J-05-164
VOIES D’EXECUTION – MESURES D’EXECUTION FORCEE – CREANCE ALIMENTAIRE – DIFFICULTES D’EXECUTION DU DEBITEUR – DELAI DE GRACE (non).
Lorsque la créance a un caractère alimentaire, le débiteur ne peut demander et obtenir le délai de grâce prévu par l’article 39 AUPSRVE
Article 39 AUPSRVE
(Tribunal de Première Instance de Bangangté, ordonnance n°10/ORD du 06 mai 2004, affaire Société Africaine d'Assurance et de Réassurance (SAAR) c/ TEINA Pascal).
Nous, juge de l'urgence,
– Attendu que suivant exploit en date du 16 avril 2004 de Maître SILATSA Victor, huissier de justice à Bangangté, (non encore enregistré) mais qui le sera ultérieurement; la Société Africaine d'Assurance et de Réassurances (SAAR) dont le siège social est à Yaoundé, ayant pour conseil Maître TEYOUDIO André, Avocat à Bafoussam a fait donner assignation à TEINA Pascal, cameramen TV, demeurant à Bamenda et à Maître YOUMBI Mathias l'huissier instrumentaire d'avoir à se trouver et comparaître le 29 avril 2004 à 7 heures 30 minutes par devant le Président du Tribunal de Première Instance de Bangangté, statuant comme Juge de l'urgence en son Cabinet pour s'entendre :
1)- Ordonner la discontinuation des poursuites engagées contre elle pour obtenir l'exécution du jugement n°60/COR/M rendu le 4 novembre 2003 par le tribunal correctionnel de Bangangté;
– Reporter le paiement des sommes réclamées en exécution dudit jugement, dans la limite d'une année et très subsidiairement leur rééchelonnement;
– Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir et;
– Condamner aux dépens;
– Attendu que la demanderesse expose au soutien de son action qu'en date du 02 avril 2003, survenait à Bangangté un accident de circulation qui a fait plusieurs victimes dont le défendeur TEINA pascal;
– Que par jugement n°60/COR/M du 04 novembre 2002 poursuit-elle, le Tribunal allouait à cette victime une provision de 30.475.895 francs CFA et la déclarait (la défenderesse) garante;
– Que pour cela, soutient-elle, elle est aujourd'hui paralysée par plusieurs saisies attributions pratiquées par les défendeurs dans ses comptes dans différentes banques, suivant grosse du jugement susvisé pour paiement de cette provision qui s'élève déjà à 31.983.535 francs CFA;
– Que pourtant ajoute-t-elle, elle a aujourd'hui plusieurs autres victimes du même accident du 02 avril 2003 et même des autres sinistres survenus avant et après dont il faut prendre en charge;
– Qu'il y a en conséquence lieu a-t-elle enfin conclu, d'ordonner la discontinuation des poursuites engagées par TEINA Pascal contre elle suivant jugement n°60/COR/M et de reporter le paiement des sommes qui lui sont dues dans une année conformément à l'article 39 de l'acte uniforme portant voies d'exécution;
– Attendu que TEINA Pascal a rétorqué que la somme dont le recouvrement est poursuivi lui a été allouée à titre provisionnel par le tribunal compte tenu de son indigence et de l'urgence à se faire soigner sans délai en raison de la gravité de ses blessures;
– Qu'argumentant davantage, il a conclu au débouté de la demanderesse, en raison selon lui de l'inapplicabilité en l'espèce de l'article 39de l'acte uniforme sus-spécifié; en ce que notamment
*la situation financière de la débiteuse (la demanderesse) lui permet aisément de payer la somme susvisée;
*les besoins du créancier sont pressants puisqu'il y a risque réel qu'il perde sa vie si des soins spécialisés ne lui sont pas administrés rapidement;
– Que par ailleurs a-t-il précisé, il a déjà perçu des banques détenant les sommes appartenant à la demanderesse, la somme de 24.780.969 francs, et aurait même à ce jour reçu la totalité de son indemnité prévisionnelle si cette dernière, pour une question de forme n'avait saisi la juridiction de Douala d'une procédure en main-levée de la saisie attribution de ses créances à la BICEC et la SGBC;
– Que pour finir, il a versé au dossier therrmocopie d'une attestation de cantonnement de la somme de 31.681.858 francs CFA dans le compte n°002000 254. 0260 intitulée S A A R S.A. BP 1011 Douala domicilié à AFRILAND FIRST BANK, délivrée le 5 février 2004 à Douala;
– Attendu qu'à l'audience du 29 avril 2004, la demanderesse a reçu communication aussi bien des conclusions produites aux débats par TEINA Pascal que des pièces qui l'accompagnaient;
– Qu'un renvoi lui ayant été concédé pour préparer sa réplique, elle n'a curieusement pas comparu à l'audience de ce jour pour soutenir la contradiction;
– Attendu au demeurant que l'article 39 de l'acte uniforme OHADA n°6 dispose clairement que le débiteur ne peut forcer le créancier à recevoir le paiement d'une dette, même divisible;
– Que toutefois précise le même texte compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, la juridiction compétente peut sauf pour les dettes d'aliments et les dettes cambiaires reporter ou échelonner le paiement des sommes dues dans la limite d'une année;
– Qu'à l'analyse ce texte exclut clairement de son champ d'application les dettes d'aliments;
– Attendu qu'en l'occurrence la créance de TEINA Pascal envers la demanderesse a une nature nécessairement alimentaire, en ce sens que la somme susvisée cause de la saisie pratiquée par celui-ci est destinée à assurer la satisfaction de ses besoins vitaux notamment les soins de santé spécialisés qui doivent lui être urgemment administrés en Europe;
– Que bien plus, il est acquis aux débats qu'il ne peut assurer lui-même les frais nécessaires à l'évacuation sanitaire indispensable à sa survie, qui lui a été prescrite par ses médecins;
– Qu'il échet dès lors :
– de conclure à l'inapplicabilité au cas d'espèce de l'article 39 susvisée;
– et de rejeter en conséquence comme non fondée en tous ses chefs, la demande de la S A A R;
– Attendu que la partie qui succombe supporte les dépens;
PAR CES MOTIFS
– Statuant publiquement contradictoirement à l'égard des défendeurs et réputé contradictoirement à l'encontre de la demanderesse, en matière de difficultés d'exécution, d'urgence et en premier ressort;
– En la forme, recevons la Société Africaine d'Assurance et de Réassurances (S A A R) représentée par Maître TEYOUDIO André, Avocat à Bafoussam en sa demande;
– Au fond, l'y disons cependant non fondée en tous ses chefs et la rejetons;