné sur le fondement de l'article 228 du code CIMA pour demander sa condamnation solidairement avec son civilement responsable à les indemniser.
Attendu que s'il est vrai que DAMIBA Dieudonné conducteur du véhicule dommageable a été déclaré coupable de défaut de maîtrise et d'homicide involontaire par le tribunal correctionnel de Koudougou en son audience du 28 octobre 1998, il n'en demeure pas moins que la victime SANKARA P. Malicki a, aux termes du procès-verbal de constat d'accident n° 014 du 04 février 1998, commis également une faute en traversant la chaussée sans s'assurer qu'il pouvait le faire sans danger.
Qu'il en résulte que les conducteurs respectifs des véhicules terrestres à moteur impliqués dans l'accident du 04 février 1998 ont commis des fautes sans qu'il soit nécessaire de rechercher celle qui a été la plus déterminante.
Attendu qu'aux termes de l'article 1384 du code civil « on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde »;
Qu'au regard de ce qui précède il y a lieu d'opérer un partage de responsabilité pour moitié à la charge de chaque partie.
2. De l'indemnisation des ayants droit de SANKARA P. Malicki
Attendu que les ayants droit de SANKARA P. Malicki sollicitent la somme de sept million huit cent quarante huit mille cent soixante huit virgule quatre cent vingt et un (7.848.168,421) francs CFA en principal outre celle de un million neuf cent soixante et deux mille zéro quarante cinq (1.962.045) francs CFA au titre des intérêts de droit;
Attendu qu'il résulte des pièces du dossier que SANKARA P. Malicki avait deux (2) épouses et cinq (5) enfants et un (1) ascendant;
Attendu qu'il ressort des dispositions des articles 264 à 266 du code CIMA que l'indemnisation des préjudices subis par les ayants droit se décomposent strictement en frais funéraires, préjudice économique et moral pour l'épouse et les enfants, en préjudice moral pour les ascendants et collatéraux;
Qu'au regard de ces dispositions il convient d'allouer :
– au titre des frais funéraires : la somme de trois cent quarante cinq mille trois cent quarante huit (345.348) francs CFA;
– au titre du préjudice économique la somme de quatre millions huit cent sept mille cent cinq virgule sept (4.807.105,7) francs CFA décomposée comme suit :
* Préjudice économique des conjointes (02)
DEM Gombila Asséta (29 ans) 1.719.159,611 F.CFA
SAWADOGO Kadiatou (18 ans) 1.779.353,768 F.CFA
* Préjudice économique des enfants mineurs (05)
SANKARA Mariam (10 ans) 212.071,300 F.CFA
SANKARA Amata (08 ans) 237.157,379 F.CFA
SANKARA Daouda (05 ans) 269.233,301 F.CFA
SANKARA Madi (03 ans) 287.357,164 F.CFA
SANKARA Haguerata (01 ans) 302.773,499 F.CFA
Au titre du préjudice moral la somme de deux millions six cent soixante seize mille quatre cent quarante sept (2.676.447) francs CFA décomposée comme suit :
conjointes survivantes (2) 1.036.044 F.CFA
enfants mineurs (5) 1.295.055 F.CFA
ascendants (Daouda Missa) 172.674 F.CFA
frère et sœur (2) 172.674 F.CFA
Que l'ensemble de ces chefs de préjudices ainsi évalués s'élève à la somme totale de sept millions huit cent quarante huit mille cent soixante huit virgule quatre cent vingt un (7.848.168,421) francs CFA;
Mais attendu qu'au sens de l'article 227 du code CIMA « la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages corporels ou matériels qu'il a subis. Cette limitation ou cette exclusion est opposable aux ayants droit du conducteur et aux personnes lésées par ricochet ».
Qu'en l'espèce il a été opéré un partage de responsabilité pour moitié à la charge de chaque partie;
Que de ce fait la faute commise par SANKARA P. Malicki aura pour conséquence de réduire l'indemnisation à laquelle auraient pu prétendre ses ayants droits de moitié;
Qu'il échet d'allouer aux ayants droit de SANKARA P. Malicki la somme de trois million neuf cent vingt quatre mille zéro quatre vingt cinq (3.924.085)francs CFA et ce au titre de l'indemnisation des chefs de préjudices sus spécifiés;
Attendu en outre que les requérants sollicitent la somme de un million neuf cent soixante deux mille quarante cinq (1.962.045) francs CFA au titre des intérêts de droit en vertu de l'article 233 du code CIMA;
Mais attendu qu'ils n'apportent pas la preuve que l'offre d'indemnisation de la SONAR a été faite hors le délai imparti par l'article 231 du code CIMA;
Qu'il convient donc de les débouter sur ce chef de demande.
3. De la garantie de la compagnie d'assurance SONAR
Attendu qu'au moment de l'accident, le véhicule camionnette de marque NISSAN immatriculé 11 K 4753 BF en cause était régulièrement assuré à la SONAR sous le numéro de police 159292 couvrant la période allant du 18 juin 1997 au 17 juin 1998;
Qu'il convient donc d'appeler la SONAR en garantie des condamnations pécuniaires prononcées.
4. De l'exécution provisoire
Attendu que les ayants droit de SANKARA P. Malicki sollicitent l'exécution provisoire de la décision à venir;
Attendu que cette demande est compatible avec la mesure sollicitée;
Qu'il convient y faire droit.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en premier ressort,
EN LA FORME
Déclare les ayants droit de SANKARA P. Malicki recevables en leur action.
AU FOND
Opère un partage de responsabilité pour moitié pour chacune des parties;
En conséquence condamne DAMIBA Dieudonné et la société minière Boliden International à payer aux ayants droit de SANKARA P. Malicki la somme de trois millions neuf cent vingt quatre mille quatre vingt cinq (3.924.085) francs CFA à titre de dommages et intérêts;
Dit que la SONAR est tenue de garantir le paiement de la condamnation;
Ordonne l'exécution provisoire;
Déboute les ayants droit de SANKARA P. Malicki du surplus de leur demande;
Condamne les défendeurs aux dépens.
(1) Nous pensons qu'il s'agit de l'article 228 du code CIMA. L'article 288 n'existant pas encore dans ledit code.