J-05-122
1. VOIES D’EXECUTION – SAISIE IMMOBILIERE – INCIDENTS – COMPETENCE – JUGE SAISI (oui).
2. VOIES D’EXECUTION – SAISIE IMMOBILIERE – EPOUX COMMUNS EN BIENS – PROCEDURE POURSUIVIE CONTRE LES 2 EPOUX (OUI) – LIQUIDATION ET PARTAGE DE LA COMMUNAUTE (non).
1. L e juge compétent pour une procédure de saisie immobilière l’est pour tous les incidents liés à cette procédure à l’instar de celle portant sur la validité d’une convention hypothécaire.
2. La procédure de saisie immobilière engagée contre des époux communs en biens doit être poursuivie contre les deux époux et, dès lors que l’un des époux s’est porté caution de l’autre et a renoncé à ses droits sur les immeubles affectés en garantie, il n’est plus nécessaire de procéder à la liquidation ou au partage préalable de la communauté avant la poursuite de la procédure de saisie.
Article 247 AUPSRVE
Article 249 AUPSRVE
Article 250 AUPSRVE
Article 276 AUPSRVE
Article 277 AUPSRVE ET SUIVANTS
(Tribunal de Grande Instance du Moungo à Nkongsamba, jugement n°24/CIV du 06 Mars 2003; Affaire Monsieur FENGYEP René, Dames FENGYEP Marie et Jeanne contre la Société Générale des Banques au Cameroun).
LE TRIBUNAL,
Vu les lois et règlements en vigueur
Vu les pièces du dossier de la procédure;
Attendu que par acte du 29 mai 2001 Me PENDA Jean, Huissier de justice à Nkongsamba, dûment enregistré le 23 Juillet 2001, la société Générale des Banques au Cameroun (S.G.B.C.) a fait commandement aux sieurs MOHAMADOU MAMA OUBA, chauffeur domicilié à Nkongsamba BP 368, et FENGY Réné, commerçant BP.368 Nkongsamba, aux fins de saisie et vente forcée de l’immeuble bâti, objet du titre foncier n°603 du livre foncier du Département du Moungo, formant le lot n°66 du lotissement pastorale III (ville de Nkongsamba), d’une contenance superficielle de 750 M2;
Attendu que le 23 juillet 2001, sieur FENGYEP Réné, dame FENGYEP Marie et FENGYEP Jeanne, demeurant à Nkongsamba et ayant pour conseil Me NTSAMO Etienne, avocat au Barreau du Cameroun, ont déposé des dires observations à insérer dans le cahier des charges et tendant à voir :
Déclarer nul et de nul effet l’acte d’hypothèque n° 1468/REP du 1er février 1989 (les articles 8 al 1 de l’ordonnance n° 74/REP du 06 Juillet 1974, 1134, 1401 al 3, 2213, 2154 C.CIV);
Déclare nul et de nul effet le commandement aux fins de saisie immobilière du 29 mai 2001 et les poursuites subséquentes (vu les articles 249 et 250 de l’acte uniforme OHADA);
Attendu que Me YIKAM Jérémie pour la SGBC, conclut :
1-Sur l’action en nullité de la convention d’hypothèque comme irrecevable;
2- Sur l’action en nullité du commandement comme non fondée;
3- A la condamnation des époux FENGYEP aux dépens dont distraction à son profit, avocat aux offres de droit;
Attendu qu’il échet de statuer;
I/ SUR LA NULLITE DE LA CONVENTION HYPOTHECAIRE N° 468/REP DU 1er FEVRIER 1983
Attendu que le conseil de sieur FENGYEP et épouses Marie et Jeanne affirme que l’acte d’hypothèque sus-visé est nul et de nul effet pour avoir été dressé à la base d’une simple lettre privée du 1er Septembre 1987 adressée par Mr MOHAMADOU MAMA OUBA à Monsieur le Directeur de la SGBC, agence de Nkongsamba
Qu’il est de doctrine et de jurisprudence constantes que “ tout mandat reçu en vue d’établir un acte notarié constitutif de droits réels immobiliers, doit lui-même être notarié, à peine de nullité absolue de cet acte et de tout autre acte subséquent découlant (article 8 de l’ordonnance n°74/1 du 06 Juillet 1974 fixant le régime foncier);
Que même quelque procuration expresse aurait due être notariée pour être valable;
Attendu que ce conseil cite une abondante jurisprudence (CS arrêt n°88/cc du 08 mars 1971; CS arrêt n°26/civ du 22 janvier 1972 (in lexique de jurisprudence en droit camerounais par Me TEGUIA P. 317 et 318);
Attendu que le conseil de la SGBC Me YIKA Jérémie, affirme que ces jurisprudences relèvent de l’imaginaire de son adversaire, que les références sus énoncées sont erronées, sauf l’arrêt n°88/cc du 08 Juin 1971, mais que cet élément a un contenu bien différent des prétentions de la partie opposée;
Que l’acte en nullité d’une convention conclue par devant Notaire relève du juge de droit commun et non du juge des incidents de saisie immobilière dont la compétence est strictement limitée à l’appréciation des incidents susceptibles de naître au cours de la procédure de saisie immobilière réglementée par l’acte Uniforme n°6;
Que la saisie immobilière étant une procédure spéciale d’exécution, les nullité susceptibles d’être invoquées sont les seules prévues par ledit acte à l’exclusion de toutes autres qui ne sont pas née de la saisie;
Qu’ainsi l’action des consorts FENGYEP doit être déclarée irrecevable devant le juge de céans comme remettrant en cause titre de créance;
(…);
Attendu que point n’est besoin quant à présent, de pérorer sur la jurisprudence et la doctrine émises par le conseil de FENGYEP et épouses, mais, qu’il convient d’examiner les points de droit soulevés;
Attendu que la vente forcée d’immeuble ne peut être poursuivie qu’en vertu d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible……l’indication ne peut être qu’effectuée que sur un titre définitivement exécutoire et après liquidation (article 247 acte Uniforme OHADA n°6);
Que s’il est évident que la saisie immobilière demeure par nature une saisie à fin d’exécution, les incidents susceptibles de naître au cours de la procédure peuvent porter sur le titre en exécution, sur la créance, qui doit être liquide et exigible;
Qu’on ne saurait demander au juge compétent d’ignorer les moyens soulevés sur ces points, et procéder à la vente forcée comme le prétend le conseil de la SGBC sans violer les dispositions de l’article 249 sus relevées, parce que dit-il, l’action en nullité d’une convention conclue par devant Notaire relève du juge du droit commun et non du juge des incidents de saisie immobilière;
Que c’est à bon escient que le Tribunal examinera la convention hypothécaire n°1468 du 1er Février 1989;
(…);
Qu’il échet de débouter FENGYEP et épouses comme non fondés sur ce moyen;
II/ SUR LA NULLITE DU COMMANDEMENT
Attendu que FENGYEP et épouses fondent leur action sur la violation des article 1399, 1401 al. 3 C.CIV, 249 et 250 de l’Uniforme n°06;
Qu’ils prétendent qu’ils sont mariés sous le régime de la communauté des bien et que la vente forcée de l’immeuble litigieux ne peut être poursuivie que contre les trois conjoints ou alors qu’après que les créanciers de l’un d’eux aient provoqué soit le partage, soit la liquidation de cette communauté;
Qu’il verse aux débats des photocopies d’actes de mariage exprimant sa polygamie avec dames MBATCHOU Jeanne le 10 décembre 1979 et KUIKUE Marie Noël le 03 Août 1983;
Mais attendu que la convention hypothécaire querellée ne concerne que sieur FENGYEP et son épouse née MBATCHOU Jeanne;
Qu’il y est consigné que celle-ci, après avoir pris connaissance de la convention de compte courant a déclaré se rendre et se constituer caution solidaire et indivisible du constituant sans réserve ni bénéfice de discussion… et qu’elle renonce au profit de la banque sur les biens immobiliers appartenant à son mari et spécialement affectés à la garantie des présentes en principal, intérêts, frais et accessoires, à l’hypothèque légale que reconnaît l’article 2121 du code civil;
Attendu donc que l’apparition maintenant de dame KUIKUE Marie Noël épouse FENGYEP, pourtant mariée depuis le 03 Août 1983, mais jamais mêlée à la convention exprime quelque volonté de dol ou dilatoire;
Qu’il est évident que si la Banque avait le moindre soupçon sur l’existence de cette deuxième épouse, elle n’aurait pas admis le contrat;
Attendu aussi que le code civil a été conçu pour les cas de monogamie; qu’il y est même interdit de contracter un second mariage avant la dissolution du premier (article 147 du C.CIV);
Que tous les articles afférents aux biens ou à quelques partage font état de la femme (marié, survivante…) et non des femmes;
Qu’ainsi l’article 1474 du code civil dit explicitement que le parage de l’actif de la communauté se fait par moitié entre les époux, ce qui suppose l’existence seulement d’un homme et d’une femme;
Qu’il échet de dire qu’il n y a nullement eu violation des articles 1399 et 1401 al.3 du code civil;
Attendu que l’article 250 de l’acte Uniforme OHADA stipule que “ la vente forcée des immeubles communes est poursuivie contre les deux époux ”;
Que la loi, de ce fait, ignore la famille vicieuse que constitue la polygamie, celle-ci étant par nature illimitée, permettant abus et spéculations pernicieuses;
Qu’il échet de dire qu’il n’y a eu nullement violation de cette loi;
Attendu, s’agissant de l’article 249 de l’acte Uniforme OHADA, que les époux FENGYEP demeurent mariés; que l’épouse FENGYEP, dame MBATCHOU Jeanne intervient dans l’acte d’hypothèque, qu’elle y dit se constituer caution, solidaire et indivisible de son mari, le constituant, sans réserve ni bénéfice de discussion pour le montant de cette convention de compte courant en principal, frais et accessoires;
Qu’elle y dit aussi renoncer au profit de la banque sur les biens immobiliers de son mari et affectés spécialement à la garantie, à l’hypothèque légale que lui reconnaît l’article 2121 du code civil;
Qu’il n’y a de ce fait aucun lieu d’arguer de quelque violation de l’article 249 de l’acte Uniforme OHADA, cette convention tenant lieu de loi pour les parties, parce que librement consentie;
Qu’il échet de débouter le sieur FENGYEP et épouses comme mal fondés sur ce moyen;
SUR LA PRESCRIPTION DECENNALE DE L’INSCRIPTION HYPOTHECAIRE
(…);
SUR LE DEFAUT DE CLOTURE DE COMPTE
(…);
SUR LES DEPENS
Attendu que la partie qui succombe au procès en supporte les dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et commerciale en premier et dernier ressort;
Déclare non fondés les dires et observations de sieur FENGYEP Réné et autres, les rejette par conséquent;
Ordonne la continuation des poursuites;
Fixe la vente au 17 Avril 2003;
Dit qu’elle aura lieu par devant maître DJIFACK Joseph, Notaire à Nkongsamba;
Ordonne la publicité légale (articles 276, 277 et suivants de l’acte Uniforme OHADA) préalablement à la vente, sans qui est lieu à dénonciation;