J-05-102
Voir Ohadata J-05-103
Voir Ohadata J-05-124
DROIT DES SOCIETES – SOCIETE ANONYME – CONSEIL D’ADMINISTRATION – REGULARITE DES DELIBERATIONS – JUGE DES REFERES – ETENDUE DES POUVOIRS – COMPETENCE POUR ANNULER UNE DELIBERATION DU CONSEIL D’ADMINISTRATION (NON) – POUVOIR DU JUGE DE L’URGENCE DE RELEVER DES IRREGULARITES POUR ORDONNER DES MESURES PROVISOIRES (OUI) – INCOMPETENCE DU JUGE DES REFERES POUR CONSTATER OU PRONONCER LA NULLITE D’UN ACTE JURIDIQUE (oui).
Si le juge de l’urgence a compétence pour relever des irrégularités telle que le non respect des délais de convocation à un Conseil d’Administration ou de quorum exigé par l’article 451 de l’AU/SGIE pour ordonner des mesures conservatoires, il ne peut, en vertu de l’article 428 de l’AU/SGIE, retenir sa compétence pour examiner un acte juridique, peu importe l’usage des termes « prononcer » ou « constater ».
Doit donc être infirmée, l’ordonnance du juge des référés qui après avoir retenu sa compétence a constaté l’annulation des délibérations du Conseil d’Administration de la Société.
(Cour d’appel de Dakar, arrêt n° 564 du 26 décembre 2003, Bara TALL c/ Cheikh Tall DIOUM – Youssou NDOUR).
LA COUR,
VU les pièces du dossier;
OUI les parties en toutes leurs demandes, fins et conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Considérant que suivant exploit servi le 21 mai 2003 par Aloyse NDONG, Huissier de justice à Dakar, Bara TALL a relevé appel de l’ordonnance rendue le 28/04/03 par le juge des référés du Tribunal Régional de Dakar dans l’affaire l’opposant à Cheikh Tall DIOUM et Youssou NDOUR et dont le dispositif suit :
« Se déclare compétent;
Constate la nullité des délibérations prises par le Conseil d’Administration de la société COM.7 tenu le 23 juillet 2002;
Ordonne l’exécution provisoire;
Condamne Bara TALL aux dépens »;
Que par ordonnance du25/07/03, le Conseiller de la mise en état a reçu l’appel;
AU FOND
Considérant que par conclusions du 28 mai 2003, Bara TALL a résumé les faits de la cause ainsi qu’il suit :
Madame Jacqueline BOCOUM, Directeur Général de COM.7 S.A qui, avec 7 Editions S.A et 7 FM S.A constituent le groupe COM.7, avait attiré le 04/07/02 l’attention des administrateurs sur la situation catastrophique du groupe et demandé une intervention d’urgence pour pallier l’inertie des co-administrateurs Bara TALL a convoqué pour le 23/07/02 le Conseil d’Administration de chacune des 3 sociétés du groupe.
Le Conseil d’Administration de COM.7 a :
accepté la démission de Mme Bocoum et la nomination de Mr. Manoumbé DIOUM en remplacement;
consenti au nantissement des actions de AUDIOCOM au profit de Mr. Pierre AIM;
convoqué l’assemblée générale ordinaire de la société pour le 7 août 2002;
Cheikh Tall DIOUM et Youssou NDOUR ont saisi le juge des référés du Tribunal Régional de Dakar pour entendre constater cette irrégularité et déclare nulles toutes les délibérations de cet organe au motif que Cheikh Tall DIOUM n’a pas été régulièrement convoqué, que Youssou NDOUR n’a donné procuration pour le représenter ni à Bara TALL, ni à quelqu’un d’autre et que par conséquent le Conseil a été irrégulièrement convoqué.
Considérant que Bara TALL a fait grief à l’ordonnance attaquée d’avoir appliqué l’article 428 de l’Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales pour constater la nullité des délibérations puisqu’aussi bien au sens des articles 242 et suivants du même acte auxquels renvoi l’article 428 précité, la nullité poursuivie par les sieurs DIOUM et NDOUR, et a outrepassé sa compétence, Bara TALL a sollicité l’infirmation de l’ordonnance litigieuse;
Considérant que par conclusions du 23/07/03, Cheikh Tall DIOUM et Youssou NDOUR ont rétorqué que le juge des référés n’a pas annulé les délibérations incriminées et qu’il ne lui était demandé que de constater la nullité de celles-ci; que selon eux le Conseil d’Administration a été irrégulièrement tenu par un seul administrateur qui a prétendu représenter l’administrateur NDOUR sans pouvoir et à convoqué l’administrateur DIOUM le 22/07/02 pour le 23/07/03 jour de réception de la convocation;
Qu’il a conclu que le juge des référés avait bien compétence pour constater ce fait;
Qu’ils ont conclu à la confirmation;
SUR QUOI
Considérant qu’il résulte du dossier produit par Bara TALL que la convocation destinée au sieur DIOUM pour la réunion du Conseil d’administration du 23/07/02 a été reçue ledit jour par ce dernier; que telle convocation ne peut être considérée comme régulière parce que n’étant pas parvenue à son destinataire dans un délai raisonnable pouvant lui permettre de participer convenablement à la réunion;
Qu’il résulte également du dossier de TALL que le mandat de représentation donnée par Youssou NDOUR l’a été à un nommé Djibril NDIAYE, ce qui ôtait tout pouvoir au sieur Bara TALL de le représenter à ladite réunion;
Que par conséquent, sur les 3 administrateurs que compte le société COM.7,dont la réunion du Conseil d’Administration a été la seule visée par la convocation versée aux débats, seul un, en l’occurrence Bara TALL, était présent, ce qui viole les conditions de quorum exigées par l’article 451 alinéa 1 de l’Acte Uniforme sur les sociétés commerciales;
Qu’il s’agit là d’autant d’irrégularités dont le caractère manifeste autorise le juge des référés à les relever, mais seulement pour ordonner des mesures conservatoires de nature à conjurer un dommage imminent ou mettre un terme à un trouble manifestement illicite;
Que toutefois, s’il est compétent en l’espèce pour relever toutes ces irrégularités de la convocation et de la tenue du Conseil d’Administration querellé, le juge des référés ne saurait, sans violer le caractère provisoire des décisions rendues en matière de référé, prononcer ou constater la nullité d’un acte juridique quelconque, sauf celle des actes de procédure de référés elle-même; qu’il est entendu qu’il ne peut valablement être fait la différence entre constater et prononcer la nullité, l’une et l’autre mesure produisant l’effet de faire disparaître l’acte de l’ordonnancement juridique;
Considérant qu’en l’occurrence aucune autre demande qui pourrait s’analyser en une mesure provisoire et conservatoire n’ayant été formulée, le juge des référés ne saurait retenir sa compétence pour trancher une question de fond comme celle agitée en l’espèce, c’est-à-dire constater ou prononcer la nullité d’un acte juridique;
Qu’il échet dès lors, infirmant l’ordonnance querellée et statuant à nouveau, dire et juger que la mesure sollicitée excède la compétence du juge des référés;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
VU l’ordonnance de clôture;
Infirme l’ordonnance entreprise et statuant à nouveau se déclare incompétente;
Condamne les intimés aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour d’Appel de Dakar, Chambre Civile et Commerciale en son audience publique et ordinaire du 26/12/2003 séant au Palais de Justice de ladite ville, Bloc des Madeleines à laquelle siégeaient Madame Fatimatou KA, Président, Messieurs Mamadou DEME et Assane NDIAYE, Conseillers et avec l’assistance de Me Marèma Diop BARRY, greffier.
Et ont signé le Président et le Greffier/-