J-05-225
DROIT DES ASSURANCES – ENTREPRISES – DIRECTEUR GENERAL – ABUS DE BIENS SOCIAUX – CITATION – EXCEPTION D'IRRECEVABILITE – ARTICLE 306 CODE CIMA – CHANGEMENT DE DIRIGEANT – DEFAUT DE QUALITE DU DIRECTEUR PAR INTERIM POUR AGIR (NON) – CITATION RECEVABLE –.
SANCTIONS DES REGLES DE FONCTIONNEMENT – ARTICLE 333 – 10 2° ET 3° CODE CIMA – USAGE DE BIENS A DES FINS PERSONNELLES –.
DROIT DES SOCIETES COMMERCIALES ET DU GIE – ADMINISTRATION DE LA SOCIETE ANONYME – ARTICLE 450 ALINEA 1° AUSCGIE – CONVENTIONS INTERDITES – EMPRUNT DU DIRECTEUR GENERAL AUPRES DE LA SOCIETE – ABUS DE BIENS SOCIAUX (OUI) – FRAIS ET HONORAIRES DES PROCES ENTRE ACTIONNAIRES – ARTICLE 171 AUSCGIE – ACTION SOCIALE (NON).
ACTION CIVILE FONDEE – DOMMAGES ET INTERETS (OUI) – EXECUTION PROVISOIRE (oui).
Le prêt que s'octroie un directeur général constitue une violation flagrante de l'article 450 alinéa 1° AUSCGIE qui dispose que « A peine de nullité de la convention, il est interdit aux administrateurs, aux directeurs généraux et aux directeurs généraux adjoints ainsi qu'à leurs conjoints, ascendants ou descendants et aux autres personnes interposées, de contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts auprès de la société, de se faire consentir par elle un découvert en compte courant ou autrement, ainsi que de faire cautionner ou avaliser par elle leurs engagements envers les tiers ».
Il y a donc délit d'abus de biens sociaux puni conformément aux dispositions de l'article 333-10 du code CIMA 2° et 3°.
Article 306 CODE CIMA
Article 333-10 2° ET 3° CODE CIMA
Article 450 AUSCGIE ALINEA 1°
Article 171 AUSCGIE
Article 52 CODE PENAL
Article 473 CODE DE PROCEDURE PENALE
Article 699 A 718 CODE DE PROCEDURE PENALE
(Tribunal DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n° 860 du 10 janvier 2000, Ministère public c/ YAMEOGO Jean Vivien Alfred).
Interpellé par monsieur le Président à l'audience (lu 20/09/99 conformément à l'article 393 du code de procédure pénale, le prévenu déclare être jugé immédiatement, mais l’affaire a été renvoyée à l’audience du 27/12/99 : à cette date, l’affaire fut mise en délibéré au 10/01/2000;
A l'appel de la cause, monsieur le Procureur du Faso a exposé qu'il avait fait comparaître le prévenu susnommé, par devant le tribunal à l'audience de ce jour pour se défendre en raison de la prévention ci-dessus indiquée.
Puis le greffier a fait lecture des pièces du dossier;
Le ministère public a résumé l’affaire et requis, contre le prévenu, l'application de la loi.
Les prévenu et défenseur ont présenté leurs moyens de défenses.
Puis le tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, a statué en ces termes :
LE TRIBUNAL,
Vu les pièces du dossier,
Ouï le procureur en son interrogatoire;
Ouï la partie civile en sa déclaration et en ses réclamations;
Ouï le ministère public civil ses réquisitions;
Ouï le prévenu et son conseil en leurs moyens de défense;
FAITS, PRETENTIONS, MOYENS DES PARTIES
Par exploit d'huissier de justice en date du 10/09/1999 l'U.A.B., poursuite et diligence de son Directeur général par intérim, monsieur SORGHO Soumaïla, élisant domicile en l'Etude de Maître LOMPO O. Frédéric avocat à la Cour, a assigné monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred, précédemment Directeur général de l’U.A.B., par la voie de citation directe en qualité de prévenu pour délit d'abus de biens sociaux, devant le tribunal de grande instance de Ouagadougou siégeant en matière correctionnelle.
Attendu qu'il est fait grief à monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred, d'avoir fait débloquer une somme de 19.200.000 F.CFA par chèque B.O.A. IARDT n° 0012711 du 22/02/99 pour un prétendu règlement de prêt personnel sans autorisation du conseil d'administration et d'avoir fait débloquer des sommes d'argent au moyen de plusieurs chèques sur les comptes de l’U.A.B. pour régler les honoraires d’avocats et huissier de justice engagés par lui pour défendre soit ses intérêts dans les différents procès qui l’opposaient à d’autres actionnaires de l’U.A.B. soit de certains actionnaires contre d’autres actionnaires de l’U.A.B.;
Qu'il s'agit des :
– chèque BICIA-B sinistre n° 2614064 du 25/03/1999 d'un montant de 4.000.000 F.CFA
– chèque BICIA-B n° 433351 du 12/04/1999 de 6.500.000 F.CFA
– chèque BICIA-B sinistre n° 2614286 du 04/05/1999 de 386.988 F.CFA
– chèque BICIA-B sinistre n° 4333513 du 12/04/1999 de 1.475.000 F.CFA
– chèques BICIA-B sinistre n° 12224123 et 1224424 du 17/05/1999 de 826.000 et 1.770.000 F.CFA
– chèque BICIA-B sinistre n° 1224125 du 17/05/1999 de 1.534.000 F.CFA
– chèque BICIA-B sinistre n° 1224031 de 295.000 F.CFA
– chèque BICIA-B sinistre n° 433351 du 12/04/1999 de 3.500.000 F.CFA
– chèques BICIA-B sinistre n° 12614 114 du 16/08/99 et n° A 2614109 de 649.000 F.CFA chacun
– chèque BICIA-B sinistre n° 2614112 de 3.599.000 F.CFA
– chèque BICIA-B sinistre n° 2614113 de 944.000 F.CFA
– chèque BICIA-B sinistre n° 2614111 de 3.894.000 F.CFA
– chèque BICIA-B sinistre n° 2641110 de 1.829.000 F.CFA
– chèque BICIA-B sinistre n° 2614108 de 79.083 F.CFA
Que toutes les sommes versées, réglées aux conseils n'étaient nullement dues par l’U.A.B., que les conseils qui ont bénéficié de ces paiements n'ont jamais été conseils de I'U.A.B.; que la somme de 19.200.000 F.CFA débloquée le 22/02/99 sans l'autorisation du conseil d'administration ne sont ni plus ni moins que des abus de biens sociaux prévus et punis par l'article 333-10 du code CIMA.
Comparant à l'audience et assisté de Me SAWADOGO Mamadou son conseil, monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred, a soulevé l’irrecevabilité de l’action de l’U.A.B. pour défaut de qualité de monsieur SORGHO Soumaïla, Directeur général par intérim de l’U.A.B. sur la base de l’article 306 du code CIMA, au fond il a plaidé non coupable en soutenant que la somme de 19.200.000 F.CFA dont il a bénéficié à titre de prêt lui a été consentie au cours d’un conseil d’administration que tout le personnel a bénéficié de prêt; qu’il est en train de rembourser son prêt.
Quant aux différentes sommes débloquées au profit des conseils dans les différents procès opposant les actionnaires de la société, il soutient qu'en tant que Directeur général de l'U.A.B. les statuts de la société l'autorisaient conformément à l'article 171 de l'acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et G.I.E. qui dispose que « Les frais et honoraires occasionnés par l'action sociale, lorsqu'elle est intentée par un ou plusieurs associés, sont avancés par la société »; qu'il a donc agi dans le cadre de l'action sociale.
Qu'il n'y a donc pas abus de biens sociaux;
Reconventionnellement, il demande que SORGHO Soumaïla et l'U.A.B. soient condamnés à lui payer la somme de 30.000.000 F.CFA à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral et professionnel que lui cause un tel procès;
Attendu que monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred, a comparu à l'audience; qu'il y a lieu de rendre un jugement contradictoire à son encontre.
II - DISCUSSION
A - SUR L'ACTION PENALE
1) Sur la forme
Attendu que monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred, a soulevé l'irrecevabilité de la citation au motif que monsieur SORGHO Soumaïla, Directeur général de l'U.A.B. par intérim n'avait pas la qualité pour agir au nom de l'U.A.B. conformément à l'article 306 du code CIMA qui dispose que « toute entreprise agréée en application de l'article 326 est tenue de soumettre à l'approbation du Ministre en charge du secteur des assurances dans l'Etat membre après avis conforme de la Commission préalablement à sa réalisation tout changement de titulaire concernant les fonctions de Président ou de Directeur général... »
Attendu que monsieur SORGHO Soumaïla a été nommé Directeur général par intérim de l'U.A.B. à la suite des indélicatesses découvertes suite à la gestion de monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred; et contre lequel des poursuites ont été engagées, qu'il ne s'agit que des mesures d'urgence provisoires en attendant la nomination d'un Directeur général titulaire;
Qu'il s'en suit que ce moyen n'est pas fondé et qu'il échet en conséquence de déclarer la citation recevable.
2) Sur le fond
Attendu que l'article 333-10 du code CIMA 2° et 3° dispose que « seront punis d'un emprisonnement de un à cinq ans et d'une amende de 360.000 à 7.200.000 F.CFA ou de l'une de ces deux peines seulement, le président, les administrateurs, les gérants ou les directeurs généraux des entreprises non commerciales mentionnées à l'article 300 qui :
2° de mauvaise foi, auront fait, des biens ou du crédit de l'entreprise, un usage qu'ils savaient contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre entreprise dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement,
3° de mauvaise foi auront l'ait des pouvoirs qu'ils possédaient ou des voix dont ils disposaient en cette qualité un usage qu'ils savaient contraire aux intérêts de l'entreprise, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre entreprise dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement ».
Attendu qu'il est reproché à monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred, d'avoir dans un premier temps indûment bénéficié d'un prêt de 19.200.000 F.CFA,
Attendu que l'article 450 alinéa 1° de l'acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique dispose que « A peine de nullité de la convention, Il est interdit aux administrateurs, aux directeurs généraux et aux directeurs généraux adjoints ainsi qu'à leurs conjoints, ascendants ou descendants et aux autres personnes interposées, de contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts auprès de la société, de se faire consentir par elle un découvert en compte courant ou autrement, ainsi que de faire cautionner ou avaliser par elle leurs engagements envers les tiers ».
Que le prêt octroyé à monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred, est une violation flagrante de l'article 450 ci-dessus cité; qu'il échet de dire que monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred, commet un abus de biens sociaux portant sur la somme de 19.200.000 F.CFA;
Attendu qu'il est également reproché à monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred, d'avoir indûment réglé sur les deniers de l’U.A.B. des sommes d'argent à des avocats qui ont soigné les intérêts de YAMEOGO Jean Vivien Alfred, et de certains actionnaires;
Attendu que les avocats dont il est question ont défendu les intérêts des actionnaires qui ont demandé leurs services et non les intérêts de l’U.A.B.;
Qu'il est curieux que deux groupes d'actionnaires, d'une société qui s'affrontent dans un même procès que l'on soutienne qu'il s'agit d'une action sociale; car en tout état de cause les différends opposant des groupes d'administrateurs ou d'actionnaires quant à leurs intérêts particuliers ne peuvent ouvrir droit à l'exercice de l'action sociale. Qu'en effet, les différents procès intentés ont été faits soit par un actionnaire soit par un groupe d'actionnaires contre un autre groupe d'actionnaires mais jamais pour le compte de l’U.A.B. et au nom de l’U.A.B.;
Que les actions ne peuvent être qualifiées d'action sociale, et donner droit à l'application de l'article 171;
Que chaque actionnaire ou groupe d'actionnaires a initié des actions dans ce cadre se doit de répondre personnellement de tous les frais occasionnés.
Que monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred, en faisant payer de tels frais sur les fonds de l’U.A.B. tombe sous le coup du délit d'abus de biens sociaux, prévu par les dispositions de l'article 333-10 du code CIMA.
B - SUR L'ACTION CIVILE
Attendu que l'U.A.B. se constitue partie civile et réclame le remboursement des 19.200.000 F.CFA perçus par monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred, et des 28.498.071 F.CFA sortis des fonds de l'U.A.B. elle réclame en outre la somme de 5.000.000 F.CFA à titre de dommages et intérêts;
Attendu qu'au regard des pièces du dossier que le délit d'abus de biens sociaux est établi; que le préjudice subi par l’U.A.B. est certain et réel, qu'il y a lieu de faire droit à la constitution de partie civile de l'U.A.B., la déclarer fondée et en conséquence condamner monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred, à payer à l’U.A.B. la somme de 47.698.071 F.CFA représentant le montant des sommes sorties des comptes de l'U.A.B. outre celle de 500.000 F.CFA à titre de dommages et intérêts.
C - SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE DE MONSIEUR YAMEOGO JEAN VIVIEN ALFRED,
Attendu que monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred, plaide non coupable et reconventionnellement réclame la somme de 30.000.000 F pour être traduit à tort devant le tribunal correctionnel;
Attendu que ce moyen ne saurait prospérer, les pièces du dossier ayant permis d'asseoir sa culpabilité, qu'en conséquence il échet de débouter monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred, de sa demande reconventionnelle.
D - SUR L'EXECUTION PROVISOIRE
Attendu que l’U.A.B. traverse une période de crise; que le recouvrement rapide des sommes sorties au mépris des textes s'avère nécessaire et qu'il convient d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière correctionnelle et en 1er ressort :
EN LA FORME
Sur l'exception d'irrecevabilité tirée du défaut de qualité de monsieur SORGHO Soumaïla à agir en tant que Directeur général par intérim de l'U.A.B..
Le tribunal déclare l'exception non fondée, en conséquence, déclare la citation recevable.
AU FOND
Le tribunal retient monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred, dans les liens de la prévention; le déclare coupable du délit d'abus de biens sociaux; en répression, le condamne à 360.000 F.CFA d'amende ferme.
SUR L'ACTION CIVILE
– Le tribunal reçoit la constitution de partie civile de l'U.A.B.;
– En conséquence, condamne monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred, à payer à l’U.A.B. la somme de 47.698.071 F.CFA en principal outre celle de 500.000 F.CFA à titre de dommages et intérêts;
– Déboute l'U.A.B. du surplus de sa demande;
– Déboute monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred, de sa demande reconventionnelle;
– Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement nonobstant toutes voies de recours;
– Condamne Y. J. V. A., aux dépens.
Le condamne en outre aux dépens liquidés à la somme de cent dix sept (117) francs
Et ce non compris les frais postérieurs au présent jugement;
Fixe, quant à l'amende et au paiement des frais envers l'Etat la durée de la contrainte par corps au minimum;
Le tout par application des textes susvisés et des articles 52 du code pénal; 473 du code de procédure pénale; 699 à 718 du code de procédure pénale, dont lecture a été faite par M. le Président.