J-05-03
VOIEs d’execution – saisie vente – erreur sur la personne du saisi – Mainlevée – demande aux fins de dommages – intérêts – juge de l’urgence – incompétence.
Les biens d’une société anonyme ne sauraient être saisis en lieu et place de ceux d’un associé de ladite société lorsque c’est ce dernier et non la société qui est visée dans le titre exécutoire. Le juge de l’urgence est incompétent pour l’octroi des dommages intérêts au tiers dont les biens ont été saisis à tort.
(Tribunal de première instance de Bafoussam, ordonnance de référé n° 32 du 23 janvier 2004, Affaire Société TAL Business c/ 1- Me TCHOUA Yves 2- MBANG Idrissa).
Nous, juge de l’urgence,
– Vu l’exploit introductif d’instance;
– Vu les pièces du dossier de la procédure;
– Ouï les parties en leurs demandes, fins, conclusions et moyens de défense;
– Après en avoir délibéré conformément à la loi;
– Attendu que par exploit en date du 31 octobre 2003 de Me TCHOUA Yves, Huissier de justice à Bafoussam, acte en cours d’enregistrement, la société TAL Business Cameroon SA, ayant son siège social à Bafoussam, et pour conseil Me TAKAM Dieudonné, Avocat à Yaoundé, a fait donner assignation au Sieur MBANG Idrissa domicilié à Yaoundé d’avoir à comparaître devant nous, Président du Tribunal de Première Instance de Bafoussam, statuant ne matière d’urgence en vertu de l’article 49 de l’Acte Uniforme OHADA n° 6, en notre cabinet sis au palais de justice de céans, pour s’entendre :
– En la forme, recevoir la présente action comme faite dans les forme et délai légaux;
– Au fond, sur l’erreur sur la personne du saisi :
– Constater que le débiteur qu’il fallait saisir conformément aux titres exécutoires visés tant sur le procès-verbal de la saisie querellée que sur les titres exécutoires ayant fondé la saisie est Sieur TALLA DEMGUEU, personne physique;
– Constater que c’est plutôt les biens de TAL Business Cameroon, Société anonyme, qui ont été saisis et dans ses locaux;
– Dire et juger que la requérante, société anonyme, ne saurait être saisie en lieu et place de Sieur TALLA DEMGUEU, personne physique et que la saisie pratiquée sur elle est vexatoire;
– Dire qu’il y a erreur sur la personne du saisi;
– En conséquence, ordonner la main levée de la saisie-vente querellée sous astreinte de 1.000.000 F CFA par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir;
– Sur la demande de dommages-intérêts de la requérante :
– Constater que la saisie-vente querellée est manifestement vexatoire;
– Constater qu’elle entache l’honorabilité et la notoriété de la requérante qui en a subi un préjudice matériel et moral;
– Condamner la succession SEYI à ZIEM à lui payer la somme de 5.000.000 F CFA en réparation du préjudice;
– Ordonner l’exécution provisoire sur minute et avant enregistrement de la décision à intervenir nonobstant toutes voies de recours;
– Condamner la succession SEYI à ZIEM aux dépens distraits au profit de Me TAKAM Dieudonné, conseil aux offres de droit;
– Attendu que les parties ont comparu et conclu; qu’il y a lieu de statuer contradictoirement à leur égard;
– Attendu qu’au soutien de son action, la demanderesse, par le biais de son conseil Me TAKAM Dieudonné, expose que la main levée de la saisie querellée sera nécessairement ordonnée, celle-ci ayant été plutôt dirigée contre un tiers, à savoir un société anonyme, entité juridique distincte du véritable débiteur (personne physique);
– Que s’agissant de l’erreur sur la personne du saisi, il ressort clairement du procès-verbal de saisi-vente querellée que bien que la personne à saisir soit Sieur TALLA DEMGUEU Basile, la saisie a été malencontreusement dirigée contre elle; qu’une société anonyme ne saurait être saisie en lieu et place d’un débiteur, personne physique;
– Que s’agissant de sa demande additionnelle en dommages-intérêts, il est manifeste que la saisie-vente ainsi pratiquée sur ses biens est vexatoire;
– Que la succession SETI à ZIEM représentée par Sieur MBANG Idrissa entache son honorabilité en la saisissant injustement;
– Que de même, elle est contrainte d’expose des frais pour sa défense dans le cadre de la présente procédure; qu’il s’agit là des préjudices moral et matériel certains évalués à 5.000.000 de F CFA; qu’il convient de condamner la succession TEYI à ZIEM à réparer lesdits préjudices conformément aux articles 1382 et 1383 du Code Civil;
– Attendu que pour faire échec aux prétentions du demandeur, le défendeur, sous la plume de ses conseils, Me BIHEGUE, MEFIRE et DJOMGA, soulève l’irrecevabilité de l’action de TAL Business SA tirée du défaut de qualité et d’intérêt; Que celui-ci s’évince tant de la non production de la preuve de la propriété de l’hôtel TALOTEL que de l’existence de deux personnes morales distinctes;
– Que sur la non production de la preuve de la propriété de l’hôtel TALOTEL, il est incontestable que la présente action a été introduite par la société TAL Business Cameroon Company Limited SARL devenue TAL Business Cameroon SA suite à l’assemblée générale extraordinaire du 18 octobre 1999;
– Que cette société prétend être propriétaire de l’hôtel TALOTEL où la saisie a été pratiquée sans verser au dossier ou offrir de la faire un acte ou un titre matérialisant cette propriété;
– Que faute pour la société TAL Business Cameroon SA de produire son titre de propriété sur TALOTEL, soit sur les objets saisis, la présente action doit être déclarée irrecevable pour défaut de qualité et d’intérêt;
– Que s’agissant du défaut de qualité et d’intérêt tiré de l’existence de deux personnes morales distinctes, par exploit daté du 8 décembre 1999, la Société TAL Business Cameroon SA, prise en la personne son Directeur, et ayant pour conseil le Cabinet MUNA & MUNA, notifiait à Me BIYIK Thomas, Huissier de justice à Yaoundé, une expédition du procès-verbal de l’assemblée générale du 8 octobre 1999 en précisant in fine « TAL Business SARL et TAL Business sont deux personnes tout à fait différentes »;
– Que dès lors, elles sont deux entités juridiques différentes; que sur la fraude orchestrée par Sieur TALLA DEMGUEU, la lecture du procès-verbal d’assemblée générale permet de constater que les actionnaires ne sont autres que les TALLA DEMGUEU;
– Qu’il est évident que ladite société n’est en réalité qu’une affaire du susnommé dont l’esprit de fraude l’a conduit à créer une pseudo société anonyme pour ne pas payer ses dettes;
– Attendu qu’en réaction aux arguments du défendeur, la demanderesse sous la plume de Me TAKAM Dieudonné, rétorque qu’il est simplement question de savoir si la société TAL Business Cameroon Sa est ou non débitrice de Sieur MBANG Idrissa;
– Qu’aucun titre de créance n’a été produit dans ce sens; que ce dernier ne rapporte pas la preuve que les biens saisis appartiennent à son débiteur; qu’il y a lieu de souligner que la Société TAL Business Cameroon SA a été constituée en toute légalité, étant entendu que rien n’interdit la constitution d’une société entre les membres d’une même famille;
– Attendu que pour justifier ses prétentions, la demanderesse a produit aux débats un commandement destiné à Sieur TALLA DEMGUEU, mais servi au Directeur Administratif de TALOTEL par Me TCHOUA Yves, une lettre de TAL Business Cameroon SA, un procès-verbal de saisie-vente pratiquée sur ses biens meubles, un acte n° 895 du 18 octobre 1999 du repertoire Me TCHINDA, Notaire à Bafoussam;
I- sur l’exception d’irrecevabilite de l’action tiree du defaut de qualite et d’interet
(…);
II- SUR LA MAIN LEVEE DE LA SAISIE
– Attendu que la société anonyme est une personne morale ayant un patrimoine distinct de ses actionnaires pris individuellement;
– Qu’on ne saurait confondre ce patrimoine avec celui des actionnaires pour opérer une saisie;
– Attendu qu’en l’espèce, les différents titres exécutoires visés dans le procès-verbal de saisie-vente portent le nom de TALLA DEMGUEU Basile comme débiteur à saisir et non la société TAL Business Cameroon SA;
– Que la saisie-vente querellée aurait due être pratiquée sur les biens personnels de Sieur TALLA DEMGUEU Basile et non sur ceux de la demanderesse, société anonyme quand bien même sieur TALLA DEMGUEU Basile serait actionnaire de cette société;
– Que dès lors, il y a lieu de constater que c’est à tort que ladite saisie a été pratiquée sur les biens de TAL Business Cameroon SA en lieu et place de ceux de TALLA DEMGUEU Basile dont le nom a été visé dans différents titres exécutoires;
– Qu’au surplus, le saisi en l’espèce est une personne physique différente de la personne morale « TAL Business Cameroon SA »;
– Qu’il échet de constater qu’il y a erreur sur la personne du saisi;
– Attendu que ladite saisie ayant été malencontreusement dirigée contre TAL Business Cameroon SA, il échet en conséquence d’ordonner sa main levée;
– Attendu qu’en vue de vaincre toute velléité de résistance, il y a lieu d’assortir la mesure ordonnée au paiement d’une astreinte de 25.000 F CFA par jour de retard à compter de la signification de notre décision;
III- SUR LES DOMMAGES-INTERETS
– Attendu que l’article 49 in fine de l’Acte Uniforme OHADA n° 6 portant sur les procédures simplifiées de recouvrement des créances et des voies d’exécution dispose que le juge en charge de l’exécution est compétent pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire;
– Attendu qu’en l’espèce, la demanderesse a sollicité du Tribunal la condamnation de la succession SEYI à ZIEM à lui payer la somme de 5.000.000 F CFA à titre de dommages-intérêts;
– Que le juge de l’urgence statuant en vertu du texte sus-évoqué ne saurait connaître de cette demande car ne ressortissant pas de sa compétence;
– Qu’en conséquence, il y a lieu de se déclarer incompétent à statuer sur cette demande de dommages-intérêts;
– Attendu qu’en l’espèce, il y a absolu nécessité d’exécuter avec célérité notre ordonnance;
– Qu’il échet de la dire exécutoire sur minute et avant enregistrement;
– Attendu que la partie qui succombe est comdamnée aux dépens;
Par ces motifs
– Statuant en vertu de l’article 49 de l’ACte Uniforme OHADA n° 6, contradictoirement à l’égard des parties, publiquement, en matière d’urgence et en premier ressort;
– Rejetons comme non fondée l’exception d’irrecevabilité soulevée par Sieur MBANG Idrissa;
– Recevons la société TAL Business Cameroon SA en son action;
– L’y disons partiellement fondée;
– Constatons que c’est à tort que la saisie-vente querellée a été pratiquée sur les biens de la demanderesse, société anonyme, en lieu et place de ceux de Sieur TALLA DEMGUEU Basile visé dans les titres exécutoires;
– Constatons qu’il y a erreur sur la personne du saisi;
– Ordonnons en conséquence la main-levée de la saisie querellée sous astreinte de 25.000 F CFA par jour de retard à compter de la signification de la présente ordonnance;
– Nous déclarons incompétent à statuer sur la demande de dommages-intérêts (…).