J-05-20
droit commercial general – Bail commercial – EXPULSION ET REINTEGRATION – NOUVEAU BAIL – action en expulsion – mise en demeure (non) – violation de l’article 101 de l’AUDCG –.
Une décision de justice qui prononce la réintégration du preneur d’un bail commercial remet les parties dans les conditions initiales du bai résilié. Dans un tel cas, une nouvelle action en expulsion ne saurait être valable qu’à condition de respecter la formalité de la mise en demeure prévue à l’article 101 de l’AUDCG
(Tribunal de grande instance du littoral, Jugement civil n° 263 du 16 mars 2000, Affaire MAGZI c/ Sté DIANA SICAC S.A).
Le Tribunal,
– Vu l’exploit introductif d’instance en date du 8 janvier 1999;
– Vu les lois et règlements en vigueur;
– Vu les pièces du dossier de la procédure et les faits de l’espèce;
– Ouï les parties en leurs fins, moyens et conclusions;
– Et après en avoir délibéré conformément à la loi;
– Attendu que par exploit daté du 8 janvier 1999 du Ministère de Me YOSSA DJOMAKOUA Evelyne Thérèse, huissier de justice à Douala enregistré le 16 février 1999, sous le volume 02, folio 122, n° 278, aux droits de quatre mille francs suivant quittance n° 1043562 du 2 février 1999, la Mission d’Aménagement et de Gestion des Zones Industrielles en abrégé MAGZI, agissant poursuites et diligences de son Directeur Général et ayant pour conseil Me NHANAG Paul, Avocat au barreau du Cameroun, a fait donner assignation à la Société Industrielle et Commerciale de l’Afrique Centrale (DIANA SICAC) prise en la personne de son représentant légal d’avoir à se trouver et à comparaître par devant le Tribunal de Grande Instance du Wouri siégeant en matière civile et commerciale pour, est-il dit dans l’exploit :
– Constater que Diana SICAC n’a aucun contrat de bail;
– Ordonner en conséquence son expulsion et tous occupants de son chef de l’immeuble appartenant à la MAGZI sis dans la zone industrielle de Douala-Bassa;
– Dire que le jugement à intervenir sera exécutoire nonobstant appel;
– Condamner la requise aux dépens distraits au profit de Me NHANAG, Avocat aux offres de droit;
– Attendu que la requérante expose au soutien de son action qu’elle est propriétaire de la zone industrielle de Douala-Bassa;
– Qu’elle a passé courant 1981 ave DIANA SICAC un contrat d’occupation n° 56/81/SOC/MAGZI enregistrée à Douala 1er le 10 juillet 1985, vol. 22, folio 69, case 58/11;
– Qu’à cause du non paiement des loyers, le juge des référés de Douala a ordonné l’expulsion de DIANA SICAC objet de la convention (Ordonnance n° 090 du 20 novembre 1985);
– Que la preneuse a du reste été expulsée comme en fait foi le procès-verbal dressé le 13 juin 1986 et l’immeuble est resté inoccupé pendant un certain temps;
– Que le 15 août 1996, la société SICAC lui a adressé une lettre par laquelle elle sollicitait l’établissement d’un bail sur le site qu’elle occupait auparavant;
– Qu’elle s’y est opposée et cette dernière s’est réintroduite de force;
– Qu’elle a procédé à une seconde expulsion sur la base de la première ordonnance et le juge des requêtes a ordonné la réintégration de la société DIANA SICAC sur le site et cette réintégration a été confirmée par le juge des référés au motif que cette dernière ne peut être expulsée deux fois sur la base d’une même décision;
– Que selon le lexique des termes juridiques « l’expulsion est une action consistant à obliger l’occupant sans titre ou le locataire en fin de bail d’un immeuble à vider les lieux »;
– Que par l’occupant sans droit ni titre, il faut entendre ceux qui occupent les locaux soit sans pouvoir se prévaloir d’aucun contrat, soit dont le titre est nul, irrégulier, caduque ou expiré;
– Que DIANA SICAC est une occupante qui ne peut se prévaloir d’un contrat parce-qu’elle est revenue sur l’immeuble après expulsion et sans son aval;
– Attendu que la société DIANA SICAC pour faire échec à l’action sus développée, excipe au principal l’irrecevabilité de ladite action et conclut à titre subsidiaire au débouté;
– Attendu relativement à l’irrecevabilité, qu’il est soutenu d’une part qu’un contrat de bail a été conclu avec la MAGZI le 04 septembre 1981 pour une durée de 20 ans;
– Que l’article 11 de ce contrat dispose que « tout litige survenant entre les parties contractantes dans le cadre de la présente convention doit faire l’objet d’une tentative de conciliation;
– Qu’elle n’a jamais été citée en conciliation;
– Que le contrat étant la loi des parties, c’est à tort qu’elle a été directement attraite devant la juridiction de céans;
– Que d’autre part, aux termes de l’article 101 de l’Acte Uniforme OHADa portant sur le droit commercial général, « Le preneur est tenu de payer le loyer et de respecter les clauses et conditions du bail;
– A défaut du paiement du loyer ou en cas d’inexécution d’une clause du bail, le bailleur pourra demander à la juridiction compétence la résiliation du bail et l’expulsion du preneur de tout occupant de son chef après avoir fait délivrer, par acte extrajudiciaire, une mise en demeure d’avoir à respecter les clauses et conditions du bail; Cette mise en demeure doit reproduire, sous peine de nullité, les termes du présent article et informer le preneur qu’à défaut de paiement ou de clauses et conditions de bail dans un délai d’un mois, la résiliation sera poursuivie;
– Le bailleur qui entend poursuivre la résiliation du bail dans lequel est exploité un fonds de commerce doit notifier sa demande aux créanciers inscrits »
– Que l’article 102 du même code indique, les dispositions de l’article 101 sont d’ordre public;
– Qu’étant une société commerciale par la forme, son expulsion aurait dû être poursuivie dans la forme précitée;
– Que tel n’est pas le cas, n’ayant jamais reçu une quelconque mise en demeure dans ce sens;
– Que l’action de la MAGZI est ainsi irrecevable pour non respect de l’article 101 précité;
– Attendu relativement au débouté qu’il est soutenu, que l’action en expulsion repose sur l’absence de bail;
– Qu’il s’agit d’une allégation mensongère car titulaire d’un bail conclu pour une durée de 20 ans;
– Que ce contrat en cours demeure valable, n’ayant pas été résilié, ni judiciairement, ni par la volonté des parties;
– Qu’elle s’est du reste toujours acquittée des loyers et l’affirmation contraire est mensongère;
– Qu’il échet partant de débouter de la MAGZI de sa demande en expulsion;
– Qu’elle se porte du reste demanderesse reconventionnelle et sollicite la somme de 5.000.000 F CFA à titre de dommages-intérêts ventilés comme suit : 3.500.000 F CFA pour le trouble commercial et 1.500.000 F CFA en réparation du préjudice matériel;
– Attendu que la requérant fait valoir au soutien de sa demande en expulsion que la preneuse a préalablement été expulsée et s’est introduite de force;
– Qu’il n’existe partant plus de contrat de bail entre elle et la société DIANA SICAC SA;
– Mais attendu que la société DIANA SICAC a été réintégrée sur le site après son expulsion par une décision de justice;
– Que cette décision a replacé les parties dans les conditions du bail initial;
– Que c’est donc à tort que la MAGZI conclut à l’inexistence de contrat de bail;
– Attendu que la fin de non recevoir excipée par la défenderesse relative à l’inobservation de l’article 101 de l’Acte Uniforme du 17 avril 1997 relatif au droit commercial général est fort pertinente;
– Qu’en effet, cette disposition d’ordre public prescrit la délivrance par acte extrajudiciaire d’une mise ne demeure préalable d’avoir à respecter les clauses et conditions du bail avant saisine du tribunal de toute action en résiliation du bail;
– Que le jugement prononçant la résiliation ne peut intervenir qu’après l’expiration d’un délai d’un mois suivant la notification de la demande aux créanciers inscrits;
– Attendu qu’il est constant comme susdit que les parties ont été replacés dans les conditions du bail après décision judiciaire de réintégrer la preneuse sur le site;
– Attendu qu’il n’est pas établi que la requérante a respecté le préalable prescrit par l’article susvisé;
– Que s’agissant d’une disposition d’ordre public accordant protection au preneur, l’action développée par la MAGZI au mépris de ladite disposition ne saurait en l’état être reçue;
– Qu’il échet de la dire irrecevable en l’état;
– Attendu que la société DIANA SICAC a entendu se porter demanderesse reconventionnelle;
– Attendu qu’il s’agit d’une prétention rattachée à la demande principale;
– Que celle-ci a été jugée irrecevable;
– Que la demande reconventionnelle y rattachée ne peut subsister;
– Qu’il convient partant de la dire pareillement irrecevable;
– Attendu que la partie qui succombe supporte les dépens;
Par ces motifs
– Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et en premier ressort;
– Constate que la société DIANA SICAC SA a été réintégrée sur le site après son expulsion;
– Dit et juge que cette solution a replacé les parties dans les conditions de bail;
– Constate que la requérante dans le cadre de la présente action n’a pas respecté les dispositions d’ordre public de l’article 101 de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant sur le droit commercial général;
– Déclare par conséquent irrecevable en l’état son action en expulsion.