J-05-130
PROCEDURES SIMPLIFIEES DE RECOUVREMENT – INJONCTION DE PAYER – ORDONNANCE PORTANT INJONCTION DE PAYER – ACTE DE SIGNIFICATION – OMISSION D’UNE FORMALITE PRESCRITE – NULLITE – EXIGENCE D’UN GRIEF (NON).
Dès lors que l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution qui se suffit à lui-même spécifie là où il faut chercher un grief, il n’ y a pas lieu de subordonner la nullité à la preuve d’un grief dans les cas où le texte qui édicte la formalité ne l’exige pas.
Article 8 AUPSRVE
(Tribunal RÉGIONAL HORS CLASSE DE DAKAR, JUGEMENT N° 472 DU 18 MARS 2003, CHIMITECHNIC SENEGAL C/ SOCIETE NATIONALE DES TELECOMMUNICATIONS DU SENEGAL DITE SONATEL).
LE TRIBUNAL,
VU les pièces du dossier;
OUI les parties en leurs conclusions respectives;
Le Ministère public entendu et après en avoir délibéré conformément à la loi;
ATTENDU que par exploit en date du 14 mars 2002 servi par Maître Malick Sèye FALL, Huissier de Justice à Dakar, la Société CHIMITECHNIC SENEGAL a fait opposition contre l’ordonnance d’injonction de payer n° 51/2002 du 01 février 2002 portant sur une somme de
1 753 924 francs quI lui a été signifié par la SONATEL et sollicite que celle-ci soit déboutée de toutes ses demandes;
EN LA FORME
ATTENDU que l’opposition a été faite dans les formes et délai de la loi, qu’il échet de la déclarer recevable;
AU FOND
SUR LA NULLITE DE LA NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER
ATTENDU que la Société CHIMITECHNIC soutient que la notification qui lui a été faite le 1er février 2002 de l’ordonnance est nulle pour n’avoir pas précisé le montant des intérêts, ni celui des frais de Greffe et l’acte de dénonciation ne contient pas l’avertissement du débiteur qu’il peut prendre connaissance au Greffe de la Juridiction les documents produits pour l’obtention de l’ordonnance, ceci conformément à l’article 08 du traité de l’OHADA sur les procédures simplifiées qui prescrit ses formalités à peine de nullité;
ATTENDU que de son côté la SONATEL soutient que l’article 826 du Code de Procédure Civile (CPC) dispose qu’aucune irrégularité d’exploit ou d’acte de procédure n’est une cause de nullité s’il n’est justifié qu’elle nuit aux intérêts de celui qui l’invoque alors qu’en l’espèce CHIMITECHNIC ne prouve aucun grief que lui cause cette omission d’autant que celle –ci avait déjà reconnu la créance de la SONATEL dans la sommation interpellative qui lui a été signifiée le 11 janvier 2002, qu’elle sollicite donc que CHIMITECHNIC soit déboutée de son opposition;
ATTENDU qu’aux termes de l’article 08 de l’OHADA sur les procédures simplifiées que la signification de la décision portant injonction de payer doit contenir un certain nombre de mentions à peine de nullité;
ATTENDU qu’il n’est pas contesté que l’acte de signification de l’ordonnance ne comporte pas toutes les formalités requises;
QUE la jurisprudence de la Cour Commune de justice et d’arbitrage retient que l’Acte Uniforme se suffit à lui même et il spécifie là où il faut chercher un grief ou pas, que l’article 08 de l’OHADA sur les recouvrements n’ayant pas prévu la preuve d’un grief, l’omission d’une des formalités entraîne la nullité de l’acte, qu’il y a lieu de déclarer l’acte de signification de l’ordonnance du 06 mars 2002 nul et en conséquence rétracter l’ordonnance n° 51/2002 du 1er février 2002 devenue caduque;
ATTENDU qu’il y a lieu de condamner la SONATEL qui succombe aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement contradictoirement en matière civile et en premier ressort;
EN LA FORME
Déclare l’opposition recevable;
AU FOND
Déclare nul l’acte de signification de l’ordonnance d’injonction de payer servi le 06 mars 2002;
Rétracte l’ordonnance n° 51/2002 du 1er février 2002;
Condamne la SONATEL aux dépens;
Ainsi fait jugé, et prononcé, les jours mois et an que dessus;
ET ont signé le Président et le Greffier ./.
Observations De Ndiaw Diouf, Professeur agrégé, Directeur du CREDILA
Le plaideur qui demande la nullité d’un acte accompli en violation d’une formalité prescrite par l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution doit –il, pour obtenir gain de cause, apporter la preuve que l’omission ou l’accomplissement irrégulier de la formalité en cause lui a causé un grief ? Voilà une question qui va encore faire couler beaucoup d’encre. Certes la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage a, quand la question lui été posée par le Président du tribunal judiciaire de première instance de Libreville(Gabon), donné, dans l’avis émis le 7 juillet 1999 1, une réponse très ferme formulée en des termes dénués de toute ambiguïté : « l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, dit-elle, a expressément prévu que l’inobservation de certaines formalités prescrites est sanctionnée par la nullité. Toutefois pour quelques unes de ces formalités limitativement énumérées, cette nullité ne peut être prononcée que si l’irrégularité a eu pour effet de causer un préjudice aux intérêts de celui qui l’invoque. Hormis ces cas limitativement énumérés, le juge doit prononcer la nullité lorsqu’elle est invoquée, s’il constate que la formalité prescrite à peine de nullité n’a pas été observée sans qu’il soit alors besoin de rechercher la preuve d’un quelconque préjudice ».
Cette solution n’emporte pas cependant, il faut le souligner, l’adhésion de tous les auteurs. On lui reproche notamment d’avoir établi une théorie générale des nullités en matière de voies d’exécution sur la base de l’article 297 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, alors que ce texte qui se trouve dans les dispositions propres à la saisie immobilière ne peut s’appliquer en dehors de ce type de saisie. La critique paraît fondée; en effet si le législateur avait entendu faire de l’article 297 une règle ayant une portée générale, donc applicable aussi bien en matière de saisie immobilière qu’en matière de saisies mobilières,, il l’aurait certainement placée dans les dispositions communes à toutes les saisies.
On est cependant obligé de constater que l’absence de dispositions propres à la saisie mobilière dans cet Acte uniforme ne signifie pas un renvoi à la loi nationale, contrairement à ce qui est parfois soutenu. En effet la diversité des règles applicables, en la matière, dans les différents Etats est telle que ce renvoi est inconcevable. Il s’y ajoute qu’en raison des dispositions de l’article 336 de l’Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution qui abroge toutes les dispositions régissant les matières concernées par cet Acte Uniforme, on peut légitimement penser que le législateur communautaire a voulu un système de nullité complet et fermé qui se suffit à lui-même. Dès lors, si le texte qui prévoit la formalité ne subordonne pas le prononcé de la nullité à la preuve d’un grief, le juge ne peut l’exiger en application de sa loi nationale.