J-04-67
SURETES – CAUTIONNEMENT – NON INDICATION DU MONTANT DES SOMMES CAUTIONNEES – CAUTIONNEMENT INDEFINI – VIOLATION DE L'ARTICLE 1326 DU CODE CIVIL (Oui).
Le cautionnement qui ne précise pas le montant précis des sommes cautionnées et se contente d'indiquer que celui-ci est donné « à hauteur de tous les engagements visés par le présent acte » viole l'article 1326 du code civil et n'est donc pas régulier.
[Cour Suprême de Côte d’ivoire, Chambre Judiciaire, Arrêt N° 137/2001 du 15 mars 2001, SOCGIEX-CI et PREMOTO c/ BICICI, Actualités juridiques N° 40, p. 28].
LA COUR
Vu le mémoire produit;
Vu les conclusions écrites du Ministère Public du 16 février 2001;
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DE LA LOI OU ERREUR DANS L'APPLICATION OU L'INTERPRÉTATION DE LA LOI, NOTAMMENT LES ARTICLES 1326 ET 2015 DU CODE CIVIL
Attendu qu'aux termes de l'article 1326 susvisé : « L'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement, ainsi que la mention, écrite de sa main, de la somme ou de la qualité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte sous seing privé vaut pour la somme écrite en toutes lettres »; que, par ailleurs, aux termes de l'article 2015 du même code : « Le cautionnement ne se présume point; il doit être exprès, et on ne peut pas l'étendre au delà des limites dans lesquelles il a été contracté »;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Abidjan, 7 janvier 2000, Cour d'Appel, Chambre Civile et Commerciale, arrêt N° 06); qu'en janvier 1990, la Banque Internationale pour le Commerce et l'Industrie de la Côte d'Ivoire dite BICICI, s'appuyant sur le cautionnement solidaire qui lui a été donné par les sociétés SOGIEX-CI et PREMOTO pour toutes les obligations, quel qu'en soit le montant, déjà nées et à naître à la charge de la Société Ivoirienne d'Exportation dite SOCIVEX, à laquelle elle avait, ensemble avec la SGBCI et la BIAO-CI, consenti un crédit de 575.000.000 de francs et dans lequel sa participation personnelle était de 50.000.000 de francs, ce dernier montant ayant, par divers encours à court et moyen terme, atteint la somme globale de 307.075.718 francs, a assigné les Sociétés SOGIEX-CI et PREMOTO devant le Tribunal d'Abidjan, en paiement de cette dernière somme et en validation des oppositions faites par elle entre les mains des commissaires priseurs OUEGNIN Gisèle et Véronique WILLIAMS, concernant des ventes aux enchères d'objets saisis sur SOCIVEX; que cette juridiction, par jugement N° 44 du 25 juin 1998, l'a déboutée de ses demandes; que ce jugement a été infirmé par la Cour d'Appel, qui a validé les oppositions faites par la BICICI et condamné SOGIEX-CI et PREMOTO à payer à cette dernière la somme de 300.694.293 francs;
Attendu que les sociétés SOGIEX-CI et PREMOTO font grief à la Cour d'Appel d'avoir violé ou commis une erreur dans l'application ou l'interprétation des articles 1326 et 2015 du code civil, en ce que ladite Cour, pour juger valables les cautionnements dont il s'agit, a estimé qu'en l'espèce, Dumas RAULY, administrateur délégué des sociétés susdites, a bel et bien porté sur les actes de cautionnement du 7 décembre 1979, la mention « Bon pour caution solidaire à hauteur de tous engagements visés par les présents actes » et que, dès lors, l'administrateur, de par sa qualité, ses fonctions, sa connaissance, avait conscience de l'étendue de l'engagement, et qu'il n'était donc point besoin que le montant, dans ces circonstances, soit déterminé, et qu'en conséquence, il convient de déclarer que les dispositions des articles 1326 et 2015 du code civil n'ont point été violés, alors que, soutient le pourvoi, les actes de cautionnement concernés n'ont pas respecté les dispositions de l'article 1326 du code civil, la caution devant mentionner en toutes lettres le montant de la somme pour laquelle elle s'engage aux côtés du débiteur principal, la question n'étant pas de savoir si Dumas RAULY avait la qualité, la capacité et les connaissances requises pour engager les sociétés SOGIEX-CI et PREMOTO, mais de savoir si l'acte de cautionnement ne devait pas préciser, en toutes lettres, le montant de la somme d'argent pour laquelle les cautions s'engageaient;
Attendu qu'il est constant comme ressortant du dossier, qu'en date du 7 décembre 1979, les sociétés SOGIEX-CI et PREMOTO, représentées par leur administrateur délégué en la personne de Dumas RAULY, donnaient leur cautionnement solidaire au profit du consortium bancaire BIAO - BICICI – SGBCI, pour toutes les obligations, quel qu'en soit le montant, déjà nées ou à naître à la charge de la société SOCIVEX;
Mais attendu que les actes de cautionnement visés au dossier et signés par Dumas RAULY, bien que portant la mention « Bon pour caution solidaire à hauteur de tous engagements visés par le présent acte », n'ont pas respecté les dispositions des articles 1326 et 2015 du code civil; qu'en effet, en vertu de l'article 1326, il était impératif que la caution précisât dans les actes dont il s'agit, en lettres comme en chiffres, le montant de la somme pour laquelle SOGIEX-CI et PREMOTO s'engageaient, étant entendu que, aux termes de l'article 2015, non seulement le cautionnement ne se présume point, mais il doit être exprès et ne doit pas s'étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté; que la Cour d'Appel, en statuant comme elle l'a fait, sans tenir compte de ces dispositions légales, n'a pas donné une base légale à sa décision; d'où il suit que le moyen invoqué par les sociétés SOGIEX-CI et PREMOTO est fondé; qu'il échet en conséquence, de casser et d'annuler l'arrêt attaqué et d'évoquer;
Attendu qu'il est suffisamment établi, eu égard aux actes de cautionnement versés au dossier, que les dispositions des articles 1326 et 2015 du code civil n'ont pas été respectées dans l'élaboration desdits actes; qu'il échet en conséquence de débouter la BICICI de ses demandes en paiement de la somme de 307.075.718 francs et en validation des oppositions qu'elle a faites entre les mains des commissaires priseurs OUEGNIN Gisèle et Véronique WILLIAMS;
PAR CES MOTIFS
– Casse et annule l'arrêt N° 006 du 7 janvier 2000 rendu par la Cour d'Appel d'Abidjan Chambre Civile et Commerciale;
Statuant à nouveau par évocation,
– Déboute la Banque Internationale pour le Commerce et l'Industrie de la Côte d'Ivoire dite BICICI, de ses demandes en paiement, la somme de 307.075.718 francs et en validation des oppositions faites entre les mains des commissaires priseurs OUEGNIN Gisèle et Véronique WILLIAMS relatives à des ventes aux enchères d’objets saisis sur la société SOCIVEX;
– Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.
– Président : M. Hamza TAHAR
– Conseillers : M. Seydou SANOGO
M. Kama YAO
– Secrétaire : Me BASSY KOFFI Rose.