J-05-06
droit commercial general – Bail commercial – résiliation – compétence – juge des référés (non).
Le double délai d’un mois imposé au demandeur en résiliation et en expulsion en matière de bail commercial atteste de l’absence d’urgence et justifie de ce fait l’incompétence du juge des référés à statuer sur une telle demande, les dispositions y relatives étant des dispositions d’ordre public.
(Tribunal de première instance de Bafoussam, Ordonnance de référé n° 65 du 30 avril 2004, Affaire FONKO Jean c/ NOTOU Eric).
Nous, juge des référés,
– Vu l’exploit introductif d’instance;
– Vu les pièces du dossier de procédure;
– Vu les textes applicables en la matière;
– Ouï les parties en leurs demandes, fins, conclusions et moyens de défense;
– Attendu que par exploit en date du 23 janvier 2004 de Me NKENDJUO NGONA Monique, Huissier de justice à Bafoussam, acte en cours d’enregistrement, Sieur FONKO Jean a fait donner assignation à Sieur MOYOU Eric, demeurant à Bafoussam, d’avoir à comparaître devant nous, président du Tribunal de Première Instance de Bafoussam, statuant en matière de référé et siégeant en notre cabinet sis au palais de justice de ladite ville, pour est-il dit dans cet exploit :
– Recevoir le requérant en son action et l’y dire fondé;
– Constater que Sieur MOYOU Eric est locataire du requérant;
– Constater que le susnommé accuse des arriérés de loyers des mois d’août à décembre 2003;
– Ordonner la résiliation du bail querellé et l’expulsion de Sieur MOYOU Eric de l’immeuble objet du titre foncier n° 1811/MIFI sous astreinte de 30.000 F CFA par jour de retard;
– Condamner Sieur MOYOU Eric aux dépens dont distraction au profit du Cabinet KKDJITT, avocats aux offres de droit;
– Attendu que les parties ont été représentés et ont conclu; qu’il y a lieu de statuer contradictoirement à leur égard;
– Attendu qu’au soutien de son action, le demandeur par le biais de ses conseils, le Cabinet KKADJITT, expose qu’il est propriétaire d’un immeuble sis à Djeleng V Bafoussam objet du titre foncier n° 1811/MIFI;
– Que courant 2003, il a donné cet immeuble à bail à usage commercial au Sieur MOYOU moyennant un loyer mensuel de 60.000 F CFA;
– Que Sieur MOYOU cumule cinq (5) mois de loyers échus et impayés couvrant la période allant d’août à décembre 2003, soit au total 300.000 F CFA;
– Que les multiples relances amiables par lui entreprises en vue du recouvrement de cette créance se sont heurtées à la résistance abusive et injustifiée de son locataire de mauvaise foi;
– Que l’occupation prolongée de immeuble litigieux par Sieur MOYOU lui cause des inquiétudes supplémentaires;
– Qu’il y a urgence à ce qu’un terme soit mis à cette occupation;
– Attendu qu’en réplique, le défendeur, sous la plume de ses conseils, Mes TEKAM et TCHAPPI, soulève l’incompétence du juge des référés de céans;
– Qu’il fait valoir que le juge saisi est incompétent à ordonner la résiliation du bail et son expulsion en matière de bail commercial;
– Que d’une part, le délai d’un mois imposé au demandeur en résiliation et expulsion par l’article 101 de l’Acte Uniforme OHADA portant droit commercial général atteste à suffire que la procédure tendant à cette fin n’est pas une procédure d’urgence;
– Que d’autre part, la nature de la décision à rendre par la juridiction compétente en vertu de l’article 101 in fine est un jugement rendant a priori le juge des référés incompétent, celui-ci ne statuant que sur les décisions sommaires, les ordonnances;
– Que seul le juge du fond est compétent en l’espèce, car ce dernier dispose d’un large pouvoir d’appréciation qui échappe au juge des référés;
– Attendu qu’en réaction aux moyens invoqués par le défendeur, le demandeur conclut à leur rejet comme impertinents;
– Qu’il fait valoir qu’aux termes de l’article 71 de l’Acte Uniforme OHADa précité, le bail commercial peut être écrit ou non écrit;
– Que contrairement à ce que développe Sieur MOYOU dans ses écritures du 26 mars 2004, l’arrêt n° 27/REF du 27 décembre 1999 produit par lui aux débats confirme bel et bien la compétence du juge des référés dans un cas similaire à celui de l’espèce;
– Qu’il y a lieu pour le juge saisi de se déclarer compétent et de dire cette action recevable et fondée, dire l’ordonnance à intervenir exécutoire sur minute et avant enregistrement et condamner le défendeur aux dépens dont distraction au profit du cabinet KKADJITT, avocats aux offres de droit;
– Attendu que les moyens d’incompétence invoqués par le défendeur sont pertinents;
– Attendu que l’article 101 alinéa 2 de l’Acte Uniforme OHADA portant droit commercial général dispose : « A défaut de paiement du loyer ou en cas d’inexécution d’une clause du bail, le bailleur pourra demander à la juridiction compétente la résiliation du bail et l’expulsion du preneur et de tous occupants de son chef, après avoir fait délivrer, par acte extrajudiciaire, une mise en demeure d’avoir à respecter les clauses et conditions du bail »;
– Que l’alinéa 3 du même texte énonce que « cette mise en demeure doit reproduire, sous peine de nullité, les termes du présent article et informer le preneur qu’à défaut du paiement ou de respect des clauses et conditions du bail dans un délai d’un mois, la résiliation sera poursuivie »;
– Qu’aux termes de l’alinéa 5 de même texte, le jugement prononçant la résiliation ne peut intervenir qu’après l’expiration d’un délai d’un mois suivant la notification de la demande en résiliation et en expulsion aux créanciers inscrits;
– Qu’il résulte des dispositions combinées des textes susvisés d’une part que le double délai d’un mois imposé au demandeur en résiliation et en expulsion atteste à suffire qu’il n’y a pas urgence à ordonner les mesures sollicitées en l’espèce, ce sui justifie l’incompétence du juge des référés qui, au sens des dispositions de l’article 182 du Code de Procédure Civile et Commerciale, est juge de l’urgence et du provisoire;
– Que d’autre part, la nature de la décision à rendre par le juge saisi est, aux termes de l’alinéa 5 du même Acte Uniforme, un jugement rendant a priori le juge des référés incompétent, celui-ci ne statuant que par ordonnance et non par jugement;
– Qu’il s’en suit que le juge des référés est incompétent à statuer sur la demande en résiliation et en expulsion en matière de bail commercial; les dispositions de l’article 101 de l’Acte Uniforme OHADA susvisé étant d’ordre public ainsi qu’il ressort de l’article 102 du même Acte;
– Qu’il échet de nous déclarer incompétent et de renvoyer le demandeur à mieux se pourvoir;
– Attendu que la partie qui succombe est condamnée aux dépens;
Par ces motifs
– Nous, juge des référés;
– Contradictoirement à l’égard des parties, en matière des référés et en premier ressort;
– Nous déclarons incompétent (..).