J-05-151
INJONCTION DE PAYER – ORDONNANCE – DIFFICULTES D’EXECUTION – COMPETENCE DU JUGE DES REFERES (oui).
Les difficultés liées à l’exécution d’une ordonnance d’injonction relèvent de la compétence du juge des référés car celles-ci ne constituent pas le contentieux de l’exécution qui, seules, lui échappent conformément à l’article 49 AUPSRVE
Article 49 AUPSRVE
(Tribunal de première instance de Nkongsamba, Ordonnance n°14/REF du 31 Mai 2004, Affaire KWATCHO TCHAPDIE Baltazare c/ La Société Générale des Banques du Cameroun).
Nous, juge de référés;
– Attendu que par exploit en date du 13 Mai 2004 ministère de maître SIMO DJOMO Marcel, huissier de justice à Nkongsamba, non encore enregistré, mais qui le sera en temps utile, Sieur KWATCHO TCHAPDIE Baltazare, héritier principal et administrateur de la succession de feu KOUATCHO Elie Samuel, Etudiant à Montréal au Canada et actuellement en congé au Cameroun et demeurant à Manjo, ayant domicile élu à l’étude de l’huissier susvisé, a fait donner assignation en référé d’heure à heure à la Société Générale de Banques au Cameroun (S . G. B. C ) S.A, dont le siège est à Douala, prise en la personne de son Directeur d’agence à Nkongsamba, d’avoir à se trouver et comparaître le 24 Mai 2004 à 10 heures par devant nous, statuant en matière de référés d’heure à heure, pour, est-il dit dans cet exploit;
– S’entendre condamner à exécuter les termes de l’ordonnance n° 54/03/04 du 06 Mai 2004 en reversant la somme de 7millions de francs au demandeur, sous astreinte de 2.000.000 frs par jour de retard;
– S’entendre condamner aux dépens;
– S’entendre dire l’ordonnance à intervenir exécutoire sur minute et avant enregistrement;
– Attendu qu’au crédit de sa, demande, Sieur KWATCHO TCHAPDIE Baltzare administrateur de la succession de KWATCHO Elie Samuel explique qu’en vertu d’une ordonnance n°51/03-0rendue le 06 Mai 2004 par le Président du Tribunal de céans, il a été autorisé à prélever sur le compte n°771.349 ouvert dans les livres de la S.G.B.C. par feu son père KWATCHO Elie Samuel la somme de 7.000.000 frs pour subvenir aux problèmes familiaux et couvrir une partie des frais de scolarité de ses frères cadets.
– Que ladite ordonnance, bien qu’exécutoire sur minute et avant enregistrement, régulièrement signifiée par huissier en date du 10 Mai 2004 à la S.G.B.C., n’a pas eu de suite favorable.
– Que le retard observé dans l’exécution de ladite ordonnance lui cause un préjudice, puisque étudiant à Montréal, il devait retourner au Canada le 18 Mai 2004 comme en fait foi la thermocopie du billet d’avion versé au dossier;
– Qu’il y a lieu d’amener la S.G.B.C. à l’exécuter en prononçant à son égard une astreinte de 2.000.000 frs par jour de retard.
– Attendu que pour faire échec aux prétentions du demandeur, la S.G.B.C. développe des arguments de compétence, de qualité, avant le bien fondé de la demande.
– Que le juge des référés est incompétent à connaître des litiges relatifs aux incidents d’exécution;
– Que pour la qualité, aucun document dans les pièces communiquées n’établit la filiation réelle du demandeur comme fils du decujus.
– Qu’en plus, le testament sur lequel il fonde sa qualité n’a jamais été homologué.
– Qu’en outre, la demande doit être déclarée mal fondée, feu KWATCHO Elie Samuel n’a aucun compte ouvert à la S.G.B.C. sous le numéro 771-348-B (ou 3100-771349-B);
– Attendu qu’il est de bon ton d’examiner l’exception d’incompétence (I), la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité (II), deux paramètres qui précèdent le bien fondé de la demande (III).
I -Sur l’exception d’incompétence du Juge des référés
– Attendu que la S.G.B.C. soutient sous la plume de son conseil Maître YIKAM Jérémie que depuis l’avènement de l’article 49 de l’uniforme n°6 sur les voies d’exécution, le Juge des référés est désormais incompétent pour les litiges relatifs aux incidents d’exécution.
– Que la Jurisprudence est constante sur ce point;
– Attendu cependant qu’il y a lieu de distinguer le contentieux de l’exécution, des difficultés d’exécution.
– Que si le contentieux de l’exécution échappe au Juge des référés au regard des
dispositions de l’article 49 de l’A.U.V.E, les difficultés demeurent de la seule compétence du Juge des référés dans les matières ne relevant pas l’OHADA;
– Que s ‘agissant d’ailleurs d’une ordonnance sur requête, la compétence du Juge des référés devient liée, ceci parce que l’ordonnance querellée précise qu’il faut s’en référer au signataire en cas de difficultés;
– Que par conséquent, le Juge des référés se trouve être Juge compétent en l’espèce.
– Qu’il y a lieu de rejeter l’exception d’incompétence comme non fondée.
II- Sur le défaut de qualité
(…);
– Qu’il y a lieu de rejeter la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité par la S.G.B.C. comme non fondée.
III- Sur la demande principale
– Attendu que le demandeur KWATCHO TCHAPDIE Baltazare sollicite que la Société Générale de Banque du Cameroun soit amenée à exécuter les termes de l’ordonnance n°54/30-04 du 24 Mai 2004 ayant autorisé que lui soit reversé la somme de 7.000.000 frs (sept millions de francs) prélevé sur le compte de son défunt père, dans son compte n°771-349-B;
– Attendu cependant qu’il est versé au dossier de procédure un bordereau de retrait S.G.B.C. daté du 26/07/2001 attestant que le decujus est titulaire d’un compte bancaire à l’agence S.G.B.C. de Nkongsamba avec un solde permettant le prélèvement sollicité par la succession du decujus.
– Que les exceptions fin de non recevoir et les arguments développés au fond du provisoire par la S.G.B.C. traduisent une intention manifeste de ne pas exécuter l’ordonnance qui vise la sauvegarde des droits de la succession qui continue la personne du decujus, client de la S.G.B.C; Qu’il s’agit d’une voie de fait qu’il faut faire cesser et ordonner par conséquent le reversement par la S.G.B.C. au demandeur, administrateur de la succession du decujus de la somme de 7.000.000 frs telle que fixée par l’ordonnance n°51-03-04 du 06 Mai 2004.
Sur l’astreinte sollicitée.
(…).
PAR CES MOTIFS
– Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière de référés d’heure à heure, en premier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi;
– Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront mais dès à présent et vu l’urgence;
– Rejetons tant l’exception d’incompétence matérielle que la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité comme non fondées;
– Recevons Sieur KWATCHO TCHAPDIE Baltazare, administrateur de la succession de feu KWATCHO Elie Samuel en sa demande;
– Ordonnons l’exécution par la S.G.B.C.des termes de l’ordonnance n°51/03-04 du 06 Mai 2004, notamment en prélevant la somme de 7.000.000 frs (sept millions) du compte du decujus ouvert dans leurs livres et en la reversant au demandeur et ceci sous astreinte de 300.000frs par jour de retard à compter de la signification de la présente décision.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur
Cette décision est troublante à deux tires.
Dire que les difficultés d’exécution d’une ordonnance d’injonction de payer ne relèvent pas du contentieux de l’exécution des décisions est inexact; il n’y a pas de différence entre elles.
Quant à dire que les premières relèveraient du juge des référés mais pas les secondes qui, elles, relèveraient du juge de l’article 49 AUPSRVE est également inexact puisque cet article vise, précisément, le juge des référés (voir la jurisprudence de la CCJA sur ce point).