J-04-93
VOIE D’EXECUTION – SOCIETE D’ECONOMIE MIXTE – IMMUNITE D’EXECUTION (NON).
Une société d’économie mixte ne bénéficie pas d’une immunité d’exécution
Cour d’Appel d’Abidjan, Arrêt N°283 du 1er Mars 2002, Société GESTOCI, S.A (Mes AHOUSSOU - KONAN) C/ DIARRA Abdoulaye (Me COMA AMINATA).
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Le Ministère Public en ses réquisitions écrites;
Ensemble l'exposé de la procédure, des faits, prétentions des parties et des motifs ci-après;
EXPOSE DE LA PROCEDURE, DES FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Considérant que par exploit d'Huissier en date du 11 décembre 2001, la Société de Gestion des Stocks Pétroliers de Cote d'Ivoire a interjeté appel de l'ordonnance N° 5025 du 28/11/2001 rendue par le Vice-Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan - Plateau statuant en matière de référé qui, en la cause a statué comme suit :
– Ordonnons la jonction des procédures;
– Déclarons les actions recevables;
– Disons les actions fondées en parties;
– Donnons acte à la GESTOCI de ce qu'elle propose la compensation des créances;
– Ordonnons la compensation jusqu'à plus faible montant;
– Disons que la société GESTOCI n'est pas une entreprise publique;
– La déboutons en conséquence du surplus de sa demande;
Qu'il résulte des productions que par un arrêt N° 569 du 20 juillet 2000, la Chambre Sociale de la Cour d'Appel de céans a condamné la GESTOCI à payer à Monsieur DIARRA Abdoulaye la somme totale de 120.940.149 frs intérêts de retard y compris;
Qu'étant également créancière de celui-ci d'un montant de 69.206.100 auxquels il faut ajouter les intérêts de retard de 11.952.470 frs en vertu d'un arrêt rendu le 02 Mars 2000, elle l'a assigné devant le Tribunal pour voir constater l’immunité d'exécution dont elle bénéficie et effectue une compensation pour les créances, liquides, certaines et exigibles;
Que le Tribunal statuant sur le mérite de sa demande a rendu la décision dont appel aux motifs que la société GESTOCI en tant que société anonyme inscrite au registre du commerce, elle est soumise en tant que société commerciale aux procédures relatives aux voies d'exécution et ne peut donc se prévaloir d'une quelconque immunité d'exécution;
Que contrairement au Premier Juge, elle soutient en application de l'article .30 de l'Acte Uniforme du traité de l'OHADA sur les voies d'exécution et la loi N° 57-520 du 04 septembre 1997 relative aux sociétés à participation financière publique que bien qu'étant une société anonyme, elle bénéficie d'immunité d'exécution;
Qu’en effet, l'article 30 précité parle d'entreprise publique "quelque soit sa forme et sa mission";
Que le fait qu'elle soit une société anonyme n'est pas un élément déterminant pour la qualifier ou non d'entreprise publique;
Qu'en plus, elle est une entreprise publique pour :
– Son objet puisque les Stocks de sécurité qu'elle est tenue de constituer sont conservés à tout moment dans les dépôts de l'Etat désigné ou autorisé à cet effet par arrêté du Ministère des Mines (l'article 01 et 03 du décret N° 831008 du 14 septembre 1993);
– Le rôle prépondérant joué par l'Etat en son sein;
En effet l'augmentation du capital ou la réduction doit être autorisée par décret du Ministère de l'Economie et des Finances alors que dans une société anonyme normale celle-ci émane de l'assemblée extraordinaire souveraine;
La nomination des administrateurs
En fait, l'Etat dispose de 4 postes d'Administrateurs bien que détenant 3000 actions sur les 24.000. Ensuite, le Président du Conseil Administration n’est choisi, que parmi les Administrateurs représentant l’Etat;
En plus le Conseil d'Administration est nommé sur proposition des actionnaires Administrateurs représentant l'Etat, un Directeur Général agréé par le Ministère de Tutelles;
Les autres Administrateurs bien que Majoritaires n’ont pas voix au chapitre. Concernant le programme d’activité pluriannuel et le budget sont présentés au Ministre des Mines;
Le Directeur Général les présente ensuite au Conseil d'Administration;
Le contrôle;
II est assuré par :
– La Direction dés participations du Ministère de l'Economie et des Finances en ce qui concerne la Gestion Economique et Financière;
– La Direction des Hydrocarbures en ce qui concerne le contrôle de l'orientation générale et de l'activité de la société;
– La Chambre des Comptes de la Cour Suprême;
II faut noter qu'en matière de droit commercial, le contrôle des sociétés commerciales est exercé par le seul Commissaire aux Comptes; que de tout ce qui précède, la Cour constatera qu'elle bénéficie de l'immunité d'exécution et infirmera la décision sur ce point;
Considérant, que pour sa part, Monsieur DIARRA Abdoulaye, intimée allègue que l’alinéa 1 de l'article 30 susvisé ne lui est pas applicable;
Que l'appelante n'est ni une personne morale de droit publique ni une entreprise publique;
Qu'il ressort de l'article 2 de la loi N° 97-520 du 4 septembre 1997 qu'une société à participation financière est une société commerciale dont le capital est partiellement et directement détenu par l'Etat, une personne de droit public ou une société d'Etat; que l'article 3 du même texte dispose que les sociétés à participation financière publique sont obligatoirement des sociétés anonymes;
Que nul part, il n'apparaît à l'examen des textes précités, ni dans les Statuts qu'elle est une société publique jouissant d'une immunité d'exécution;
Qu'il fait observer que le fait de conserver les Stocks de sécurité dans les dépôts de l'Etat ne lui confère pas une mission d'intérêt général différente de celle des sociétés ordinaires; qu'il l'ajoute que la représentation au Conseil d'Administration correspond au nombre de siège proportionnelle à la participation de l'Etat ou des personnes morales de droit public et enfin des sociétés d'Etat;
Que s'agissant du contrôle des sociétés à participation financière, l'article 19 de la loi du 4 septembre 1997 stipule qu'il est assuré par un ou plusieurs Commissaires aux Comptes nommés par l'assemblée générale qui remplit sa mission conformément aux dispositions réglementaires en vigueur applicables aux sociétés anonymes;
Que ce texte précise qu'elle n'est pas une entreprise publique;
Qu'en outre, elle n'est pas sous la dépendance de l'Etat car il n'existe aucune convention portant concession de service public qui lie la GESTOCI à l'Etat;
Que par conséquent l'appelante ne fait qu'une mauvaise interprétation de la loi sur les sociétés à participation financières publiques;
Qu'il indique aussi que l'article 30 de la loi N° 97-520 du 4 septembre 1997 fait une distinction entre l'Etat, une personne morale de droit public et une société à participation financière publique;
Qu'il s'infère de ce qui précède que la Cour confirmera la décision entreprise;
Qu'en ce qui concerne la demande de compensation, il fait remarquer que sa créance étant plus élevée que celle de la GESTOCI, cette dernière reste débitrice à son égard du reliquat de la somme de 38.402.108 frs principal et intérêt arrêtée au 31 octobre 2001;
Considérant que le Ministère Public requis sollicite l'intimation de la décision en ce qu'elle a refusé le caractère d'entreprise publique à la GESTOGI;
DES MOTIFS
Considérant que l'intimé a été régulièrement cité;
Qu'il y a lieu de statuer contradictoirement en l'espèce;
EN LA FORME
Considérant que l'appel de la Société GESTOCI est recevable pour avoir été fait conformément à la loi;
AU FOND
Considérant que la GESTOCI est une société d’économie mixte;
Que s'il est vrai que l'Etat a des actions dans cette société, il n'en demeure pas moins qu'aucun des textes visés par les parties ne stipule qu'elle est une entreprise publique;
Que l'Etat étant actionnaire, il est évident qu'il ait des représentants dans ladite société;
Que la GESTOCI ne peut donc bénéficier d'immunité d'exécution;
Que échet-il par conséquent de confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions;
Sur les dépens
Considérant que la GESTOCl succombe;
Qu'il y a lieu de mettre les dépens à sa charge;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME
– Déclare la GESTOCI recevable en son appel
AU FOND
– L'y dit mal fondée;
– L'en déboute;
– Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions;
– Met les dépens à sa charge;