J-05-139
BAIL COMMERCIAL – CONGE POUR REPRISE ET OCCUPATION PERSONNELLE – REFUS DE RENOUVELLEMENT DU CONTRAT DE BAIL – ECHEC DE LA TENTATIVE DE CONCILIATION – DEMANDE D’UNE INDEMNITE D’EVICTION SUR LA BASE DU CHIFFRE D’AFFAIRES, DES INVESTISSEMENTS REALISES – DISSOCIATION DU LOCAL PRINCIPAL ET DU LOCAL SECONDAIRE (NON) – OCROI D’UNE INDEMNITE D’EVICTION SUR LA BASE D’UNE NOTIFICATION DE REDRESSEMENT D’IMPOT CONCERNANT LES BENEFICES DECLARES POUR LES EXERCICES DE 1994, 1995, 1996, 1997 ET DU COUT DES AMENAGEMENTS EFFECTUES DEPUIS 1991 EN PRENANT EN COMPTE LA PLUS VALUE APPORTEE AU LOCAL.
Le sieur FATTOUNI locataire du sieur AKDAR d’un local à usage commercial depuis plus de 30 ans, s’est vue refuser le renouvellement du bail, suite à un congé qui lui a été servi pour occupation personnelle le 20 mai 1999.
Le juge des loyers saisi après avoir tenté en vain une conciliation a fixé les l’indemnité d’éviction en se fondant sur la notification de redressement d’impôt en date du 10 juillet 1998 concernant les bénéfices déclarés pour les exercices de 1994, 1995, 1996 et 1997 et les factures des aménagements effectués depuis 1991, après avoir au préalable estimé que d’une part l’article 94 de l’AUDCG ne restreint pas le champ d’investigation dans la détermination du montant de cette indemnité et, de l’autre, l’on ne saurait dissocier les activités qui concourent au développement d’exploitation commerciale du bailleur en distinguant le magasin qui est le siège de l’activité principale du local secondaire utilisé comme dépôt pour le stockage des marchandises.
Article 94 AUDCG
(Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, jugement n° 806 du 25 avril 2000, Mohamed FATTOUNI c/ Rouda AKDAR).
LE TRIBUNAL
VU les pièces du dossier,
OUI les avocats des parties en leurs conclusions respectives;
Le Ministère Public entendu et après en avoir délibéré conformément à la loi;
ATTENDU que suivant requête en date du 03 décembre 1999, Mohamed FATTOUNI agissant et concluant par l’organe de son Conseil, a saisi le juge des loyers pour entendre fixer le montant de l’indemnité d’éviction due par son bailleur Rouda AKDAR;
ATTENDU que les parties entendues en Chambre de conseil dans le cadre de la procédure de conciliation ne se sont pas accordé sur le montant de l’indemnité préférant conclure par leurs conseils;
ATTENDU que FATTOUNI a soutenu qu’il est locataire de AKDAR d’un local à usage commercial depuis plus de 30 ans, sis au 4, rue Grasland à Dakar;
Que congé lui fut servi pur reprise et occupation personnelle le 20 mai 1999; qu’il contesta ledit congé en demandant également le renouvellement du bail mais se heurte au refus de AKDAR signifié le 25 novembre 1999;
Que c’est dans ces conditions, qu’il sollicite au vu des chiffres d’affaires réalisés
Année : 1994 57.825.625 francs
1995 : 46.027.135 francs
1996 : 49.057.737 francs
1997 : 31.740.042 francs
1998 : 19.044.442 francs
et du montant des investissements 3.684.203 francs,
la somme de 150.000.000 de francs au titre de l’indemnité d’éviction outre celle de 3.684.203 francs relative au remboursement d’investissements réalisés, le tout sous le bénéfice de l’exécution provisoire du jugement à intervenir;
ATTENDU que Rouda AKDAR a relevé, s’agissant des travaux réalisés que les factures produites par FATTOUNI et qui font état de la somme de 1.347.000 francs au titre des réalisations, ne contiennent pas la mention « payé » attestant que des travaux n’ont pas été réalisés;
Que pour les autres factures relatives à des marchandises, il doute qu’elles aient servi à des travaux pour un dépôt; que de surcroît les dites marchandises ont été livrées à une société dite SUNUPLAST située à la rue Galandou Diouf; or il n’est pas rapporté que le dépôt sis au 4 de la même rue est inclus dans le patrimoine de la société SUNUPLAST; qu’il rejette en conséquence lesdites factures;
Que relativement au chiffre d’affaires, il fait valoir que les états financiers versés par FATTOUNI ne concernent que la Société SUNUPLAST, aucun chiffre d’affaires n’était réalisé dans le dépôt désaffecté et fermé depuis au moins 1997;
Qu’il conclut que les état financiers ne concernent que SUNUPLAST et ne prouvent pas la réalisation d’un chiffre d’affaires afférent à l’exploitation du local litigieux;
Que s’agissant de la situation géographique du local, il relève que le coefficient de commercialité est de 1,1; FATTOUNI ne payant qu’un loyer de 27.200 francs par lois, le montant par mois, le montant de l’indemnité d’éviction ne peut fixé qu’à 27.200 frs x 1,1 = 29.920 francs;
ATTENDU qu’en réplique FATTOUNI a soutenu que la réalité des travaux effectué sur une vieille bâtisse qu’est le dépôt justifie le montant avance de 3.684.203 francs :
Qu’il précise que SUNUPLAST n’est pas une société mais plutôt une enseigne commerciale et que le dépôt lui a toujours servi de stockage de ses marchandises pour approvisionner le local principal situé au G4, rue Galandou DIOUF;
Que le dépôt souligne-il n’a jamais été désaffecté comme en attestent les photos prises par l’expert et les procès-verbaux de constat sur interpellation;
Qu’il estime, en ce qui concerne la situation géographique que le loyer mensuel actualisé par l’expert désigné était de 203.280 francs; qu’il conclut que le montant de 50.000.000 francs réclamé est justifié;
ATTENDU que les parties sont liézs par un bail verbal à usage commercial dont la date n’est pas précisée mais qui remonte, comme il n’est pas contestée à 30 ans;
Que le local loué tel qu’il résulte du rapport de l’expert Lamine DIAL commis par ordonnance en date du 02 avril 1997, est constitué d’un magasin de 97 m2 et d’un dépôt de 101,52 m2 soit au total 198,52 m2;
Que pour un loyer fixé à 100.000 francs par mois d’après AKDAR, il n’a reçu plus paiement depuis le 1er janvier 1995;
Que FATTOUNI relève que le loyer est de 27.200 francs séparément pour le magasin et le dépôt;
ATTENDU que l’expert tenant compte des surfaces occupées de l’état des lieux et du loyer par mètre carré des magasins et dépôts environnants à fixé le loyer mensuel à 203.280 francs hors taxes;
Que ce premier indice connu, le calcul de l’indemnité d’éviction tiendra compte du montant du chiffre d’affaires des investissements réalisés par le preneur et la situation géographique du local;
Que le texte de l’article 94 ne restreint pas le champ d’investigation du juge dans la détermination du montant de cette indemnité; que le calcul est fait en tenant compte notamment du chiffre d’affaires des investissements, de la situation géographique;
Que rien n’interdit de faire l’addition du montant des bénéfices réels ou forfaitaires déclarés par le preneur pour les exercices qui précèdent l’année en cours au jour de la demande de renouvellement, somme majorée du coût des constructions et aménagements effectués avec l’autorisation du bailleur;
ATTENDU que FATTOUNI qui exerce son activité commerciale principale dans un magasin situé au G4, rue Galandou DIOUF, utilise le dépôt comme local secondaire pour le stockage de ses marchandises;
Que l’on ne saurait dissocier les activités qui concourent au développement de son exploitation commerciale; qu’il a produit une notification de redressement d’impôt en date du 10 juillet 1998 et qui concerne les bénéfices déclarés pour les exercices de 1994,1995,1996,1997;
Qu’il ne résulte cependant pas des pièces produites la déclaration de bénéfice de l’exercice 1998 précédant la demande de renouvellement;
Qu’il y a lieu dès lors de tenir compte des exercices 1995,1996 et 1997 pour des bénéfices respectifs de 688.183 francs, 729.737 francs et 459.927 francs soit au total la somme de 1.877.847 francs;
Que s’agissant des investissements réalisés ils ont trait à l’étancheité du hangar et à tuyauterie;
Que les factures versées n’ont pas été sérieusement contestées; qu’il échet de fixer les aménagements effectués depuis 1991 à la somme de 3.684.203 en prenant en considération également la plus value apportée au local;
Qu’il y a lieu en définitive de fixer l’indemnité d’éviction à la somme de 1.87.847francs + 3.684.203 francs = 5.562.050 francs;
Qu’il échet en conséquence de condamner Rouda AKDAR à payer ladite somme à Mouhamed FATTOUNI au titre de l’indemnité d’éviction;
ATTENDU qu’il y a pas l’urgence et le péril n’étant pas allégués, d’ordonner l’exécution provisoire;
PAR CES MOTIFS
Statuant en Chambre de conseil contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort;
Recevons en la forme, la requête de Mohamed FATTOUNI;
AU FOND
Fixons l’indemnité d’éviction du local sis au 4, rue Grasland à la somme de 5.562.050 francs,que Rouda AKDAR devra verser à Mohamed FATTOUNI.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus;
Et ont signé le Président et le Greffier./-