J-05-124
Voir Ohadata J-05-102 et Ohadata J-05-103
SOCIETES COMMERCIALES – DELIBERATION DU CONSEIL D’ADMINISTRATION D’UNE SOCIETE ANONYME – DIFFICULTES SERIEUSES (NON) – COMPETENCE DU JUGE DE L’URGENCE POUR ANNULER LES DELIBERATIONS D’UN CONSEIL D’ADMINISTRATION IRREGULIEREMENT TENU (OUI) – RESPECT DU DELAI LEGAL DE CONVOCATION DES ACTIONNAIRES (NON) – RESPECT DU QUORUM (NON) – POUVOIR DE REPRESENTER UN ADMINISTARATEUR (NON) – CONSTATATION DE LA NULLITE DES DELIBERATIONS DU CONSEIL D’ADMINISTRATION (oui).
Un administrateur minoritaire d’une société anonyme a tenu seul une réunion du Conseil d’Administration et a pris d’importantes mesures. Les deux autres administrateurs, dont le Président du Conseil d’Administration, ayant pris connaissance du procès-verbal du Conseil d’Administration ont saisi le juge des référés pour obtenir l’annulation des délibérations de celui-ci, aux motifs que d’une part, la convocation servie la veille de la réunion à l’un des administrateurs l’a été de manière irrégulière et de l’autre la procuration d’un autre administrateur dont s’est prévalue l’administrateur minoritaire n’existe pas de telle sorte que les conditions requises par l’article 16 des statuts relatives à la convocation et au quorum n’ont pas été respectées.
Le juge des référés après avoir rejeté l’exception d’irrecevabilité tirée de l’existence de difficultés sérieuses invoquées par l’administrateur minoritaire et retenu sa compétence a, sur la base des articles 428 de l’AUSCGIE et 16 des statuts de la société, constaté la nullité des délibérations prises par le Conseil d’Administration aux motifs que la convocation en date est parvenue à l’un des administrateurs le jour même de la tenue du Conseil d’Administration, mais qu’en plus l’examen du pouvoir atteste que l’autre administrateur avait mandaté une autre personne que l’administrateur minoritaire de telle sorte que ce dernier ne pouvait légalement le représenter.
Article 428 AUSCGIE
Article 459 AUSCGIE
(Tribunal Régional Hors Classe de Dakar – ordonnance de référé n° 583 du 28 avril 2003 du Juge Mademba GUEYE, Youssou NDOUR-Cheikh Tall DIOUM c/ Bara TALL).
NOUS JUGE DES REFERES
ATTENDU que suivant exploit en date du 17 mars 2003 de Maître Abdoulaye BA, Huissier de Justice à Dakar,Cheikh Tall DIOUM et Youssou NDOUR ès qualité d’administrateur de la société COM.7 S.A ont assigné Bara TALL administrateur de COM.7 S.A en annulation des délibérations prises par le Conseil d’Administration de la société le mardi 27 juillet 2002;
Que l’exécution provisoire sur minute et avant enregistrement est en outre sollicitée;
SUR LA COMPETENCE
ATTENDU que Bara TALL par l’organe de son Conseil Maître Boubacar WADE soulève l’incompétence de la juridiction de céans en faisant valoir l’existence d’une difficulté sérieuse;
Que précisant les circonstances qui ont présidé à la réunion du Conseil d’administration du 23 juillet 2002, il souligne que le Conseil a été réuni en urgence parce que la Directrice Générale avait pris purement et simplement la décision de déposer le bilan et de demander une administration provisoire;
Qu’il ajoute que suivant lettre en date du 04 juillet 2002 adressée à Cheikh Tall DIOUM et Bara TALL, la dame Jacqueline Fatima BOCOUM avait attiré l’attention des administrateurs sur la situation du groupe COM.7 et demandait une intervention d’urgence pour sauver les 150 emplois du groupe;
Qu’il fait observer la deuxième précision concerne l’acte de nantissement consenti par Cheikh Tall DIOUM par le biais de la société AUDIOCOM au profit du sieur Pierre AIM et qui porte sur l’intégralité des actions du groupe COM.7 à savoir « 3900 actions de la société COM.7, les trois sociétés formant le groupe COM.7 pour un montant de 595.000.000 F francs »;
Qu’il poursuit que ledit acte de nantissement prévoit que Cheikh Tall DIOUM s’oblige à solliciter le consentement du Conseil d’Administration;
Qu’il soutient qu’ainsi que tentent de le faire croire, les sieurs DIOUM et NDOUR, le 23 juillet 2002 il n’y a pas eu seulement la réunion du Conseil d’Administration de COM.7, 7 éditions et 7 FM ainsi qu’il résulte des procès-verbaux établis à cette réunion;
Qu’il ajoute qu’il peut être constaté que les sieurs DIOUM et NDOUR curieusement se sont bornés à soutenir qu’ils ignoraient la réunion du Conseil d’Administration de COM.7 dont ils ont joint le procès-verbal à l’exploit introductif d’instance, ce qui suppose ne les ayant pas attaqués qu’ils n’ignoraient pas l’existence du procès-verbal du Conseil d’Administration de 7 Editions du mardi 23 juillet 2002 et le procès-verbal du Conseil d’administration du même jour de la société 7 FM;
Que se fondant sur les dispositions de l’article 459 de l’Acte Uniforme sur les sociétés commerciales selon lesquelles « les procès-verbaux sont certifiés sincères pour au moins un administrateurs provisoire », il soutient que les procès-verbaux ci-dessus visés ont été signés par un administrateur ce qui indique implicitement mais nécessairement qu’ils sont sincères alors surtout qu’ils n’ont jamais été contesté ni par Youssou NDOUR, ni par Bara TALL;
Que selon lui, il résulte de ces documents que ces deux administrateurs présents à la réunion du Conseil d’Administration du mardi 23 juillet 2002 ont régulièrement constaté le pouvoir donné par Youssou NDOUR à Bara TALL;
Qu’il s’ensuit, ajoute t-il que Youssou NDOUR ne peut pas sérieusement soutenir que la réunion de la société COM.7 s’est tenue à son insu et qu’il n’a jamais été convoqué à cette réunion;
Que contrairement aux affirmations des demandeurs, la réunion ne s’est jamais déroulée à leur insu;
Que selon Bara TALL il résulte d’un pouvoir spécial établi par Youssou NDOUR en personne à Nice le 22 juillet 2002 qu’il a donné procuration à Djibril NDIAYE pour assister à la réunion du Conseil d’Administration de COM.7 du 23 juillet 2002;
Qu’il poursuit qu’il est ainsi impossible pour Youssou NDOUR de soutenir sérieusement devant un tribunal qu’il ignorait l’existence de la réunion et qu’il n’a pas demandé à y être représenté sauf à expliquer que le remplacement de Djibril NDIAYE par Bara TALL s’appuie sur un motif légal selon lequel à l’occasion de la réunion du Conseil d’Administration d’une société, un administrateur ne peut être représenté par un administrateur;
Qu’il soutient que les parties ont été régulièrement convoquées ce qui résulte des procès-verbaux établis par tous les groupes et les convocations versés;
Que l’examen du procès-verbal de la réunion de la société COM.7 permet de constater qu’il a été évoqué deux questions :
1°) l’offre de démission de la Directrice Générale
2°) la requête de Pierre AIM
Que selon lui aucun de ces points ne peut être soulevé par Cheikh Tall DIOUM pour solliciter l’annulation du procès-verbal puisqu’il ne pouvait prendre part au vote s’agissant d’une convention soumise à autorisation au regard de l’article 20 des statuts;
Qu’il soutient enfin que la démission de Jacqueline Fatima BOCOUM étant effective l’annulation du procès-verbal, ne viserait qu’à remettre en cause l’autorisation donnée pour la validité de la convention de nantissement signée par Cheikh Tall DIOUM;
Qu’il résulte, soutient-il, de tout ce qui précède et des documents versés qu’il y a une difficulté justifiant l’incompétence de la juridiction de céans;
Qu’à l’appui de ses prétentions il verse au débat plusieurs pièces dont une convocation en date du 22 juillet 2002 adressée à Cheikh Tall DIOUM, un pouvoir en date du 22 juillet 2002 donné par Youssou NDOUR à Djibril NDIAYE, le procès-verbal du Conseil d’Administration de la COM.7 – S.A du mardi 23 juillet 2002 ainsi que les statuts du groupe COM.7;
ATTENDU qu’en réponse les sieurs DIOUM et NDOUR ont rétorqué par l’organe de leurs Conseils Mes FAYE et SALL, Me Ibrahima SARR & Associés que le siège de la cause d’irrégularité substantielle à constater par le juge des référés réside en ce que les deux seuls signatures apposées sur le procès-verbal du Conseil d’Administration de COM.7 S.A sont de Bara TALL, ce que du reste il ne conteste pas et ne peut contester en tout état de cause;
Qu’en effet, ajoutent-ils, la société COM.7 S.A étant composée de trois associés, tous administrateurs, et qu’il est indiqué dans ledit procès-verbal du Conseil d’Administration présidé Par Bara TALL que, Youssou NDOUR était représenté par lui-même et que Cheikh Oumar DIOUM était absent, il est évident qu’aucun d’eux n’était présent pour pouvoir signer ledit procès-verbal;
Qu’ils soutiennent que pour donc que le soit disant Conseil d’Administration du 23 juillet 2002 puisse recevoir l’onction de régularité pour être en mesure de prendre des délibérations qui leur sont opposables, il faut que Bara TALL présente au juge des référés, en original, la procuration en bonne et due forme que Youssou NDOUR lui aurait donné pour l’habiliter à le représenter, et la décharge de la convocation qu’il aurait fait parvenir à Cheikh Oumar DIOUM pour assister audit Conseil d’Administration;
Que selon eux, ils n’ont pas été placés dans les conditions statutaires pour prendre part aux délibérations dudit Conseil dont la tenue a été décidée par le seul Bara TALL, leur associé administrateur, les délibérations qui y ont été prises les ont été à leur insu;
Que c’est pourquoi ils sollicitent de la juridiction de céans de constater cet états de fait et d’en tirer les conséquences de droit, à savoir constater la nullité des délibérations relatées dans le procès-verbal du Conseil d’Administration incriminé conformément à l’article 428 de l’Acte Uniforme sur le droit des sociétés commerciales et du GIE;
Qu’à l’appui de leurs prétentions ils versent au débat le procès-verbal du Conseil d’Administration de COM.7 –S.A tenu le 23 juillet 2002 et les statuts de la COM.7 – S.A;
ATTENDU qu’en vertu de l’article 247 du CPC nouveau « dans tous les cas d’urgence, le Président du Tribunal peut à titre provisoire, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse que justifient l’existence d’un différend »;
Qu’il s’infère de ce texte de loi que le juge des référés est le juge de l’urgence et de l’évidence;
ATTENDU qu’en droit la contestation sérieuse s’entend de celle que le juge des référés ne peut rejeter en quelques mots et qui le contraint de trancher une question de fond pour justifier la mesure qu’il est sollicité de prendre;
ATTENDU qu’aux termes des dispositions de l’article 16 des statuts de la société COM.7 S.A : « le Conseil d’Administration ne délibère valablement qu’à la double condition ci-après :
– si tous les membres ont été régulièrement convoqués;
– et si la moitié au moins de ses membres sont présents »;
ATTENDU que l’article 428 de l’Acte Uniforme sur les sociétés commerciales dispose que les délibérations prises par un Conseil d’Administration irrégulièrement constitué sont nulles »;
ATTENDU qu’en l’espèce l’examen de la convocation en date du 22 juillet 2002 atteste que celle-ci est parvenue à Cheikh Oumar DIOUM le 23 juillet 2002 c’est-à-dire le jour même de la tenue du Conseil d’Administration qu’il apparaît ainsi que ce dernier n’a pas été convoqué dans les conditions lui permettant de prendre part aux délibérations du Conseil;
Que plus décisivement l’examen du pouvoir en date du 22.07.2002 atteste que Youssou NDOUR avait mandaté le sieur Djibril NDIAYE, que le sieur Bara TALL n’avait donc aucun pouvoir pour le représenter contrairement à ce qu’il a mentionné dans le procès-verbal litigieux;
Qu’il apparaît de tout ceci qu’au cours de ce Conseil un seul administrateur a siégé alors qu’il est constant comme résultant de l’article 14 des statuts et des débats que le Conseil d’Administration de ladite société est normalement composé de trois membres;
Qu’ainsi, la condition de majorité requise par l’article 16 des statuts n’a pas été respectée;
ATTENDU qu’ainsi un examen même superficiel du dossier permet de constater ces irrégularités qui entachent la réunion du Conseil d’Administration de la COM.7 S.A tenue le 23 juillet 2002;
Que les contestations soulevées par le sieur Bara TALL ne sont pas sérieuses eu égard à l’évidence des irrégularités relevées;
Que ceci étant il y a lieu de se déclarer compétent et de constater la nullité des délibérations prises par le Conseil d’Administration de la société COM.7 S.A tenue le 23 juillet 2002 en application des dispositions de l’article 428 de l’Acte Uniforme sur les sociétés commerciales et le GIE;
ATTENDU que les demandeurs n’ont pas caractérisé l’absolue nécessité d’ordonner l’exécution provisoire sur minute, il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire simple compte tenu de la matière;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé et en premier ressort;
Nous déclarons compétent;
Constatons la nullité des délibérations prises par le Conseil d’Administration de la société COM.7 –S.A le 23 juillet 2002;
Ordonnons l’exécution provisoire;
Condamnons Bara TALL aux dépens;
Et signons le Président et le Greffier /-