J-05-220
VOIES D'EXECUTION – SAISIES CONSERVATOIRES – SAISIE CONSERVATOIRE DES CREANCES – SAISIE ENTRE LES MAINS D'UN TIERS.
LITIGE SOCIAL – DECISION DEFINITIVE ET EXECUTOIRE – CONVERSION DE LA SAISIE CONSERVATOIRE EN SAISIE – ATTRIBUTION – NOTIFICATION – REFUS DE PAIEMENT PAR LE TIERS SAISI – REQUETE AUX FINS D'OBTENTION D'UN TITRE EXECUTOIRE.
PROCEDURE DE SAISIE CONSERVATOIRE – EXCEPTIONS D'IRREGULARITES – ARTICLE 62 AUPSRVE – CONTESTATIONS – PREROGATIVES DU DEBITEUR – DEFAUT DE QUALITE DU TIERS SAISI POUR CONTESTER – ARTICLE 61 ALINEA 1 AUPSRVE – DELAI POUR L'OBTENTION D'UN TITRE EXECUTOIRE – CADUCITE DE LA PROCEDURE (NON) – ARTICLE 38 AUPSRVE – REFUS DE PAIEMENT ABUSIF – VERSEMENT DE DOMMAGES – INTERETS (OUI) – ARTICLE 168 AUPSRVE – TITRE EXECUTOIRE CONTRE LE TIERS SAISI (OUI) – EXECUTION PROVISOIRE (oui).
Relativement à la procédure de saisie conservatoire, il résulte expressément des dispositions de l'article 62 AUPSRVE que les contestations ne peuvent être formulées que par le débiteur seul. Le tiers saisi n'a donc pas la qualité pour soulever des irrégularités liées à ladite procédure.
En outre, aux termes des dispositions de l'article 61 alinéa 1 AUPSRVE, la caducité de la procédure pour l'obtention d'un titre ne peut concerner les procédures initiées avant la saisie conservatoire et dont ladite saisie tend à garantir le recouvrement des condamnations.
Par conséquent, et conformément aux articles 168 et 38 AUPSRVE, il y a lieu de condamner le tiers saisi au paiment des sommes saisies conservatoirement entre ses mains, et à des dommages-intérêts pour refus abusif.
Article 38 AUPSRVE
Article 61 AUPSRVE ALINEA 1
Article 62 AUPSRVE
Article 168 AUPSRVE
(Tribunal DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n° 30 du 04 février 2004, OUEDRAOGO Idrissa c/ OUEDRAOGO Dominique).
LE TRIBUNAL,
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par exploit d'huissier en date du 05 septembre 2003, OUEDRAOGO Idrissa assignait OUEDRAOGO Dominique aux fins d'obtenir un titre exécutoire devant le tribunal de céans;
Il expose que dans le cadre, d'un litige social l'opposant à la société Office Tuniso-burkinabè de Distribution (OTBD), monsieur OUEDRAOGO Idrissa faisait pratiquer sur autorisation de la juridiction présidentielle du tribunal de grande instance de Ouagadougou, saisie conservatoire sur les sommes appartenant à l'Office Tuniso-burkinabè de Distribution (OTBD) entre les mains de monsieur OUEDRAOGO Dominique, partenaire commercial de cette dernière pour sûreté et avoir paiement de la somme totale de 23.755.280 F.CFA;
Que OUEDRAOGO Dominique déclarait détenir pour le compte de l'Office Tuniso-burkinabè de Distribution la somme totale de 4.428.125 F.CFA;
Que par jugement n° 163 du 26 novembre 2002, le tribunal de travail de Ouagadougou condamnait l'Office Tuniso-burkinabè de Distribution à payer au requérant la somme totale de 3.920.000 F.CFA;
Que l'Office Tuniso-burkinabè de Distribution ne relevait pas appel de cette décision qui devenait définitive et exécutoire;
Que monsieur OUEDRAOGO Idrissa faisait notifier à OUEDRAOGO Dominique un procès-verbal de conversion de la saisie conservatoire en saisie-attribution avec commandement d'avoir à payer la somme totale de 5.266.210 F.CFA représentant le principal de la condamnation, les honoraires du conseil du requérant, et les frais de la procédure;
Qu'il était notifié et ce conformément aux dispositions de l'acte uniforme portant sur les voies d'exécution à OUEDRAOGO Dominique le certificat de non contestation délivré par le greffier en chef du tribunal de grande instance de Ouagadougou;
Que monsieur OUEDRAOGO Dominique se refusait à tout paiement;
Que pourtant il résulte de l'article 168 de l'acte uniforme portant voies d'exécution que : « En cas de refus de paiement par le tiers saisi des sommes qu'il a reconnues devoir ou dont il a été jugé débiteur, la contestation est portée devant la juridiction compétente qui peut délivrer un titre exécutoire contre le tiers saisi »
Qu'eu égard à la disposition légale susvisée le requérant sollicite que lui soit délivré un titre exécutoire à l'encontre de monsieur OUEDRAOGO Dominique par la condamnation personnelle de ce dernier au paiement de la somme de 4.428.125 F.CFA représentant le montant total des sommes saisies conservatoirement entre ses mains et qu'il détient pour le compte de l'office Tuniso-burkinabè de distribution;
Que par ailleurs le refus de payer de monsieur OUEDRAOGO Dominique est abusif et vexatoire et qu'en réparation de cette résistance abusive et vexatoire, OUEDRAOGO Idrissa sollicite la condamnation de monsieur OUEDRAOGO Dominique à lui payer la somme de 3.000.000 F.CFA à titre de dommages-intérêts;
OUEDRAOGO Dominique par la plume de son conseil réplique et soutient que le procès-verbal de saisie conservatoire de créance à lui notifié le 14/01/2002 comporte des irrégularités graves au regard de l'article 61 alinéa 1er de l'acte uniforme du 10 Avril 1998 portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et de voies d'exécution, à même de justifier son annulation;
Qu'au nombre de ces irrégularités procédurales, on peut noter l'absence dans le procès-verbal de saisie conservatoire de créance des dispositions de l'article 36 alinéa 2 qui ont été substituées par d'autres dispositions notamment les articles 38, 62 et 63 dudit acte uniforme;
Que pire encore dans l'exploit de dénonciation de saisie conservatoire en date du 21/01/2002 OUEDRAOGO Idrissa n'a pas visé le titre ou ordonnance en vertu de laquelle il a procédé à cette saisie conservatoire de créance pourtant prescrit par l'article 79 de l'acte uniforme Ohada sur les recouvrements;
Qu'en outre, OUEDRAOGO Idrissa, en faisant notifier le 07 août 2003 un procès-verbal de conversion d'une saisie conservatoire en saisie attribution suivie de la dénonciation au débiteur a violé l'article 82 de l'acte uniforme du 10 avril 1998 portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution car celui-ci n'a pas de titre exécutoire consécutif à la procédure de saisie conservatoire de la créance en son encontre;
Que la procédure de saisie conservatoire de créance entreprise par OUEDRAOGO Idrissa est caduque au sens de l'article 61 de l'acte uniforme du 10 avril 1998 portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution;
Qu'en conséquence, il convient de débouter OUEDRAOGO Idrissa de toutes ses prétentions comme étant mal fondées.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les irrégularités de la procédure de saisie conservatoire;
Attendu que sur ce point, l'article 62 de l'acte uniforme portant sur les voies d'exécution relatives aux contestations dispose que "même lorsqu'une autorisation préalable n'est pas requise, la juridiction compétente peut à tout moment sur la demande du débiteur, le créancier entendu ou appelé, donner la main­levée de la mesure conservatoire si le saisissant ne rapporte pas la preuve que les conditions prescrites par les articles 54, 55, 59, 60 et 61 sont réunies";
Qu'il résulte expressément de ces dispositions susvisées que les contestations ne peuvent être formulées que par le débiteur seul;
Qu'or monsieur OUEDRAOGO Dominique n'est que tiers saisi dans la présente procédure de saisie conservatoire et n'a donc pas la qualité pour soulever des irrégularités liées à ladite procédure;
Attendu par ailleurs que pour invoquer la caducité de la procédure de saisie conservatoire OUEDRAOGO Dominique invoque les dispositions de l'article 61 alinéa 1 de l'acte uniforme portant sur les voies d'exécution selon lesquelles, le créancier doit dans le mois de la saisie, à peiné de caducité introduire une procédure ou accomplir des formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire;
Que non seulement OUEDRAOGO Dominique, tiers saisi dans la procédure de saisie n'a pas qualité pour soulever une telle contestation, mais aussi il fait une lecture erronée des dispositions de l'article 61 alinéa 1 sus­visé;
Que cette disposition légale n'exclut en aucun moment la possibilité que la procédure pour l'obtention du titre exécutoire ait été introduite avant la saisie conservatoire;
Que la caducité suppose que la procédure pour l'obtention d'un titre ait été introduite plus de deux mois après la saisie conservatoire;
Que cette caducité ne peut concerner les procédures initiées avant la saisie conservatoire et dont ladite saisie tend à garantir le recouvrement des condamnations;
Attendu que de tout ce qui précède, il résulte que les irrégularités liées à la procédure de saisie conservatoire invoquées ne sont pas fondées et qu'il y a lieu de débouter OUEDRAOGO Dominique sur ce point de toutes fins et conclusions;
Sur le titre exécutoire
Attendu qu'il résulte de l'article 168 de l'acte uniforme portant voies d'exécution que « en cas de refus de paiement par le tiers saisi des sommes qu'il a reconnues ou dont il a été jugé débiteur, la contestation est portée devant la juridiction compétente qui peut délivrer un titre exécutoire contre le tiers saisi »;
Attendu qu'en l'espèce, par jugement n° 163 du 26 novembre 2002, le tribunal de travail de Ouagadougou condamnait l'OTBD à payer à OUEDRAOGO Idrissa la somme totale de 3.920.000 F.CFA;
Que monsieur OUEDRAOGO Dominique bien qu'étant régulièrement notifié se refusait à tout paiement alors qu'il reconnaît être débiteur de la société OTBD d'une somme de 4.428.125 F.CFA représentant le montant total des sommes saisies conservatoirement entre ses mains;
Qu'eu égard à la disposition légale susvisée il y a lieu d'ordonner à OUEDRAOGO Dominique de reverser entre les mains de OUEDRAOGO Idrissa, la somme de 4.428.125 F.CFA représentant le montant total des sommes saisies conservatoirement entre ses mains;
Des dommages et intérêts
Attendu que pour des motifs inconnus, OUEDRAOGO Dominique se refusait à payer entre les mains de OUEDRAOGO Idrissa la somme réclamée;
Que ce refus de OUEDRAOGO Dominique de payer au créancier saisissant ne s'explique point et ne repose sur aucun fondement. Que pourtant l'article 38 de l'acte uniforme portant saisie et voie d'exécution dispose que « les tiers ne peuvent pas faire obstacle aux procédures en vue de l'exécution des créances. Ils doivent apporter leur concours lorsqu'ils sont légalement requis, tout manquement à ces obligations peut entraîner leur condamnation à verser des dommages et intérêts;
Le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie peut également et, sous les mêmes conditions être condamné au paiement des causes de la saisie sauf son recours contre le débiteur »;
Attendu que le refus de OUEDRAOGO Dominique de payer est abusif à l'égard de OUEDRAOGO Idrissa et ouvre droit à des dommages et intérêts;
Qu'en réparation de cette résistance abusive, il échet de condamner OUEDRAOGO Dominique à payer au requérant des dommages et intérêts;
Mais attendu que la somme de 3.000.000 F.CFA réclamée par OUEDRAOGO Idrissa est excessive;
Que la somme de 500.000 F.CFA serait une bonne appréciation du préjudice;
De l'exécution provisoire de la décision
Attendu que OUEDRAOGO Dominique bien qu'ayant été régulièrement notifié avait opposé son refus catégorique d'exécuter la décision rendue;
Que cette attitude témoigne de manque de volonté de la part de monsieur OUEDRAOGO Dominique
Qu' il échet donc d'assortir la présente décision de l'exécution provisoire;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en premier ressort, rejette les exceptions soulevées par monsieur OUEDRAOGO Dominique;
AU FOND
Ordonne à OUEDRAOGO Dominique de reverser à monsieur OUEDRAOGO Idrissa la somme de 4.428.125 F.CFA représentant le montant total des sommes saisies conservatoirement entre ses mains et le condamne à 500.000 F.CFA de dommages et intérêts;
Déboute OUEDRAOGO Idrissa du surplus de sa demande;
Ordonne l'exécution provisoire;
Condamne OUEDRAOGO Dominique aux dépens.