J-04-63
arbitrage – SOCIETES COMMERCIALES – CLAUSE COMPROMISSOIRE.
SIGNEE PAR LE DIRECTEUR GENERAL SANS MANDAT SPECIAL – VALIDITE (Oui).
JUGEMENT – ERREUR MATERIELLE – RECTIFICATION SUR REQUETE.
Le Directeur Général d’une société anonyme, même non muni d’un mandat spécial, peut valablement compromettre, dès lors que le contrat signé n’a pas été dénoncé pour représentation irrégulière.
Article 1134 CODE CIVIL
Article 1144 CODE CIVIL
(Cour Suprême de Côte d’Ivoire, Chambre Judiciaire, Arrêt N° 228/02 du 14 mars 2002, la société des conserves de Côte d’ivoire dite SCODI c/ SOGEF, Actualités juridiques N° 37/2003, p. 17).
LA COUR
Vu les mémoires produits;
Vu les conclusions écrites du Ministère Public en date du 19 décembre 2001;
SUR LA 1ère BRANCHE DU MOYEN UNIQUE DE CASSATION TIRÉ DE LA VIOLATION DE LA LOI, ERREUR DANS L’APPLICATION OU L’INTERPRETATION DE LA LOI, NOTAMMENT DE L’ARTICLE 1144 DU CODE CIVIL :
Attendu que selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Cour d'Appel d'Abidjan, 08 mai 1998) et les productions des parties, que par con­trat sous seing privé en date du 28 décembre 1988, la Société des Conserves de Côte d'Ivoire dite SCODI, a conclu avec la Société des Entrepôts Frigorifiques de Côte d'Ivoire dite SOGEF, un contrat de conservation de poissons en vrac, destinés à l'approvisionnement de son usine de conserves de thon; qu'ayant constaté au début de l'an­née 1993, des avaries inhabituelles après décongélation du poisson, et avisé de ce fait la SOGEF, par correspondance du 13 février 1993, la SCODI a obtenu, par ordonnance de référé en date du 10 mars 1993, la désignation de deux experts maritimes, dont les rapports attribuaient la détérioration du poisson au manque de froid dans les chambres fri­gorifiques de la SOGEF, la température, selon les experts, n'ayant jamais été inférieure à 18°c; que c'est ainsi que sur assignation de la SCODI, le Tribunal de Première Instance d'Abidjan, par jugement N° 352 du 07 juin 1995, a condamné la SOGEF à lui payer la somme de 49.065.164 F, représentant la valeur du poisson avarié, et 4.612.715 F à titre de remboursement des frais d'expertise, sous la garantie de son assureur l'Union Africaine; que sur appel de la SOGEF et de l'Union Africaine, la Cour d'Appel d'Abidjan, par l'arrêt précité, a infirmé ledit jugement, et déclaré incompétentes les juridictions étati­ques en raison de l'insertion d'une clause compromissoire dans la convention conclue le 28 décembre 1989 entre les parties;
Attendu qu'il lui est fait grief d'avoir, en statuant, ainsi, violé l'arti­cle 1144 du Code Civil, en ce que, pour justifier la validité de la clause compromissoire insérée dans la convention des parties, elle a consi­déré que « les Conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites », alors que, selon cette branche du moyen, dans cette hypothèse, seul l'article 1134 du même code est applicable;
Mais attendu que le visa par la Cour d'Appel de l'article 1144 du Code Civil en lieu et place de l'article 1134 du même Code, procède d'une simple erreur matérielle et non d'une violation délibérée de la loi, l'article 1134 ayant été cité textuellement; que dans cette hypothèse, et conformément aux dispositions de l'article 185 du Code de procédure Civile, Commerciale, et Administrative, de telles erreurs « doivent toujours être rectifiées, d'office ou sur requête par simple or­donnance du Président de la juridiction. . . »; que cette branche du moyen n'est pas fondée et doit donc être rejetée;
SUR LA 2ème BRANCHE DU MOYEN, TIREE DE LA VIOLATION DES ARTICLES 1ER ET 4 DE LA LOI N° 83-789 DU 02 AOUT 1983 RELATIVE AUX SOCIETES ANONY­MES :
Attendu qu'il est reproché à la Cour d'Appel d'avoir, en statuant comme elle l'a fait, violé les articles 1er et 4 de la loi N° 83-789 du 02 août 1983 relative aux sociétés anonymes, en ce que le Conseil d'Ad­ministration, qui détient seul le pouvoir d'administration, peut déléguer ce pouvoir au Directeur Général muni d'un mandat spécial pour compromettre, alors que, selon cette branche du moyen, le sieur NE­VEU, qui n'est pas Directeur Général de la Société SCODI, n'avait pas qualité pour compromettre et renoncer à soumettre l'interpréta­tion et l'application de la Convention du 28 décembre 1989 aux juri­dictions étatiques;
Mais attendu qu'à l'égard des tiers, notamment de la Société SOGEF, NEVEU était censé représenter valablement la Société SCODI, bien que non muni de mandat spécial, dès lors qu'à aucun moment, depuis la signature en 1989 du contrat conclu entre les deux sociétés, ces dispositions n'ont jamais été dénoncées, notamment pour représenta­tion irrégulière, d'une des parties; qu'ayant été ratifiée au moins im­plicitement, ladite convention ne peut aujourd'hui être remise en cause; que cette branche du moyen n'est pas fondée et doit être rejetée;
SUR LA 3ème BRANCHE DU MOYEN, TIREE DE LA VIOLATION DES ARTICLES 1 ET 4 DE LA LOI N° 93-671 DU 09 AVRIL 1993 RELATIVE A L'ARBITRAGE :
Attendu qu'il est aussi reproché à la Cour d'Appel d'avoir violé l'ar­ticle 1er de la loi susvisée, en ce que celle-ci stipule que la clause compromissoire ne peut être valablement stipulée qu'entre commer­çants, alors que, selon cette branche du moyen, le sieur NEVEU n'était pas commerçant;
Mais attendu que la clause compromissoire a nécessairement été con­clue entre deux sociétés commerciales, NEVEU ayant été habilité par son commettant, la société SCODI, à agir en son nom et pour son compte; que cette branche du moyen n'est également pas fondée;
SUR LA 4ème BRANCHE DU MOYEN, TIREE DE LA VIOLATION DES ARTICLES 1988, 1123 ET 1124 DU CODE CIVIL :
Attendu qu'il est enfin fait grief à la Cour d'Appel d'avoir, en sta­tuant comme elle l'a fait, violé les textes susvisés, en ce que NEVEU, qui n'était pas muni d'un mandat spécial aux termes de l'article 1988 du Code Civil, n'avait pas pouvoir de compromettre, de sorte que, selon le pourvoi, la clause compromissoire insérée dans le contrat est nulle;
Mais attendu que nul ne pouvant se prévaloir de sa propre turpitude, la SCODI, qui a régulièrement habilité le sieur NEVEU, son Directeur d'usine, à la représenter lors de la conclusion du contrat avec la SOGEF, et qui était donc investi d'un mandat apparent, ne peut, plusieurs an­nées après, remettre en cause certaines dispositions de ladite conven­tion, qu'elle a, au moins implicitement, ratifiée; que cette branche du moyen n'est pas davantage fondée et doit être rejetée;
PAR CES MOTIFS
– Rejette le pourvoi formé par la SCODI contre l’arrêt N° 696 en date du 08 mai 1998 de la Cour d’Appel d’Abidjan;
– Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.
– Président : BAMBA Lancine
– Conseillers : NGUESSAN Zekre Haddad
WOUNE Bleka
– Secrétaire : Me BASSY KOFFI Rose.