J-05-208
DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – RESILIATION – COMPETENCE – JUGE DES REFERES (non).
La résiliation d’un bail commercial doit être poursuivie devant la juridiction compétente. Cette résiliation n’étant pas une mesure conservatoire ne saurait être de la compétence du juge des référés.
(Tribunal de première instance de Yaoundé-Ekounou, ordonnance n°13 du 23 octobre 2003,affaire NGAH Guillaume c/ John BESSONG ENOW).
– Nous juge des référés;
– Vu l’exploit introductif d’instance;
– Vu les pièces du dossier de la procédure;
– Après en avoir délibéré conformément à la loi;
– Attendu que suivant exploit en date du 11 septembre 2003, exploit non encore enregistré mais qui le sera en même temps que la minute de la présente ordonnance, Maître TCHAME DEUNA Rachel, huissier de justice à Yaoundé, agissant à la requête de Mr NGA Guillaume a donné assignation à Mr JOHN BESSONG ENOW à l’effet de comparaître devant nous en référé pour s’entendre ordonner l’expulsion du défendeur des deux boutiques n°3 et 4 qu’il occupe à Essos carrefour Hôtel du Plateau appartenant au requérant, tant de biens de corps que de tous occupants de son chef, sous astreinte ferme de 100.000 francs CFA par jour de retard à compter du prononcer de la décision;
– Attendu que le demandeur NGA Guillaume ayant pour conseils Maîtres NYAABIA BIANDA Joseph et NANA Raphaël Ledoux, Avocats au Barreau, expose que suivant contrat notarié du 26 janvier 1999, il donnait à bail à JOHN BESSONG ENOW, deux boutiques sises au lieu dit ESSOS carrefour Hôtel du Plateau, pour une durée d’un an renouvelable par tacite reconduction;
– Que l’exécution de ce contrat par JOHN BESSONG ENOW, depuis l’année 2003 est parsemée de multiples et inadmissibles violations;
– Que le contrat de bail fait l’obligation au locataire de souscrire une police d’assurance (article 4(6), d’enregistrer le bail(article11) et de payer annuellement et à l’avance les loyers (article 5(1);
– Que le loyer mensuel initialement convenu à la somme de cent mille francs a fait l’objet d’une majoration de 7% en application de l’article 5(3) du contrat;
– Que contrairement aux dispositions de l’article 5(2), JOHN BESSONG ENOW a entrepris de minorer ses loyers de 20% qu’il s’engage à verser ces 20% à titre d’impôts aux services compétents mais se refuse de présenter les quittances y afférentes;
– Qu’au surplus, le défendeur n’a effectué qu’un paiement partiel des loyers échus de la période du 1er avril 2003 au 31 mars 2004, soit la somme de deux cent cinquante deux mille francs;
– Qu’il refuse de payer le reliquat et se contente de multiplier rendez-vous et promesse fallacieuse, le perturbant ainsi dans ses programmations et prévisions financières, toute chose justifiant à suffire la résiliation dudit contrat et le non renouvellement du contrat de bail conformément aux dispositions des articles 93,95,100 et 101 de l’acte uniforme OHADA n°1 relatif au droit commercial général;
– Attendu que le défendeur JOHN BESSON ENOW, ayant pour conseils NDUMU and C° société d’avocats, conclut à l’irrecevabilité de l’action du demandeur; qu’il fait valoir qu’en vertu de l’article 93 de l’acte uniforme OHADA n°1 relatif au droit commercial général;dans le cas d’un bail à durée déterminée, toute partie qui entend le résilier doit donner congé par acte extrajudiciaire au moins six mois à l’avance;
– Que cette exigence est d’ordre public; que l’action du demandeur n’ayant pas respecté cette exigence d’ordre public doit être déclarée irrecevable;
– Attendu que répliquant aux écritures du défendeur, le demandeur par la plume de ses conseils conclut au rejet de l’exception soulevée; qu’il fait valoir que l’article 93 de l’acte uniforme OHADA n°1 relatif au droit commercial général est inapplicable en l’espèce;
– Qu’en effet, il ressort clairement de l’article 3 du contrat de bail que celui-ci est fait pour un an renouvelable par tacite reconduction;
– Que l’article 93 ci-dessus visé ne peut être applicable parce que l’article 3 dispose clairement qu’il s’agit d’un contrat à durée déterminée;
– Qu’en outre il soutient que les reçus de paiement de loyer produits par le défendeur sont relatifs à une location dont il n’a pas initié l’action à savoir la location d’un terrain nu;
– Que l’article 1er du contrat de bail précise qu’il s’agit de la location de deux boutiques au lieu dit Essos; que le bail porte donc sur un immeuble bâti et non sur un terrain nu;
– Qu’il échet d’écarter ces pièces du dossier en ce qu’elles n’ont rien à voir avec la présente instance;
– Attendu qu’il est constant que le bail liant les parties est un bail commercial; qu’en vertu de l’acte uniforme OHADA relatif au droit commercial général, la résiliation d’un tel bail est poursuivie devant la juridiction compétente, que la résiliation d’un bail n’étant pas une mesure conservatoire, elle ne saurait être de la compétence du juge de référé, qu’il y a donc lieu de renvoyer le demandeur à se mieux pourvoir;
– Attendu que toutes parties se font représenter, qu’il convient de statuer contradictoirement à leur endroit;
– Que les dépens sont mis à la charge de la partie qui succombe;
PAR CES MOTIFS
– Statuant publiquement, contradictoirement en matière des référés et en premier ressort;
– Nous déclarons incompétent;
– Renvoyons le demandeur à se mieux pourvoir;
Observation : KALIEU ELONGO Yvette Rachel, maître de conférences agrégée, Université de Dschang (Cameroun)
La demande de résiliation d’un bail commercial doit être bien distinguée de la demande en expulsion du locataire même si bien souvent le bailleur demande à la fois l’expulsion et la résiliation du contrat, celle-ci n’étant en réalité que la conséquence de celle-là.
L’expulsion peut être ordonnée si l’urgence le justifie par le juge des référés alors que la résiliation ne peut être présentée comme l’a justement décidé le juge dans cette espèce que devant la juridiction compétente. L’article
101 AUDCG laisse au droit national des Etats Parties la possibilité de déterminer cette juridiction. Pour le cas du Cameroun, il ne peut s’agir du juge de l’urgence et lorsque celui-ci a été saisi comme dans cette affaire, il doit normalement se déclarer incompétent. Il s’agit du juge compétent en matière commerciale.