J-05-04
Voies d’exécution – saisie – Saisie attribution des créances – procès verbal de saisie – absence d’indication de la forme sociale du saisissant – nullite – mainlevée.
L’acte de saisie attribution de créances doit contenir, à peine de nullité, aussi bien la forme sociale que la dénomination du saisissant lorsqu’il est une personne morale. La seule indication de la dénomination ne saurait suffire pour en déduire la forme sociale.
Article 49 AUPSRVE
Article 157 AUPSRVE
(Tribunal de première instance de Bafoussam, Ordonnance de référé n° 31 du 23 janvier 2004, Affaire SIMO Jean c/Association des commerçants du marché A, Me TCHAMOKOUIN et Afriland first Bank).
Nous, juge de l’urgence
– Vu l’article 49 de l’Acte Uniforme OHADA portant sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution;
– Vu l’exploit introductif d’instance;
– Vu les pièces du dossier de la procédure;
– Ouï les parties en leurs demandes, fins, conclusions et moyens de défense;
– Attendu que par exploit en date du 03 octobre 2003 de Me TCHOUA Yves, Huissier de justice à Bafoussam, acte en cours d’enregistrement, sieur SIMO Jean, demeurant à Bafoussam et ayant pour conseil la société civile professionnelle d’avocats NOUGWA et KOUOGUENG, avocats à Bafoussam, a fait donner assignation à l’Association des commerçants du marché A de Bafoussam en abrégé ACOMAB, représentée par le Sieur LEKOM Ernest, Me TCHAMOKOUIN, Huissier de justice à Bafoussam et Afriland First Bank, prise en la personne de son représentant légal à Bafoussam, d’avoir à se trouver et à comparaître devant nous, Président du Tribunal de Première Instance de céans statuant en matière d’urgence en vertu de l’article 49 de l’ACte Uniforme OHADA n° 6, en notre cabinet sis au palais de justice de Bafoussam pour s’entendre :
– En la forme, déclarer recevable l’opposition formée par le concluant comme intervenue dans les forme et délai de la loi;
– Au fond, constater qu’il ne ressort nulle part de l’acte de saisie du 05 septembre 2003 la forme de la partie saisissante;
– Constater que la saisie du 05 septembre 2003 a été pratiquée sur une précédente saisie pratiquée le 10 juin 2003 dont main-levée n’a nullement été donnée au préalable;
– En conséquence, déclarer nulle et de nullité absolue la saisie pratiquée le 05 septembre 2003 par ACOMAB, représentée par le Sieur LEKOM Ernest, sur le compte du concluant ouvert à Afriland First Bank;
– Donner main-levée de ladite saisie sous astreinte de 100.000 F CFA par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir;
– Ordonner en outre l’exécution provisoire de cette décision nonobstant toutes voies de recours;
– Condamner l’ACOMAB aux dépens dont distraction au profit de la SCPA NOGWA et KOUONGUENG, avocats aux offres de droit;
– Attendu qu’au soutien de son action, le demandeur par le biais de ses conseils, la SCPA NOUGWA et KOUONGUENG, expose que par exploit en date du 12 septembre 2003 de Me TCHAMOKOUIN, huissier de justice à Bafoussam, il a reçu Bafoussam, il a reçu dénonciation d’un procès-verbal de saisie-attribution pratiquée le 05 septembre 2003 par cet officier ministériel entre les mains de l’établissement bancaire Afriland First Bank sur son compte ouvert dans ses livres; que cette saisie est entachée d’irrégularités et encourt nullité; que le 10 juin 2003, le même compte a fait l’objet d’une saisie-attribution par le même huissier pour la même cause et à la requête de l’ACOMAB;
– Que la contestation élevée par lui sur cette saisie a donné lieu à une décisions du juge des référés de Bafoussam en date du 05 septembre 2003 qui a ordonnée la main-levée de ladite saisie;
– Que c’est dans la même journée que la partie adverse a pratiqué la saisie objet de l’assignation sans avoir au préalable donné main-levée de la précédente saisie;
– Que cette seconde saisie se heurte indiscutablement à la règle "saisie sur saisie ne vaut" et ne peut qu’être annulée;
– Qu’au demeurant, l’acte de saisie du 05 septembre 2003 ne précise nulle part la forme de la partie saisissante;
– Que pourtant, l’article 157 de l’Acte Uniforme OHADA n° 6 dispose que « le créancier procède à la saisie par un acte signifié au tiers par l’huissier ou l’agent d’exécution; Cet acte contient à peine de nullité, l’indication des noms, prénoms et domiciles des débiteurs et créanciers, ou s’il s’agit de personnes morales, de leur forme, dénomination….. »;
– Qu’il s ‘agit là d’une omission grave qui mérite d’être sanctionnée par la nullité de l’exploit du 05 septembre 2003;
– Attendu que pour faire échec aux prétentions du demandeur, la défenderesse, sous la plume de ses conseils, Me TCHAPPI et TSAPY Joseph Lavoisier, fait valoir que par procès verbal en date du 05 septembre 2003, elle avait donné main-levée de la précédente saisie pratiquée le 10 juin 2003;
– Que c’est à tort que Sieur SIMO Jean, par le truchement de ses conseils, invoque l’argument de violation de la règle « saisie sur saisie ne vaut »;
– Qu’il convient de rejeter cet argument comme non fondé et de débouter le demandeur de son action;
– Qu’il ressort du procès-verbal de saisie-attribution attaqué qu’elle est une « association » régie par la loi n° 90/53 du 19 décembre 1990 portant liberté d’association;
– Que sieur SIMO Jean en réalité n’a pas d’arguments à faire valoir et veut tout simplement retarder infiniment l’aboutissement de cette procédure;
– Attendu qu’en réaction aux arguments invoqués par la défenderesse, le demandeur soutien que la forme «association » dont semble se prévaloir ACOMAB n’est nullement invoquée expressément dans le procès-verbal de saisie querellée;
– Que le terme Association des commerçants du marché A de Bafoussam indique la dénomination de la prétendue personne morale et non sa forme comme semble prétendre la défenderesse;
– Qu’on ne saurait déduire la forme d’une personne morale de sa dénomination;
– Qu’il convient donc à Monsieur le juge de l’exécution de rejeter les prétentions de ACOMAB comme non fondées;
– Qu’en tout état de cause, la saisie-attribution pratiquée par ACOMAB ne saurait être maintenue;
– Que la saisie prétendument contestée a été opérée par une personne incapable; Que cette incapacité de ACOMAB découle tout simplement du fait que cette structure n’est pas dotée de la personnalité juridique parce-que non déclarée;
– Que même si la défenderesse venait à justifier sa capacité, la qualité du Sieur LEKOM Ernest à la représenter est vivement contestée;
– Attendu qu’en réplique aux prétentions du demandeur, la défenderesse rétorque que s’agissant du défaut de capacité de l’ACOMAB soulevée par ce dernier, cette association est légalisée et a toujours fonctionné en respectant la loi sur les associations;
– Que l’argument du défaut de capacité est mal venu et inopérant;
– Que s’agissant du défaut de qualité de LEKOM Ernest, celui-ci a été régulièrement élu président de l’ACOMAB au cours de l’assemblée générale du 29 janvier 2001;
– Que LEKOM Ernest a toujours représenté l’ACOMAB face au demandeur sans que celui-ci ne conteste sa qualité;
– Attendu que pour justifier ses prétentions, le demandeur a produit aux débats un procès-verbal de saisie-attribution de créances du 10 juin 2003, un procès-verbal de dénonciation de la saisie en date du 12 septembre 2003 et un procès-verbal de dénonciation de la saisie en date du 12 septembre 2003;
SUR LE BIEN FONDE DE LA DEMANDE
– Attendu que pour solliciter la nullité du procès-verbal de saisie-attribution et par voie de conséquence la main-levée de ladite saisie, le demandeur invoque trois moyens de nullité tirés du défaut de capacité de l’ACOMAB, du défaut de qualité de LEKOM Ernest pour représenter cette association, et de la violation de l’article 157 de l’Acte Uniforme OHADA n° 6;
SUR LE DEFAUT DE CAPACITE DE L’ACOMAB
– Attendu que l’article 6 de la loi n° 90/053 du 19 décembre 1990 sur la liberté d’association dispose que « … . les associations se créent librement. Toutefois, elles n’acquièrent la personnalité juridique que ont fait l’objet d’une déclaration accompagnée de deux exemplaires de leurs statuts »;
– Attendu qu’en l’espèce, l’Association des commerçants du marché A de Bafoussam prétend avoir une existence légale alors qu’elle ne produit pas aux débats le récépissé de déclaration délivré par le préfet du Département de la MIFI, encore moins ses statuts;
– Que sa demande de reconnaissance juridique adressée au Préfet du Département de la MIFi a été rejetée par ce dernier ainsi que l’atteste la lettre afférente versée au dossier de procédure par le demandeur;
– Qu’il est constant que l’ACOMAB est une association non déclarée qui ne peut, aux termes de l’article 10 alinéa 1er du texte susvisé, ester librement en justice;
– Que dès lors, du fait de cette absence de personnalité juridique, il échet de constater qu’elle ne justifie pas de sa capacité;
SUR LE DEFAUT DE QUALITE DE SIEUR LEKOM ERNEST
– Attendu qu’en droit positif, le Président d’une association ne peut la représenter en justice que si les statuts le prévoient ou a défaut, si un mandat légal lui confère ce droit;
– Attendu qu’en l’espèce, l’ACOMAB n’a pas produit aux débats ses statuts, encore moins un mandat attestant que Sieur LEKOM Ernest peut valablement la représenter;
– Qu’il est constant qu’au regard de la loi n° 90/053 du 19 décembre 1990 susvisé, ce dernier ne saurait accomplir des actes de justice au nom de ladite association;
– Qu’il échet dès lors de constater qu’il ne justifie pas de sa qualité pour représenter l’ACOMAB;
SUR LA VIOLATION DE L’ARTIVLE 157 DE L’ACTE UNIFORME OHADA N° 6 :
– Attendu que l’article 157 de l’Acte Uniforme OHADA n° 6 dispose : « Le créancier procède à la saisie par un acte signifié au tiers par l’huissier ou l’agent d’exécution; cet acte contient à peine de nullité, s’il s’agit des personnes morales de leur forme, dénomination et siège social »;
– Attendu en l’espèce que la forme association dont semble se prévaloir l’ACOMAB n’est nullement expressément invoqué dans le procès-verbal de saisie querellé;
– Qu’il est établi que sur ledit procès-verbal, il n’est porté que la dénomination de l’association sus-évoquée et non sa forme sociale;
– Que dès lors, il échet de constater que l’acte de saisie-attribution querellé n’indique pas la forme de l’ACOMAB;
– Attendu que les moyens de nullité invoqués par le demandeur sont fondés;
– Qu’il échet de dire nul et de nul effet le procès-verbal de saisie-attribution querellée et d’ordonner en conséquence la main-levée de ladite saisie;
– Attendu que pour vaincre toute résistance abusive de la part de l’ACOMAB à s’exécuter, il convient d’assortir la mesure ordonnée au paiement d’une astreinte de 15.000 F CFA par jour de retard à compter de la signification de la présente ordonnance;
SUR L’EXECUTION PROVISOIRE
– (…) ;
Par ces motifs
– Statuant en vertu de l’article 49 de l’Acte Uniforme OHADA n° 6, contradictoirement à l’égard des parties, publiquement, en matière d’urgence et en premier ressort;
– Recevons Sieur SIMO Jean en son action; l’y disons fondé;
– Constatons que l’Association des Commerçants du Marché A de Bafoussam (ACOMAB) ne justifie pas de sa capacité;
– Constatons que Sieur LEKOM Ernest ne justifie pas de sa qualité pour représenter l’ACOMAB;
– Constatons que l’acte de saisie-attribution querellé n’indique pas la forme de ACOMAB, partie saisissante;
– Disons nul et de nul effet le procès-verbal de saisie-attribution querellé;
– Ordonnons en conséquence la main-levée de ladite saisie sous astreinte de 15.000 F CFA par jour de retard à compter de la signification de la présente ordonnance (…).
Observations
Yvette R. KALIEU ELONGO, Maître de Conférences agrégée, Université de Dschang (Cameroun)
Ne pas confondre forme sociale et dénomination sociale. C’est l’enseignement qui ressort de cette décision dans laquelle le juge a fait une stricte application de l’article 157 AUPSRVE
Cette disposition exige en effet que dans le procès-verbal de saisie apparaisse tant la dénomination que la forme sociale du saisissant personne morale. La seule indication de la forme sociale quand bien même celle-ci laisse facilement deviner la forme sociale du saisissant - en l’espèce une association, n’est pas suffisante au regard de la disposition précitée.
Le jugement peut paraître un peu sévère mais est juste sur un plan strictement juridique.