J-04-80
SOCIETES COMMERCIALES – ASSEMBLEES GENERALES – DECISIONS COLLECTIVES – VALIDITE DES RESOLUTIONS (Non) – EXPERTISE DE GESTION – SUSPENSION DU GERANT (NON).
I - L'exécution de résolutions prises à l'issue d'une assemblée générale doit être suspendue le temps de vérifier et d'établir leur pertinence, dès lors que ces résolutions, qui font l'objet de contestation et de suspicion quant à leur régularité et leur validité, ont été prises par un seul associé détenant seulement 10 % des parts sociales et qu'au surplus, le juge du fond a été saisi pour leur annulation.
II - L'expertise de gestion doit être ordonnée, dès lors qu 'elle a été demandée par un associé détenant 49 % du capital social, qui se plaint de n'être pas informé de la vie sociale et doute de la sincérité et du sérieux des résolutions prises en assemblée.
III - Néanmoins, la suspension du gérant ne peut intervenir alors qu'il n'est rapporté la preuve d’aucune faute de gestion de sa part, et surtout, que la nomination d'un administrateur provisoire entraînera des frais nouveaux qui aggraveront l'état des finances déjà jugé alarmant.
(Tribunal Régional de Niamey - Ordonnance de référé N° 245 du 22 octobre 2002/ ABASS HAMMOUD c/ JACQUES CLAUDE LACOUR et DAME EVELYNE DOROTHEE FLAMBARD).
REPUBLIQUE DU NIGER
COUR D'APPEL DE NIAMEY
TRIBUNAL REGIONAL DE NIAMEY
Ordonnance de référé N° 245 du 22 octobre 2002
L'an deux mil deux et le vingt deux octobre;
Nous, Souleymane Amadou MAOULI, Président du Tribunal, Juge des Référés, assisté de Maître ILLIASSOU Amadou, Greffier, avons rendu l'ordonnance dont la teneur suit;
ENTRE
– ABASS HAMMQUD, libraire, B.P 1197 - Niamey, assisté de Maître Marc LEBIHAN, Avocat à la Cour;
DEMANDEUR,
d'une part;
ET
1°/ JACQUES CLAUDE LACOUR, gérant Espace Copieur à Niamey, assisté de Maître Moussa COULIBALY, Avocat à la Cour;
2°/ DAME EVELYNE DOROTHEE FLAMBARD, Espace Copieur à Niamey, assistée de la SCPA Yankori-Djermakoye-Yankori, Cabinet d'Avocats associés à la Cour;
DEFENDEURS,
d'autre part;
Attendu que par deux exploits séparés en date du 09/09/02 de Maître Louis BERNAZOU, Huissier de justice à Niamey, le sieur Abass HAMMOUD, libraire à Niamey, assisté de Maître Marc LEBIHAN, Avocat à la Cour, a attrait devant le juge des référés, le sieur Jacques LACOUR et la dame Evelyne Dorothée FLAMBARD, à fin de voir ordonner le sursis à l'exécution des résolutions du 29/06/02 et ordonner une expertise de gestion;
Attendu qu'à l'audience du 01/10/02, les deux procédures ont été jointes et renvoyées au 08/10/02, date à laquelle elles ont été débattues et mises en délibéré au 22/10/02;
Attendu qu'à l'audience, Abass HAMMOUD, représenté par Maîtres BARRY Bibata et Mano SALAOU, tous Avocats au Cabinet d'Avocats LEBIHAN, s'est désisté de son action contre dame Evelyne Dorothée Flambard; que dans des conclusions écrites et orales, outre les prétentions ci-dessus, il sollicite la suspension de Jacques LACOUR des fonctions de gérant, la nomination d'un administrateur provisoire pour gérer la société Espace Copieur, jusqu'à la fin des contestations et l'exécution provisoire de la décision à intervenir sur minute, avant enregistrement et sans caution; qu'il explique que Jacques LACOUR a convoqué, à sa demande, une assemblée générale qui s'est tenue alors qu'il a reçu en retard les états financiers de synthèse, le rapport de gestion et le texte des résolutions proposées, et sans qu'il soit tenu compte de sa proposition de modification de l'ordre du jour; que quand il avait quitté la réunion pour protester contre les conditions de son organisation, ses co-associés ont adopté à la première convocation ces résolutions qui, entre autres avantages, donnaient quitus au gérant, lui octroyaient une rémunération de 30 millions de francs pour l'exercice 2000 et 27 millions pour celui de 2001, des voyages aller-retour en France pour lui-même et sa famille, que l'unique associé ayant pris part au vote n'a même pas la moitié des parts sociales; il sollicite qu'il soit sursis à l'exécution provisoire de ces résolutions; que ces résultats des exercices 2000 et 2001 n'ont pas été distribués, plus de neuf mois après la clôture de ses exercices, en violation de la loi; que d'ailleurs, il n'est pas informé de la vie sociale et n'a aucun moyen de vérifier la gestion du gérant et la pertinence des résolutions proposées; que détenant 49 % du capital social, il sollicite, comme la loi le lui permet, une expertise de gestion; que Jacques LACOUR, qui gère une autre société ayant le même objet que Espace Copieur, le sursis à l'exécution des résolutions et l'expertise de gestion qu'il a sollicités seront une fois ordonnés, peu efficaces si le même gérant dont les intérêts sont en conflit avec les siens et ceux de leur société est en place, en ce qu'il les compromettra; qu'il urge de parer ce péril en ordonnant provisoirement la suspension de ses fonctions et en nommant un administrateur provisoire;
Attendu que Jacques LACOUR, représenté par Maître Moussa COULIBALV et Ibrahim DJERMAKOYE, tous deux Avocats à la Cour, sollicitent :
Qu'il soit dit et jugé qu'il n'y a pas lieu à surseoir à l'exécution des résolutions adoptées par l'assemblée générale du 29/06/02;
Qu'il lui soit donné acte de ce qu'il acquiesce à la désignation d'un expert;
Qu'il soit sursis à la désignation d'un administrateur provisoire :
Qu'il explique que préalablement à la tenue de l'assemblée générale du 29/06/02, Abass HAMMOUD a reçu communication de tous les documents; que les résolutions proposées, qu'il a négativement votées par son boycott sont, relativement aux salaires, dans la moyenne des précédentes qu'il a pourtant adoptées et signées sans aucune réserve;
Que sa demande de surseoir à leur exécution n'étant pas pertinente, il y a lieu de la rejeter, tout comme il importe de rejeter celle tendant à le suspendre de ses fonctions de gérant, dans la mesure où il n'a pas été établi en l'état des charges à son encontre, et que rien ne l'empêche de les exercer convenablement, les deux sociétés qu'il gère ayant chacune sa clientèle; que cependant, il acquiesce à la demande consistant à la désignation d'un expert pour faire une situation de sa gestion.
DISCUSSION
Attendu qu'il ressort des débats et des pièces du dossier que le 29/06/02, l'assemblée générale de Espace Copieur adoptait plusieurs résolutions dont certaines déterminaient le salaire du gérant et lui octroyaient d'autres avantages et faveurs, dont ses déplacements aller-retour en France pour lui-même et sa famille; que Abass HAMMOUD, qui a boycotté cette réunion, prétend que ces résolutions adoptées en violation de la loi, compromettent ses intérêts et ceux sociaux et sollicite pour les voir préservés, le sursis à l’exécution de ces résolutions, une expertise de gestion et la nomination d'un administrateur provisoire pour suppléer de ses fonctions, le gérant qui gère et administre parallèlement une autre société ayant le même objet que la leur;
Mais attendu, sur les résolutions, que Abass HAMMOUD soutient que leur exécution, qui compromettra la survie de la société et nuira grandement à ses propres intérêts, doit être suspendue;
Attendu qu'il résulte de la loi et des statuts de Espace Copieur, que les décisions collectives ordinaires sont à la première convocation, valablement adoptées par le vote d'un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié des parts sociales;
Attendu qu'il ressort des documents du dossier, qu'à l'assemblée générale du 29/06/02, un seul associé détenant seulement 10 % des parts sociales a voté;
Attendu que le juge de fond est déjà saisi à fin d'annulation de ces résolutions;
Attendu qu'en raison des contestations et suspicions entourant la régularité et la validité de ces résolutions, il sera ordonné la suspension de leur exécution, le temps de vérifier ou d'établir leur pertinence;
Attendu que le demandeur se plaint de n'être pas informé de la vie sociale et du fait que les résultats de deux exercices n'ont pas été distribués plus de neuf mois après leur clôture, et qu'il doute en tout cas de leur sincérité et du sérieux de ces résolutions;
Attendu que Abass HAMMOUD détient 49 % du capital social, que sa demande d'expertise, qui est conforme aux dispositions des articles 159 et 160 de l'Acte Uniforme sur les sociétés, qui lui permettent de solliciter la désignation d'expert pour présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion, sera accordée;
Attendu cependant que la demande tendant à la suspension de ses fonctions de gérant, contre lequel il n'est pas encore rapporté en l'état de faute de gestion, sera rejetée, surtout que la nomination d'un administrateur provisoire entraînera des frais nouveaux qui aggraveront l'état des finances déjà jugé alarmant.
PAR CES MOTIFS
Nous, Président, statuant publiquement et contradictoirement en matière de référé et en premier ressort;
– Recevons Abass HAMMOUD en ses demandes;
– Ordonnons le sursis à l'exécution des résolutions adoptées par l'assemblée générale du 29/06/02;
– Ordonnons une expertise à l'effet de :
a - vérifier la sincérité des bilans des exercices 2000 et 2001;
b - dire comment le gérant a déterminé la rémunération qu'il a proposée pour ces deux exercices et dire si cette détermination des rémunérations est compatible avec la situation économique et financière de la société;
c - dire si les besoins de financement de la société nécessitent la non distribution systématique des bénéfices;
d - déterminer les engagements éventuels des associés vis-à-vis de la société;
– Désignons le Cabinet d’Expertise Comptable YERO GARBA à l’effet de procéder aux missions ci-dessus;
– Disons qu’il déposera son rapport dans un délai d’un mois courant de la notification de cette ordonnance;
– Rejetons la demande de suspension du gérant de ses fonctions;
– Condamnons solidairement les parties aux dépens.
Ont signé le Président et le Greffier, les jour, mois et an que dessus.