J-05-158
VOIES d’EXECUTION – JUGEMENT – GROSEE – COPIE GROSSE REVETUE DE LA FORMULE EXECUTOIRE – TITRE EXECUTOIRE – SIGNIFICATION – VALIDITE (oui).
La copie grosse d’un jugement revêtue de la formule exécutoire constitue un titre exécutoire au même titre que la grosse elle-même et peut dès lors être valablement signifiée au débiteur.
(Tribunal de première instance de Nkongsamba, ordonnance n°1/REF du 13 Mars 2002, affaire La Compagnie Nationale d’Assurance c/ les ayants-droit de feu TUNG Hyacinthe KEDZE et de feu TUNG Victorine représenté par TUNG KEMBIE, les ayants-droit de feu CHINDUM Zita représentés par CHICHY Senthers Philip, TUNG Alfred KUM).
ORDONNANCE
– Nous, Président;
– Attendu que par exploit des 15 et 16 janvier 2002, non encore enregistré mais qui le sera en temps utile, de Maître PENDA Jean, huissier de justice à Nkongsamba, la Compagnie Nationale d’Assurance (CNA) dont siège social à Douala BP 12 125, ayant pour conseil Maître YIOKAM Jérémie, Avocat au Barreau du Cameroun BP 756 Nkongsamba, a fait donner assignation à Maître MBA René, huissier de justice à Nkongsamba, aux ayants droit de feu TUNG Hyacinthe KEDZE et de feu TUNG Victorine représenté par TUNG KEMBIE dont domicile élu en l’étude de Maître TEKEU Victor, huissier de justice à Douala, aux ayants droit de feu CHI NDUM Zita représentés par CHI CHRYS ENTHERS Philip dont domicile élu en la même étude que ci-dessus, à TUNG Alfred KUM demeurant à Nkongsamba mais dont domicile également élu en l’étude de Maître TEKEU Victor, à comparaître par devant Monsieur le Président du tribunal de première instance de Nkongsamba statuant en matière de référé pour, est-il spécifié dans ledit exploit :
– Au principal, renvoyer les parties à mieux se pourvoir;
– -Dès à présent, vu l’urgence;
– Ordonner la discontinuation des poursuites;
– Annuler les signification commandement au double motif de la signification de la copie grosse à la place de la grosse et de la non signification préalable d’une expédition de l’article 92 de l’Acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution;
– Condamner les défendeurs aux dépens avec distraction au profit de Maître YIKAM Jérémie, Avocat aux offres de droit;
– Attendu que la requérante fait en substance valoir dans l’exploit susvisé;
– Que par jugement n°1041/COR du 24 Avril 2001, le tribunal de première instance de Nkongsamba, statuant publiquement, contradictoirement à l’égard du prévenu (LAMBO Laurent), TEUKOU Emilienne, TUNG Alfred KUM, les ayants droit de feu CHI NDUM Zita, les ayants droit des défunts TUNG Hyacinthe KEDZE et TUNG Victorine, par défaut contre les victimes TAINKOU KANDJOU, DANCHE Roger, BOBOSSI Elie et MADJEU Marie Claire, en matière correctionnelle et au premier degré, entre autres alloué aux parties civiles, au titre des dommages- intérêts compensatoires la somme totale de six millions six cent soixante treize mille cent vingt deux (6.673.122) francs CFA soit :
– A) 374.562 F à TEUKOU Emilienne
– B) 3.126.039 F à TUNG Alfred KUM
– C)2.554.811 F aux ayants droit de feu TUNG Hyacinthe 7910261 F + 1.763.550 F KEDZE et TUNG Victorine;
– A condamné le prévenu au paiement de cette somme totale envers toutes les parties civiles;
– A dit qu’à la date du sinistre le prévenu était l’employé du sieur FOFOU FOKOU Mathieu;
– A déclaré ce dernier responsable des faits de son préposé;
– A constaté cependant que dans le délai imparti à l’article 231 du code CIMA, l’assureur de responsabilité civile de sieur FOFOU FOKOU Mathieu à savoir la CNA (Compagnie Nationale d’Assurance) n’a pas daigné faire aux ayants droit des victimes une offre d’indemnité;
– A en conséquence déclaré la CNA garante du paiement des indemnités majorées du taux d’escompte, soit 5% *2= 10% et ce par application de l’article 233 du code CIMA;
– A condamné le prévenu aux dépens;
– Que par significations commandements de la copie grosse dudit jugement servies à la CNA le 08 Janvier 2002 par Maître MBA René, huissier de justice à Nkongsamba, les ayants droits des feus TUNG Hyacinthe KEDZE et TUNG Victorine, feu CHI NDUM Zita représentés comme dessus indiqué et TUNG Alfred KUM demandent qu’il leur soit payé leurs dommages-intérêts respectifs;
– Que tout d’abord en l’état de la procédure, le jugement incriminé ne peut être exécuté contre une partie que s’il est définitif à son égard;
– Que le jugement attaqué n’est pas définitif à l’égard de la CNA car n’ayant pas été rendu contradictoirement contre elle encore moins contre FOFOU FOKOU Mathieu son assuré, il devait lui être préalablement signifié sous forme d’expédition pour la mettre à même de le contester par l’exercice éventuel des voies de recours;
– Que l’inobservation de cette formalité emporte violation des droits de la défense et nullité subséquente du commandement;
– Qu’ensuite les procès-verbaux de signification du commandement sont nuls;
– Qu’en effet l’huissier a signifié à la requérante une copie grosse et non une grosse;
– Que non seulement la copie grosse n’a aucune base légale mais encore le titre exécutoire allégué à l’article 92 de l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution est la grosse du jugement et non sa copie;
– Qu’en signifiant celle-ci à la place de celle là, les créanciers se réservent le droit d’exécuter ultérieurement la grosse elle même contre la requérante pour la même dette;
– Que pour violation de l’article ci-dessus, les procès-verbaux incriminés doivent être annulés;
– Attendu que répliquant aux prétentions de la demanderesse par leurs écritures du 13 Février 2002, sieur TUNG Alfred KUM et Maître MBA René concluent au débouté de la CNA relevant :
– Qu’il s’agit là d’un dilatoire pur et simple;
– Qu’est légère et dénote la méconnaissance de la procédure l’argumentation de la CNA selon laquelle on aurait dû lui signifier la grosse en lieu et place de la copie grosse;
– Qu’à partir du commandement, l’huissier n’est tenu que de signifier la copie de la grosse au débiteur, la grosse ne pouvant lui être remise qu’après paiement par lui des causes de la condamnation et du commandement pour marquer le règlement définitif du litige;
– Que nulle part à l’article 92 de l’acte uniforme OHADA sur les voies d’exécution que la CNA cite, il n’est dit que l’huissier doit signifier la grosse au débiteur mais plutôt le titre exécutoire et la copie de la grosse en constitue un puisque revêtue de la formule exécutoire;
– Que l’argument fondé sur la non signification de la grosse est inopérant tout comme celui fondé sur l non signification préalable d’une expédition du jugement;
– Que sur ce dernier point la CNA donne encore la preuve de son ignorance de la loi;
– Qu’en effet lorsqu’un jugement est rendu contradictoirement à l’égard d’une partie par une juridiction statuant en matière correctionnelle, cette partie dispose d’un délai de 10 jours à compter du prononcé de la décision pour interjeter appel;
– Que ce n’est que dans les cas d’un jugement rendu par défaut à l’égard d’une partie et d’un jugement réputé contradictoire qu’on a l’obligation de signifier l’expédition du jugement à la partie défaillante pour lui permettre soit de former opposition soit interjeter appel;
– Qu’à l’égard de la CNA qui a comparu par l’intermédiaire de ses con,seils, le jugement querellé n’a été rendu ni par défaut ni réputé contradictoire;
– Attendu que dans ses conclusions du 20 Février 2002 prises sous la plume de son conseil Maître YIKAM Jérémie, la CNA oppose le rejet de toutes les pièces versées aux débats au nom de chacune des parties par le collaborateur de l’huissier MBA René au motif que celui-ci n’a pas qualité pour représenter ces parties;
– Que la demanderesse évoque à cet effet les dispositions des articles 2 et3de la loi n° 90/059 du 19 décembre 1990 portant organisation de la profession d’avocat;
– Attendu que la CNA réitérant ses arguments relativement à la nullité du commandement tirée de la signification de la copie grosse à la place de la grosse et à celle tirée de la non signification préalable d’une expédition du jugement soutient :
– Que des dispositions tant du droit interne (art 437 à 443 du code de procédure civile) que de l’acte uniforme sur les voies d’exécution, il ressort que dans une affaire, il ne peut être délivré à une partie qu’un seul titre exécutoire, un deuxième titre exécutoire ou une copie grosse ne pouvant être délivrée à une même partie que dans le cas où elle prouve que le premier est perdu ou exécutable et à la condition que a délivrance de cette copie grosse obéisse aux dispositions des articles 442 et 443 du code de procédure civile et selon une jurisprudence bien établie, une grosse (art 44) ou une seconde grosse (selon la doctrine) délivrée en violation des formalités prescrites à l’article 442 ci-dessus est dépourvue de force exécutoire et ne peut servir de base à une exécution (extrait ci-joint);
– Qu’en l’espèce la copie grosse attaquée qui a été délivrée en violation des formalités de l’article 442 précité, bien que contenant la formule exécutoire, n’a pas force obligatoire et ne peut par suite servir à faire une signification commandement;
– Que la procédure décrite par les défendeurs relativement à la signification n’a aucune base légale et bien plus est radicalement en contradiction avec les textes applicables à l’exécution des jugements et actes;
– Qu’il y a en outre risque d’une double exécution de la décision lorsque le débiteur ou ses héritiers se trouvent dans l’impossibilité plus tard de justifier le paiement, aucune disposition légale ne contraignant l’huissier à se libérer de la grosse dès paiement des causes de la condamnation;
– Que les défendeurs omettent volontairement d’envisager aussi le cas où la nature du jugement n’a pas été définie à l’encontre de la partie contre laquelle le jugement a été exécuté, situation dans laquelle se trouve la concluante, le tribunal ayant oublié dans le jugement incriminé de déterminer dans son dispositif la nature du jugement à l’égard de la CNA et de son assuré;
– Que la nature contradictoire d’un jugement ne se présume pas;
– Attendu qu’en support de ses allégations, la CNA produit aux débats thermocopie d’une page de EH. Fase.86 de 1977 traitant de la grosse et du jugement n° 1041/COR du 24 Avril 2001 sus-évoqué;
– I SUR LE REJET DES PIECES OU ECRITURES VERSEES AUX DEBATS AU COMPTE DES DEFENDEURS.
(…);
II- SUR LA NULLITE TIREE DE LA NON SIGNIFICATION PREALABLE D’UNE EXPEDITION DE JUGEMENT
– Attendu qu’en matière correctionnelle, un jugement contradictoire à l‘égard d’une partie n’est pas soumis au préalable d’une signification pour son exécution;
– Qu’il est en outre acquis qu’une partie qui a comparu ne saurait plus faire défaut;
– Qu’il est précisé au second rôle du jugement querellé que la CNA a comparu : « le prévenu a été entendu en ses moyens de défense de même que le civilement responsable et l’assureur CNA Agence de Muyuka MBOUDA… »;
– Qu’est désormais léger et incontestablement dilatoire l’argument de la CNA selon lequel la nature contradictoire du jugement n’a pas été précisé à son égard dans le dispositif;
– Qu’il s’ensuit que le moyen de nullité tiré d’une non signification préalable du jugement querellé ne saurait prospérer;
III- SUR LA NULLITE TIREE DE LA SIGNIFICATION D’UNE COPIE GROSSE A LA PLACE DE LA GROSSE
– Attendu que l’article 92 de l’acte uniforme OHADA sur les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution mentionne le titre exécutoire sans en préciser la nature;
– Attendu qu’une copie grosse revêtue de la formule exécutoire est effectivement un titre exécutoire;
– Qu’est vaine en l’espèce la polémique entretenue par la CNA sur la grosse et la copie grosse, cette demanderesse ne contestant pas le contenu de la pièce dont signification lui a été servie s’agissant du montant de la créance réclamée;
– Que ce motif de nullité est sans fondement et encourt rejet;
PAR CES MOTIFS
– Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en premier ressort;
– Déboute la Compagnie Nationale d’Assurance (CNA) de toutes ses prétentions comme non fondées;