J-05-01
1. voies d’execution – EXECUTION FORCEE – saisie – contestation – compétence – juge des référes (OUI) – juge de l’urgence (oui).
2. voies d’execution – saisie – immunite d’execution – etablissement public (oui) – immunite d’execution (oui).
3. voies d’execution – saisie attribution de creances – proces – verbal de saisie – absence de decompte des sommes – nullite – discontinuation des poursuites – mainlevee de saisie.
Le Président de la juridiction tenant audience des référés en matière d’urgence est bel et bien compétent pour connaître des contestations en matière d’exécution forcée.
Un établissement public dans lequel l’Etat détient 94% du capital social est protégé par l’immunité d’exécution prévue à l’article 30 alinéa 1er de l’AUPSRVE
Le procès-verbal de saisie-attribution de créances doit, pour être valable, contenir certaines précisions relatives aux sommes réclamées et qui sont prescrites à peine de nullité.
Article 30 AUPSRVE
Article 35 AUPSRVE
Article 49 AUPSRVE
Article 157 AUPSRVE
Article 160 AUPSRVE
(Tribunal de première instance de Bafoussam, Ordonnance de référé n° 37 du 28 janvier 2004, Affaire Société Nationale des Eaux du Cameroun (SNEC) SA c/ DJEUKOU Joseph, SGBC SA Bafoussam, BICEC SA Bafoussam).
Nous, juge des référés,
– Vu l’exploit introductif d’instance;
– Vu les pièces du dossier de la procédure;
– Ouï pour la SNEC, ayant pour conseil Me KAMGA, en ses demandes, moyens, fins et conclusions;
– Ouï pour les défendeurs ayant pour conseil la SCP NGANHOU et NZE GAH (pour Djeukou Joseph), en leurs moyens de défense, fins et conclusions;
– Et après en avoir délibéré conformément à la loi;
– Attendu que par exploit en date du 08 janvier 2004 de Me Julienne TENKEU MADJOUKOUO, Huissier de justice à Bafoussam, acte en cours d’enregistrement, la Société Nationale des Eaux du Cameroun (SNEC) Sa dont le siège est à Douala, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux et ayant pour conseil Me KAMGA, NOUTCHOGOUIN Laurette, avocats à Bafoussam, a fait donner assignation à
1- DJEUKOU Joseph, en son domicile élu à l’étude de Me TCHOUA Yves, Huissier de justice à Bafoussam et;
2- La Société Générale Des Banques du Cameroun (SBGC) SA, agence de Bafoussam, prise en la personne de son représentant légal;
3- La Banque Internationale du Cameroun pour L’Epargne et de Crédit (BICEC) SA, agence de Bafoussam, prise en la personne de son représentant légal;
– D’avoir à comparaître devant nous, président du Tribunal de première instance de céans, tenant audience de référé d’heure à heure en matière d’urgence en notre cabinet sis au palais de justice de ladite ville pour, est-il dit dans cet exploit :
– Constater que la saisie-attribution querellée n’a pas été régulièrement dénoncée à la SNEC qui au surplus est dotée d’une immunité d’exécution;
– Constater qu’elle n’indique pas les intérêts à échoir, mentions et formalités pourtant prévues à peine de nullité d’ordre public;
– Constater que cette saisie a été pratiquée en violation du titre exécutoire qui la soutend;
– En conséquence, ordonner la discontinuation des poursuites engagés par sieur Djeukou Joseph contre la SNEC et ordonner la main levée de la saisie attribution des créances pratiquée le 29 décembre 2003 au préjudice de la SNEC entre les mains de la BICEC et de la SGBC par Me TCHOUA Yves, Huissier de justice à Bafoussam;
– Dire l’ordonnance à intervenir exécutoire sur minute et avant enregistrement;
– Condamner les défendeurs aux dépens dont distraction au profit de Me KAMGA NOUTCHOGOUIN Laurette, Avocat aux offres de droit;
– Attendu que le parties ont comparu et conclu; Qu’il y a lieu de statuer contradictoirement à leur égard;
– Attendu qu’au soutien de son action, la demanderesse, par le biais de son conseil expose qu’en date du 29 décembre 2003, une saisie-attribution de créances a été pratiquée sur ses comptes domiciliés à la BICEC et à la SGBC par Me TCHOUA Yves, Huissier de justice à Bafoussam, à la requête de Sieur DJEUKOU Joseph;
– Qu’il ne fait l’ombre d’aucun doute que ladite saisie a été pratiquée en violation de la loi;
– Qu’en effet, contrairement aux prescriptions impératives de l’article 160 de l’Acte Uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, cette mesure lui a été irrégulièrement dénoncée;
– Que le procès-verbal de dénonciation à lui servi ne porte aucune date, ce qui le rend nul aux yeux de la loi, car ne permettant pas de savoir si elle a été faite dans le délais;
– Que par ailleurs, ladite saisie pêche en ce sens que le procès verbal le constatant n’indique pas l’intérêt à échoir dans le délai d’un mois prévu pour élever la contestation comme l’exige l’alinéa 3 de l’article 157 de l’Acte Uniforme sus-visé; Que cette mention impérative est exigée à peine de nullité;
– Qu’en outre, la saisie querellée est intervenue en violation des dispositions pertinentes de l’article 30 de l’Acte Uniforme OHADA n° 6;
– Qu’en effet, la SNEC est une entreprise publique bénéficiant à ce titre d’une immunité d’exécution qui n’a pas été prise en compte par la saisie querellée, ce qui la rend abusive et illégale;
– Que bien plus, ladite saisie s’est faite en violation du titre exécutoire dont se prévaut le saisissant;
– Que cet état de chose lui cause un préjudice énorme, que c’est pourquoi cette mesure doit être levée sans délai;
– Attendu qu’en réplique, sieur DJEUKOU Joseph, sous la plume de ses conseils, la SCP NGANHOU et NZE GAH, soulève au principal l’incompétence rationae materiae du juge saisi;
– Qu’il fait valoir que l’acte introductif d’instance, seul acte de saisine de la juridiction est ainsi intitulé : « Assignation en référé d’heure à heure »;
– Que dans le corps de l’acte, l’huissier instrumentaire déclare agir en vertu de l’ordonnance n° 91/03-04 rendu le 8 janvier 2004 par le Président du Tribunal de première instance de Bafoussam;
– Que ladite ordonnance a été sollicitée et obtenu en vertu de l’article 184 du CPCC;
– Que l’exploit d’assignation lui demande de comparaître devant "le Président du Tribunal de Première Instance de Bafoussam tenant audience de référé d’heure à heure en matière d’urgence";
– Qu’il est dès lors indiscutable que la juridiction saisie est bel et bien le juge des référés;
– Que le juge des référés est incompétent pour connaître des contestations en matière d’exécution forcée au sens de l’article 49 de l’Acte Uniforme OHADA n° 6;
– Que la présente exception est parfaitement recevable à tout moment de la procédure par application de l’article 97 du CPCC;
– Que subsidiairement, il conclut au débouté de la SNEC de sa demande en discontinuation des poursuites;
– Qu’il fait valoir que l’économie de l’article 30 de l’Acte Uniforme OHADA n° 6 invoqué par la demanderesse enseigne que les personnes morales de droits public et les entreprises publiques sont insaisissables parce-qu’elles bénéficient de l’immunité de saisie;
– Qu’il suffit à la SNEC de prouver ou de démontrer qu’elle est une personne morale de droit public ou une entreprise publique pour bénéficier de l’immunité de saisie par elle alléguée;
– Que la SNEC, n’a pas été en mesure de la prouver ou de démontrer;
– Qu’il ressort de la fiche de répartition du capital produit aux débats par la SNEC que l’Etat du Cameroun détient 94% du capital et les personnes privée détiennent 5,15%;
– Qu’il résulte de cette répartition du capital social que la SNEC est une société d’économie mixte en application des dispositions de l’article 2 alinéa 6 de la loi n° 99/016 du 22 décembre 1999 portant statut général des établissements publics et des entreprises du secteur public et parapublic;
– Qu’en application du texte sus-visé, la SNEC est une personnes morale de droit privé et non une personne morale de droit public;
– Qu’elle ne saurait en conséquence bénéficier de l’immunité de saisie prévu par l’article 30 de l’Acte Uniforme OHADa n° 6;
Sur l’incompétence du juge des référés
– Attendu que les arguments avancés par le défendeur ne sont pas pertinents;
– Attendu que l’article 49 de l’Acte Uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution dispose : « La juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire est le Président de la juridiction statuant en matière d’urgence ou le magistrat délégué par lui »;
– Qu’en l’espèce, s’il n’est pas contesté que l’exploit introductif de la présente instance mentionne bel et bien que le Sieur DJEUKOU Joseph a assigné à comparaître devant "le Président du Tribunal de Première Instance de Bafoussam tenant audience des référés d’heure à heure en matière d’urgence", il est cependant acquis de débats que la juridiction saisie est bel et bien le Président du Tribunal de céans statuant en matière d’urgence;
– Que cette thèse est d’autant apodictique que dans le dispositif de l’exploit d’assignation, la demanderesse a pris soin de viser les dispositions des articles 30, 157 et 160 de l’Acte Uniforme sus-visé;
– Qu’il y a lieu de rejeter l’exception d’incompétence soulevée par le défendeur et de le déclarer compétent;
Sur la demande en discontinuation des poursuites et en main levée de la saisie-attribution
– Attendu que pour solliciter que soit ordonnée les mesures susvisés, la demanderesse invoque quatre moyens de nullité tirées de la violation des dispositions des articles 30, 35, 160 et 157 de l’Acte Uniforme OHADA n° 6;
– Attendu s’agissant de la violation des dispositions de l’article 30 alinéa 1er de l’Acte Uniforme sus-visé, que ce texte dit : « L’exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d’une immunité d’exécution »;
– Que l’article 3 alinéa 1er de la loi n° 99/016 du 22 décembre 1999 portant statut général des établissements publics et des entreprises publiques et parapubliques dispose : « Le secteur public et parapublic est essentiellement constitué d’établissements publics administratifs, des sociétés à capital public et des sociétés d’économie mixte sans préjudice des dispositions de l’article 1er alinéa 2 ci-dessus »;
– Que l’alinéa 3 de l’article 2 de la loi n° 99/016 sus-visé définit un établissement publics administratif comme étant « une personne morale de droit public doté de l’autonomie financière et de la personnalité juridique ayant reçu de l’Etat ou d’une collectivité territoriale décentralisée un patrimoine d’affectation en vue de réaliser une mission d’intérêt général ou d’assurer une obligation de service public »;
– Attendu qu’il ressort des pièces du dossier et des débats que la SNEC SA est bel et bien un établissement public, l’Etat du Cameroun détenant 94% du capital social de cette société; Qu’elle bénéficie de ce fait du principe de l’immunité d’exécution prévu par l’article 30 alinéa 1er de l’Acte Uniforme précité;
– Que c’est en violation des dispositions des textes sus-visés que Sieur DJEUKOU a engagé des poursuites contre la SNEC et a fait pratiquer la saisie-attribution querellée;
– Attendu qu’au surplus, il est acquis des débats que les sommes saisies-arrêtés constituent au sens l’alinéa 2 de l’article 2 de l’ordonnance n° 72/4 du 6 juillet 1974 fixant le régime domanial, un bien meuble du domaine public inaliénable, imprescriptible et insaisissable;
– Attendu s’agissant du moyen tiré de la violation de l’article 157 de l’Acte Uniforme OHADA n° 6 de l’alinéa 3 de ce texte dispose que l"acte de saisie contient à peine de nullité le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus majorés d’une provision pour les intérêts à échoir dans un délai d’un mois prévu pour élever un contestation »;
– Que dans le cas d’espèce, il ne résulte nulle part du procès verbal de saisie attribution en date du 29 décembre 2003 produit aux débats le décompte distinct des intérêts échus majorés d’une provision pour les intérêts à échoir dans un délai d’un mois pour élever une contestation;
– Que ce moyen est fondé;
– Attendu que les dispositions des articles 30 alinéa 1er et 157 alinéa 3 de l’Acte Uniforme OHADA sus-visé ont été violé dans l’acte de saisie querellée rendant ladite saisie abusive et illégale;
– Qu’il échet dès lors, sans qu’il soit besoin de s’attarder sur les autres moyens de nullité soulevés de dire nul et de nul effet le procès-verbal de saisie dont s’agit, d’ordonner en conséquence la discontinuation ders poursuites engagées contre la demanderesse et la main-levée de la saisie-attribution querellée;
– Attendu qu’il y a absolu nécessité d’exécuter avec célérité notre décision;
– Qu’il échet de dire notre ordonnance exécutoire sur minute et avant enregistrement;
– Attendu que Sieur DJEUKOU Joseph a succombé, qu’il convient de la condamner aux dépens;
Par ces motifs
– Nous, juge de l’urgence statuant en vertu de l’article 49 de l’Acte Uniforme OHADA n° 6, contradictoirement à l’égard des parties en matière d’urgence et en premier ressort;
– Nous déclarons compétent;
– Recevons la SNEC SA en son action;
– L’y disons fondée;
– Constatons que la saisie-attribution querellée a été pratiquée en violation des articles 30 alinéa 1er et 157 alinéa 3 de l’AcTe Uniforme OHADA n° 6;
– Disons nul et de nul effet le procès verbal de saisie attribution dressé le 29 décembre 2003 par Me TCHOUA Yves, Huissier de justice à Bafoussam;
– Ordonnons en conséquence la discontinuation des poursuites engagées contre la demanderesse et la main levée de la saisie-attribution querellée.