J-05-212
1. VOIES D’EXECUTION – SAISIE REVENDICATION – SAISIE – ENLEVEMENT – GARDIEN – DETENTEUR (NON) – NULLITE.
2. VOIES D’EXECUTION – SAISIE REVENDICATION – BIEN SAISI – VEHICULE TERRESTRE – IMMOBILISATION (oui).
1. En matière de saisie revendication et conformément à l’article 231 c’est le détenteur du bien saisi qui doit constituer gardien et le bien saisi ne peut être enlevé et confié à un tiers gardien que sur autorisation de justice. A défaut, la saisie est annulée.
2.Lorsque parmi les biens saisis se trouve un véhicule terrestre à moteur, la juridiction compétente peut, après avoir entendu les parties ou celle-ci dûment appelées, ordonner son immobilisation jusqu’à son enlèvement en vue de la vente.
Article 75 AUPCAP
Article 49 AUPSRVE
Article 54 AUPSRVE
Article 103 AUPSRVE
Article 231 AUPSRVE
Article 232 AUPSRVE
Article 233 AUPSRVE
(Tribunal *****************n°207/C du 24 Août 2004; Affaire la société EZABIS GENERAL BUSINESS contre ZOGO EKASSI Alphonse).
Nous Président, juge du contentieux des difficultés de l’exécution;
Vu l’article 49 de l’Acte Uniforme n°6 OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution;
Vu la requête introductive d’instance ensemble des pièces du dossier de procédure;
Vu les lois et règlement en vigueur;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que par ordonnance n°152/03/04 du 04 Juillet 2004, autorisant à assigner en référé d’heure à heure et suivant exploit du 05 Août 2004, de Maître NGWE Gabriel Emmanuel, Huissier de Justice à Yaoundé, non encore enregistré mais qui sera en temps utile, la Société EZABIS Général Business Sarl ayant pour conseil M. NEMY André Cyrille, avocat au barreau du Cameroun a fait donner assignation à
1- ZOGO EKASSI ALPHONSE.
2- M. BIWOLE JEAN RENE.
3- BIDJOGO PIERRE.
Ayant pour conseil Me. MAYANT Ruphin, avocat d’avoir à se trouver et comparaître par devant nous, statuant en matière de contentieux des difficultés d’exécution pour, est-il dit dans l’acte de saisine s’entendre :
Recevoir le liquidateur de la Société EZABIS Général Business Sarl en sa demande :
L’y dire fondée;
Dire et juger que la saisie – revendication a été pratiqué en violation des dispositions de l’article 231 alinéa 5 OHADA sur les voies d’exécution;
Dire et juger qu’il s’agit d’une saisie frappée de nullité;
Dire et juger en outre que le véhicule querellé était devenu la propriété de la Société EZABIS suivant certificat de vente irrevocaable;
Rétracter l’ordonnance de saisie – revendication n°136 du 16 Juillet 2004, de Monsieur le Président du Tribunal de 1ère Instance de Yaoundé – Ekounou;
Ordonner l’exécution provisoire de la présente décision sous astreinte de 1.000.000 de francs par jour de retard à compter de la signification de la présente ordonnance;
Condamner sieur ZOGO EKASSI Alphonse aux entiers dépens;
Attendu qu’au soutien de son action la demanderesse expose :
Que l’exécution de l’ordonnance querellée a outrepassé les mesures édictées par le juge ordonnateur;
Qu’en enlevant le véhicule objet de la saisie, l’Huissier saisissant a violé les dispositions de l’article 231 alinéa 5 de l’acte Uniforme OHADA sur les voies d’exécution;
Qu’en effet ledit texte dispose "qu’a peine de nullité, l’acte saisie doit mentionner en caractère très apparent que de bien saisi est placé sous la garde du détenteur …";
Qu’il s’évince que la saisie – revendication pratiquée par Me BIWOLE Jean Réné est nulle et doit être déclarée telle;
Qu’en effet, les tiers nommé gardien, un certain BIDJOGO Pierre, non identifié n’était pas le détenteur du véhicule au moment de la saisie;
Qu’il y a lieu de rétracter l’ordonnance querellée, le saisissant n’étant pas créancier au sens de l’article 54 de l’acte Uniforme OHADA;
Que le véhicule aujourd’hui revendiqué par le défendeur est la propriété de la société EZABIS en liquidation suivant acte de vente passé le 03 Octobre 2002 entre les deux parties en cause;
Que sieur ZOGO EKASSI Alphonse est dès lors mal venu en initiant de façon insolite une demande de saisie – revendication alors qu’il a volontairement décliné de façon irrevocable ses droits de propriété sur le véhicule vendu;
Que mise en liquidation le 23 Mai 2003 seul son liquidateur sieur ESSO BIYITI nommé à cet effet est susceptible de répondre à tout créancier éventuel de la Société EZABIS en application des règles collectives d’apurement du passif prévues par l’acte Uniforme n°7 en son article 75;
Qu’il convient à l’évidence de dire nulle la saisie – revendication pratiquée et à défaut rétracter purement et simplement l’ordonnance entreprise pour des moyens sus relevés;
Attendu que pour faire échec à l’action de la demanderesse, le défendeur sous la plume de son conseil réplique :
Que l’acte notarié faisant état de la dissolution de la Société EZABIS par son assemblée générale par devant Me. ASSO’O NGONO ZE, Notaire à Yaoundé ne comporte aucune mention d’enregistrement;
Qu’il est pourtant interdit aux termes de l’article 99 du code général de l’enregistrement au juge d’examiner toute cause reposant sur des actes enregistrés;
Qu’il est clair qu’un tel acte fabriqué pour les besoins de la cause ne peut se retourner que contre ceux qui l’ont fabriqué;
Que la liquidation de la Société EZABIS n’existant pas, au plan légal, son action est par conséquent irrecevable;
Que par ailleurs, le véhicule revendiqué n’était pas détenu par la demanderesse mais par un tiers, et pour éviter des risques de perte, l’Huissier instrumentaire l’a confié au sieur BIDJOGO constitué gardien en application des dispositions de l’article 232 alinéa 3 de l’Acte Uniforme n°6;
Que contrairement aux allégations du liquidateur de la Société EZABIS, le véhicule querellé n’a jamais appartenu à la demanderesse, raison pour laquelle il lui a été impossible jusqu’alors de présenter sa carte grise;
Que sur la base de l’exception d’inexécution du contrat de vente signé des parties, sieur ZOGO EKASSI (défendeur) a mis un terme audit contrat;
Qu’il est illusoire à la demanderesse de fonder son action sur le certificat de vente légalisé;
Que le défendeur renvoie la demanderesse à la lecture de l’article 1328 du code civil selon lequel : "les actes sous seing privé n’ont de date certaine qu’à compter leur enregistrement";
Que c’est à juste titre que le juge de l’urgence relèvera que le véhicule querellé appartient encore au sieur ZOGO EKASSI Alphonse;
Qu’il échet au juge de céans de débouter la liquidation EZABIS Général Business Sarl de toutes ses demandes, fins conclusions;
Attendu que toutes les parties ont comparu et conclu; qu’il convient de statuer par Jugement contradictoire à leur égard;
Attendu qu’aux termes de l’article 231 alinéa 5 de l’acte uniforme n°6 OHADA, "… la mention, en caractères très apparents, que le bien saisi est placé sous la garde du détenteur qui ne peut ni l’aliéner, ni le déplacer sauf dans le cas prévu à l’article 103 ci-dessus…" est l’une des conditions sine qua non de la saisie et ce à peine de nullité;
Attendu que la saisie – revendication étant une saisie conservatoire, l’enlèvement d’un bien saisi à cet effet ne peut avoir lieu que par l’autorisation de la juridiction compétente en application de l’article 103 de l’acte Uniforme n°6 suscité;
Attendu qu’il est de jurisprudence constante et il s’induit de l’article 233 dudit acte uniforme qu’en matière de saisie revendication, la remise de la chose à un tiers, en l’occurrence un séquestre est soumis à l’autorité de justice (Abidjan, n° 710, 2 Juin 2000),
Que lorsque la saisie – revendication a été suivie d’enlèvement du bien saisi, sans autorisation de justice, le juge de l’exécution se doit de la déclarer d’irrégularité;
Attendu que dans le cas d’espèce, M. BIWOLE Jean a fait pratiquer une saisie – revendication du véhicule de marque Nissan Pick up immatriculé sous le n° CE-7276-P suivie de son enlèvement le 21 "Juillet 2004;
Que la garde dudit véhicule a été confié à un certain BIDJOGO Pierre, constitué à cet effet par l’Huissier instrumentaire sans autorisation aucune de la justice;
Qu’il apparaît dès lors que la saisie revendication suscitée a été pratiquée au mépris des articles 103, 231 de l’acte uniforme n° 6 sus-évoqué;
Que les dispositions de l’article 231 dudit acte uniforme ayant été prescrites à peine de nullité, il y a lieu de dire et juger qu’il s’agit d’une saisie frappée de nullité;
Attendu relativement à la rétractation de l’ordonnance sollicitée que la liquidation EZABIS n’a pas rapporté la preuve de l’extinction de son obligation à l’égard du sieur ZOGO EKASSI;
Qu’il échet de dire que le recouvrement de ladite créance est menacée ce d’autant plus que la Société se trouve en liquidation;
Qu’il échet de débouter EZABIS de sa demande de rétractation comme non fondée;
Attendu que sieur ZOGO EKASSI a conclu à l’irrecevabilité de l’action de la demanderesse pour défaut d’enregistrement de l’acte notarié proclament la liquidation de la Société EZABIS;
Mais attendu que l’enregistrement d’un acte n’est pas une condition de validité mais lui en confère tout simplement une date certaine pour des raisons fiscales;
Attendu par ailleurs que le défendeur a prétendu que le véhicule saisi revendiqué lui appartient en toute propriété parce qu’ayant dénoncé le contrat de vente du 03 Octobre 2002;
Attendu cependant qu’aux termes de l’article 1583 du code civil, "La vente est parfois entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé";
Qu’au regard de tout ce qui précède et à la lecture des pièces versées aux débats, il y a lieu de dire ses prétentions non fondées;
Attendu cependant que réagissant à la suite d’une note en délibéré déposé le 20 Août 2004 au Secrétariat du juge de céans par le conseil de la liquidation EZABIS Sarl, dans laquelle la liquidation produisait la carte grise mutée en son nom, preuve que le propriété du véhicule n’était plus discuté, ZOGO EKASSI sous la plume de son conseil a conclu principalement au passer outre la note en délibéré et subsidiairement solliciter l’immobilisation du véhicule dont s’agit;
Attendu qu’aux termes de l’article 103 de l’acte Uniforme suscité : "… si parmi les biens saisies se trouve un véhicule terrestre à moteur, la juridiction compétente peut, après avoir entendu les parties ou celles-ci dûment appelées, ordonner son immobilisation jusqu’à son enlèvement en vue de la vente …";
Qu’il est constant que les parties ont été entendus par le biais de leur conclusion;
Qu’il échet d’ordonner l’immobilisation du véhicule querellé;
Attendu que la présente action a été introduite dans les formes légales; qu’il convient de la recevoir;
Attendu qu’aux termes de l’article 50 du code de procédure civile, toute partie qui succombera sera condamnée aux dépens; qu’aucune partie n’a eu entièrement gain de cause, il convient de les condamner aux dépens solidaires;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de toutes les parties en matière de contentieux de l’exécution et en premier ressort;
Au principal, renvoyons les parties à se pouvoir, mais dès à présent, vu l’urgence;
Déclarons recevable l’action de la Société EZABIS Général Business, l’y disons partiellement fondée;
Déclarons la saisie pratiquée le 21 juillet 2004, par les soins de M.BIWOLE Jean Réné, Huissier de Justice à Yaoundé nulle pour inobservation d’une formalité prescrite à peine de nullité;
Déboutons la Société EZABIS de son action en rétraction de l’ordonnance n°135/03/04 du 16 Juillet 2004 de Monsieur le Président du Tribunal de Première Instance de Yaoundé – Ekounou comme non fondée;
Recevons ZOGO EKASSI en sa demande reconventionnelle, l’y disons fondée;
Ordonnons par conséquent l’immobilisation du véhicule de marque Nissan Pickup double cabine immatriculé sous le n°CE-7275-P détenu par BIDJOGO;