J-05-18
1. VOIES D’EXECUTION – SAISIE IMMOBILIERE – DEPOT DU CAHIER DES CHARGES – INFORMATION ET SOMMATION DES SAISIS PAR LE SEUL ET MEME ACTE – SOMMATION VALABLE (OUI) – EXISTENCE D’UN PREJUDICE (non).
2. VOIES D’EXECUTION – SAISIE IMMOBILIERE – VENTE AUX ENCHERES – MISE A PRIX – VIOLATION DE L’ARTICLE
267 AUPSRVE.
3. VOIES D’EXECUTION – SAISIE IMMOBILIERE – DISTRACTION DES BIENS SAISIS – DISPROPORTION ENTRE MONTANT DES MISES A PRIX ET MONTANT DE LA CREANCE (non).
Sans aucunement violer l’art.
269 AUPSRVE., un seul et même acte d’huissier peut, à la fois, informer le débiteur d’une saisie immobilière, du dépôt du cahier des charges et le sommer d’en prendre communication. En cas de violation de la loi, la nullité de la sommation suppose l’existence d’un préjudice conformément à l’article
297 AUPSRVELa mise à prix d’un immeuble saisi ne doit pas être inférieure au quart de la valeur vénale dudit immeuble telle qu’appréciée lors de la constitution de l’hypothèque conformément à l’article
267 AUPSRVELa distraction de certains immeubles saisis prévue à l’article
275 AUPSRVE ne peut s’opérer que si le montant global des mises à prix est, de loin, supérieur à la créance hypothécaire.
(Tribunal de grande instance de la MENOUA, jugement n° 35/ADD/civ. du 12 mai 2003, Affaire AFRILAND FIRST BANK anciennement dénommée CCEI Bank c/ Fongou Fidèle taneuzou, Dame fongou née lekene Sabine, Dame fongou née woutedem Cécile, Dame fongou née fozing Nadège).
Le Tribunal,
– Attendu que par exploit du 14 avril 2002 de Me TCHUEKAM Joseph, huissier de justice à Santchou, la société AFriland first Bank, société anonyme dont le siège social est à Yaoundé, BP 11834, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux et ayant pour conseil Me YIKAM Géremie, avocat à Nkongsamba, a fait délivrer commandement au sieur FONGOU Fidèle TENEUZOU, aux épouses FONGOU notamment LEKENE Sabine, WOUTEDEM Cécile et FOZING Nadège, d’avoir à lui payer la somme de 29.478.195 francs, principal, intérêts et frais précédant des grosses de la convention d’ouverture de crédit avec affectation hypothécaire n° 224 du 22 décembre 1998 et d’un avenant n° 338 du 27 janvier 2000 du répertoire de Me DJIFACK Joseph, notaire à Nkongsamba et Me DJILA FOALEM Brigitte, notaire à Dschang;
– Que faute de s’exécuter dans les 20 jours qui suivent ledit commandement, il allait les contraindre par tous les moyens de droit, notamment par la saisie et la vente de leurs immeubles ruraux bâtis, objets des titres fonciers n° 1970, 1978 et 1979, tous du répertoire du département de la MENOUA, de contenance superficielles respectives de 3126 m2, 765 m2 et 727 m2;
– Attendu que les défendeurs ne s’étant pas exécutés, la partie poursuivante a déposé le 10 septembre 2002 au Greffe du Tribunal de céans un cahier des charges tendant à la vente aux enchères publiques des immeubles sus-mentionnés et a sommé ces derniers par exploit du 13 septembre 2002 de Me TCHOUEKAM Joseph, avocat à Santchou de prendre communication dudit cahier des charges et d’y insérer leurs dires et observations dans les délais légaux à peine de déchéance;
– Attendu que les défendeurs, par la plume de leur conseil, Me BOUBDA, avocat à Bafoussam, ont déposé leurs dires et observations dans les écritures du 07 octobre 2002; Qu’ils ont sollicité au principal la nullité de la sommation de prendre communication du cahier des charges du 13 septembre 2002 et de toute la procédure de saisie immobilière avec comme conséquence la main levée du commandement inscrit sur leurs titres fonciers et subsidiairement le redressement de leur compte bancaire, la modification des mises à prix et la distraction des biens saisis;
– Attendu que ces dires et observations en ce qu’il ont été faits dans les forme et délai de la loi sont recevables; Qu’il échet de les apprécier au fond;
– SUR LA NULLITE DE LA SOMMATION DE PRENDRE COMMUNICATION DU CAHIER DES CHARGES DU 13 SEPTEMBRE 2002 ET DE LA PROCEDURE DE SAISIE IMMOBILIERE
– Attendu qu’au soutien de leur action, les demandeurs aux dires et observations ont exposé que la partie poursuivante a utilisé un seul acte pour porter à leur connaissance le dépôt du cahier des charges au Greffe et les sommer d’en prendre connaissance; Que dans la partie réservée à la sommation, on peut lire ceci : "J’ai huissier susdit et soussigné; fait sommation à Monsieur FONGOU Fidèle TANEUZOU, ses trois épouses et le Crédit Lyonnais en parlant comme dessus";
– Que l’acte de déclaration du dépôt au greffe du cahier des charges bien comportant les noms, prénoms et visa de celui qui a reçu cet acte, est totalement indépendant de l’exploit de sommation qui, conformément aux dispositions de l’article 269 al. 2 de l’Acte Uniforme OHADA n° 6, doit à peine de nullité être signifié au sais, à personne ou à domicile et aux créanciers inscrits à domicile élu;
– Qu’en violant ces disposition dans l’exploit de sommation de prendre communication du cahier des charges en ce qu’ils n’ont pas été signifiés, ni à personne, ni à domicile, la partie poursuivante a exposé cet exploit à la sanction de nullité et partant à celle de toute la procédure de saisie immobilière; Que s’agissant d’une nullité textuelle par ailleurs d’ordre public comme c’est le cas en l’espèce, il n’est point besoin de rechercher le grief que ces omissions leurs ont causé; Qu’il est de jurisprudence constante que les nullités textuelles ont un caractère péremptoire et s’imposent légalement au juge qui est dépourvu de tout pouvoir d’appréciation (C.C, arrêt n° 10/CC du 26 novembre 1998, affaire KEMBOU DEMGHO c/ SGBC; Cour d’Appel du Centre, arrêt n° 332/civ. du 16 juin 2000, affaire ONADEF c/ BELIBI Rupert);
– Attendu que le défendeur aux dires et observations par la plume de son conseil, Me YIKAM Géremie, avocat à Nkongsamba, a rejeté les prétentions de ces demandeurs comme non fondées et a développé que l’acte querellé est intitulé "Sommation de prendre communication du cahier des charges" et dans ledit acte, le sieur FONGOU Fidèle a été signifié à personne, ses épouses à domicile, peu importe la place dans l’acte où la mention de cette signification est contenue; Que par ailleurs, à supposer que ces derniers n’aient pas été sommés dans les conditions de l’article 269 de l’Acte Uniforme OHADA n° 6, il ne suffit pas de les constater pour prononcer la nullité sans rechercher d’abord l’existence du préjudice que ces omissions leur ont causé, conformément aux dispositions de l’article 297 de l’Acte Uniforme OHADA précité; Que ces derniers n’ayant évoqué aucun préjudice subi, ils ne sont point fondés dans leur action en nullité;
– Que de façon surabondante, le "Dit et déclaré à" contenu dans l’exploit de sommation n’a pas pour but de constater le dépôt du cahier des charges au Greffe, mais d’informer les demandeurs aux dires du dépôt dudit cahier au Greffe; Que dans ces conditions, rien ne s’oppose à ce que l’huissier instrumentaire utilise une seul acte pour à la fois porter cette information à la connaissance de ces derniers et de les sommer d’en prendre connaissance conformément à la loi; Qu’ainsi, une fois que dans le "Dit et déclaré à" les intéressés ont été signifiés à personne et à domicile, il suffit dans "Sommation à", s’agissant des mêmes personnes, de mentionner la formule "En parlant comme dessus" pour valoir sommation à personne et à domicile, en tout cas aux mêmes personnes et dans les mêmes conditions que dans le "Dit et déclaré à", sans qu’il soit besoin de ses répéter in extenso;
– Attendu qu’il est ressorti de l’examen de l’exploit querellé intitulé "Sommation de prendre communication du cahier des charges" que l’huissier instrumentaire a procédé non seulement à informer les saisis du dépôt du cahier des charges au Greffe, mais aussi les a sommé d’en prendre communication;
– Attendu qu’aucune disposition légale ne s’oppose à ce que ces indications soient faites dans le seul acte; que la partie réservée à la sommation en ce qu’elle fait corps avec l’ensemble du texte de l’exploit dénoncé ne peut être dissociée;
– Qu’il est apparu de l’exploitation de cet exploit que les saisis, demandeurs aux dires et observations, ont été bien identifiés et ont été régulièrement signifiés à personne et à domicile, conformément aux dispositions de l’article 269 al. 2 de l’Acte Uniforme OHADA n° 6, peu importe la place dans l’acte où la mention de cette signification est contenue, ledit acte constituant un tout indissociable;
– Attendu par ailleurs et contrairement aux affirmations des demandeurs aux dires et observations que si les formalités prescrites par l’article 269 de l’Acte Uniforme OHADA précité n’avaient pas été respectées, cette irrégularité en elle-même ne saurait conduire à la nullité de l’acte en l’absence du préjudice subi par la personne qui l’invoque conformément aux dispositions de l’article 297 dudit Acte Uniforme OHADA;
– Que dans le cas d’espèce, ces derniers n’ont subi aucun préjudice, ayant régulièrement produit dans les délais légaux leurs dires et observations après la sommation de prendre communication du cahier des charges du 13 septembre 2002 dénoncé;
– Attendu qu’au regard de ce qui précède, il échet de rejeter les prétentions soulevées sur ces points comme non fondées;
(…..)
SUR LA MODIFICATION DES MISES A PRIX
– Attendu que les demandeurs aux dires et observations ont soutenu dans leurs écritures déposés dans le dossier que la partie poursuivante a violé les dispositions de l’article 267 al. 10 de l’Acte Uniforme OHADA n° 6 sur la mise à prix des immeubles saisis;
– Que lors de la convention d’hypothèque, la valeur vénale de l’immeuble objet du titre foncier n° 1970/MENOUA avait été arrêtée à la somme de 133.936.077 francs et celle de l’immeuble objet du titre foncier n° 1978/MENOUA à la somme de 25.916.875 francs;
– Qu’en fixant leur mise à prix aux sommes respectives de 15.500.000 francs et 6.000.000 francs alors que le quart de la valeur vénale de ces immeubles est de 33.484.019 francs pour celui portant sur le titre foncier n° 1970/MENOUA et 6.479.218,75 francs pour celui objet du titre foncier n° 1978/MENOUA, la partie poursuivante n’a pas respecté les formalité relatives à la mise à prix; Qu’ils sollicitent par conséquent la modification de ces mises à prix;
– Attendu que le défendeur aux dires et observations a reconnu partiellement le bien fondé de ces prétentions et a soutenu qu’il ne s’oppose pas à ce que la mise à prix de l’immeuble objet du titre foncier n° 1978 soit portée à la somme de 6.480.000 francs;
– Que s’agissant de l’immeuble objet du titre foncier n° 1970, il a objecté que la somme de 133.936.077 francs retenue dans la convention d’hypothèque intégrait la valeur vénale de l’immeuble et celle du matériel et de l’équipement de l’usine; Que pour le moment, la procédure a été engagée pour la vente de cet immeuble seulement à l’exclusions des nantissements et gages qui pourraient faire l’objet de la procédure décrite aux articles 216 de la première convention et 2 de l’avenant;
– Que la valeur vénale de cet immeuble est de 61.666.180 francs représentant la valeur du terrain nu (4.032.540 francs) et des constructions (57.633.640 francs) au vu du rapport d’expertise produit dans le dossier; Qu’en fixant la mise à prix à la somme de 15.500.000 francs, il a rigoureusement respecté les dispositions de l’article 267 précité;
– Attendu qu’il est résulté des pièces du dossier que si la mise à prix de l’immeuble objet du titre foncier n°1970/MENOUA respecte les dispositions de l’article 267 al.10 de l’Acte Uniforme OHADA n° 6, celle retenue pour l’immeuble objet du titre foncier n° 1978/MENOUA les viole inexorablement; Qu’en vertu des dispositions de l’article 275 al. 2, de l’Acte Uniforme précité, il y a lieu, compte tenu de la valeur vénale de cet immeuble, de porter sa mise à prix à la somme de 6.480.000 francs et par conséquent modifier le cahier des charges sur ce point;
SUR LA DEMANDE DE DISTRACTION DE CERTAINS IMMEUBLES
– Attendu que les demandeurs aux dires et observations ont exposé qu’en modifiant les montants de mise à prix des immeubles saisis objet des titres fonciers n° 1970 et 1978 fixés de façon anormale pour les porter à ceux 33.484.019 et 6.479.218,75 plus celui de l’immeuble objet du titre foncier n° 1979/MENOUA retenu à la somme de 6.200.000 francs, il y a leu de constater que la valeur globale de ces immeubles apparaît disproportionnée au montant de la créance à recouvrer; Que conformément aux dispositions de l’article 275 al.1 de l’Acte Uniforme OHADA n° 6, ils sollicitent la distraction de certains biens;
– Attendu que le défendeur aux dires et observations a rejeté cette demande et a soutenu qu’une créance hypothécaire ne peut être disproportionnée que si la mise à prix est de loin supérieure à ladite créance; Que tel n’est pas le cas en l’espèce, la créance à recouvrer étant supérieure aux mises à prix des immeubles saisis;
– Que par ailleurs, la société SCB6CL en sa qualité de créancier inscrit en second rang pour une créance de 58.085.998 francs sur l’immeuble objet du titre foncier n° 1970/MENOUA a déjà manifesté son intention de se prévaloir des dispositions des articles 148 et 325 des Actes Uniformes n° 3 et 6;
– Que le Tribunal ne saurait distraire certains biens alors que la vente de tous les immeubles saisi risque de ne pas désintéresser la seule partie poursuivante;
– Attendu que les allégations du défendeur aux dires et observations sont pertinentes; Qu-il est ressorti de l’examen du cahier des charges que les mises à prix suivantes ont été retenues pour les immeubles saisis :
*Immeuble objet du titre foncier n° 1970/MENOUA, 15.500.000 francs
*Immeuble objet du titre foncier n° 1978/MENOUA, 6.480.000 francs
*Immeuble objet du titre foncier n° 1979/MENOUA, 6.200.000 francs
soit un total de 28.180.000 francs;
– Que pour une créance hypothécaire de 28.398.170 francs en principal dont le paiement est poursuivi, on ne saurait porter de disproportionnalité entre celle-ci le montant des mises à prix sus-évoquées; Que la demande en distraction sollicitée ne saurait prospérer;
– Attendu qu’au regard des développements qui précèdent, il échet de déclarer les demandeurs aux dires et observations non fondés dans toutes les prétentions et ordonner par voie de conséquence la continuation des poursuites en fixant la nouvelle date d’adjudication au 11 août 2003;
– Attendu qu’il convient de réserver les dépens;
Par ces motifs
– Publiquement, contradictoirement, par jugement avant dire droit;
– Reçoit les défendeurs en leurs dires et observations;
– les déclare partiellement fondés;
– Rejette leur demande de nullité de l’exploit de sommation de prendre communication du cahier des charges du 13 septembre 2002 et de toute la procédure de saisie immobilière entreprise comme non fondées;
– Rejette leur demande de distraction des biens comme non fondée;
– Constate que la mise à prix de l’immeuble objet du titre foncier n° 1978/MENOUA viole les dispositions de l’article 267 al.10 de l’Acte Uniforme OHADA n° 6;
– Fixe à la somme de 6.480.000 francs la mise à prix de cet immeuble;
– Modifie en conséquence le cahier des charges sur ce point;
– Ordonne la continuation des poursuites.