J-05-228
Voir Ohadata J-04-77
DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – CONTRAT DE BAIL D'UN TERRAIN POUR LA VENTE DE PRODUITS PETROLIERS – LOYER – REVISION A LA HAUSSE – APPEL – RECEVABILITE (OUI) –.
MONTANT DU LOYER – DESACCORD ENTRE LES PARTIES – ARTICLE 85 AUDCG – FIXATION DU PRIX PAR LE JUGE – FIXATION MOTIVEE –.
APPEL INCIDENT – RECEVABILITE (OUI) – REVISION DU LOYER – ARTICLE 84 AUDCG – VOLONTE LIBRE DES PARTIES (OUI) –.
CONFIRMATION DU JUGEMENT ATTAQUE EN TOUTES SES DISPOSITIONS.
A défaut d'accord écrit entre les parties sur le nouveau montant du loyer, la juridiction compétente saisie fixe le montant du nouveau loyer en tenant notamment compte notamment de la situation des locaux, leur superficie, l'état de vétusté, le prix des loyers commerciaux couramment pratiqués dans le voisinage pour des locaux similaires, etc.
Quant à la révision du loyer, il découle des dispositions de l'article 84 AUDCG que le législateur OHADA entend, une fois de plus, consacrer le principe du consensualisme dans les conventions, sous réserve d'une restriction apportée à cette liberté par les lois et règlements internes. Dans le cas d'espèce, aucune restriction légale et réglementaire n'ayant été versée par les parties aux débats, il convient de laisser toute liberté aux parties pour s'accorder sur le nouveau montant à chaque période triennale ou selon leur propre convenance.
Article 84 AUDCG
Article 85 AUDCG
Article 530 CODE DE PROCEDURE CIVILE
(COUR D'APPEL DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Chambre civile et commerciale, Arrêt n° 84 du 16 juillet 2004, Burkina & Shell c/ OUEDRAOGO Sibiri Philippe).
LA COUR,
– Vu le jugement n° 236/2003 du 14 mai 2003;
– Vu l'acte d'appel de Burkina & Shell en date du 13 juin 2003;
– Vu l'acte d'appel de monsieur OUEDRAOGO en date du 18 juin 2003;
– Vu les pièces du dossier;
– Ouï les parties en leurs conclusions, fins, moyens et observations;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Le 19 août 2002, monsieur OUEDRAOGO Sibiri Philippe a fait assigner la société Burkina & Shell suivant exploit d'huissier de justice à l'effet de :
– voir réviser à la hausse le loyer de 100.000 F initialement convenu à 800.000 F conformément aux dispositions des articles 84 alinéa 2 et 85 de l'acte uniforme du 17 avril 1997;
– entendre dire et juger que le nouveau loyer à commencer à courir le 1er juin 2002, date de l'expiration de la troisième période triennale;
– entendre dire et juger que le dit loyer sera révisé à l'expiration de chaque période triennale, ce à hauteur de 30 % du montant en cours à cette période;
Il expose, au soutien de sa demande, avoir mis en location sa propriété constituée de deux parcelles jumelées à la société Burkina & Shell pour un loyer mensuel de 100.000 F suivant contrat de bail du 30 janvier 1991 et par avenant n° 001 du 1er juin 1996; que par lettre en date du 26 février 2002, il a informé la société Burkina & Shell de son intention de réviser le loyer à la hausse pour compter du 1er juin 2002, point de départ de la troisième période triennale, mais que celle-ci n'a pas daigné réagir; que c'est pourquoi il a saisi la juridiction compétente pour voir statuer sur le mérite de son action.
Burkina & Shell soutient avoir loué un terrain nu et que le bailleur se base sur les réalisations faites en vue de l'exploitation du fonds pour demander la révision du loyer. Elle ajoute ne pas contester la demande de révision mais estime que le taux est excessif et qu'en s'inspirant du décret n° 52-765 du 30 juin 1952 réglementant les rapports entre locataires et bailleurs, le taux de variation ne peut être supérieur à 25 %.
Qu'en application de ce taux, la révision sera de 125.000 F par mois.
Pour terminer, Burkina & Shell précise que le juge ne peut s'immiscer dans les relations contractuelles des tiers en disant que le loyer sera révisé à l'expiration de chaque période triennale à hauteur de 30 % car la convention est l'émanation de la volonté des parties contractantes.
A l'audience du 14 mai 2003, le tribunal rendait la décision contradictoire suivante :
– en la forme, déclare l'action de OUEDRAOGO Philippe recevable;
– au fond, révise à la hausse le loyer convenu entre lui et Burkina & Shell en le ramenant à quatre cent mille (400.000) Francs par mois;
– dit que le nouveau loyer a commencé à courir le 1er juin 2002;
– le déboute du surplus de sa demande;
– dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire.
Contre cette décision, la société Burkina & Shell a interjeté appel le 13 juin 2003 pour voir infirmer principalement le jugement attaqué et débouter l'intimé de toutes ses prétentions. Subsidiairement, elle demande à la Cour de tenir compte du taux d'inflation dans la fixation du nouveau loyer.
Le 18 juin 2003, OUEDRAOGO S. Philippe a également relevé appel du jugement entrepris pour le voir confirmer en ce qu'il a révisé à la hausse le loyer et le voir infirmer en ce qu'il a fixé le loyer à 400.000 F et n'a pas fait droit à sa demande tendant à obtenir le taux de révision fixé à 30 % à l'expiration de chaque période triennale.
Il demande à la Cour de faire droit à toute sa demande initiale et de débouter Burkina & Shell de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires.
Attendu que l'affaire a été enrôlée pour l'audience publique ordinaire de la Cour d'appel du 04 juillet 2003 et renvoyée au rôle général pour la mise en état; que l'ordonnance de clôture étant intervenue le 29 décembre 2003, l'affaire était appelée à nouveau à l'audience du 16 janvier 2004, mais renvoyée au 05 mars 2004 pour aviser toute les parties;
Qu'à cette date, elle a été retenue, débattue et mise en délibéré pour arrêt être rendu le 16 avril 2004; que le délibéré a été prorogé successivement au 21 mai, 18 juin et 16 juillet 2004 où il a été vidé en ces termes;
DISCUSSION
EN LA FORME
Attendu que la société Burkina & Shell a interjeté appel le 13 juin 2003 contre un jugement rendu contradictoirement le 14 mai 2003; que cet appel remplit toutes les conditions de forme et de délai prévues par la loi pour être déclaré recevable;
Que monsieur OUEDRAOGO Sibiri Philippe a également interjeté appel incident le 11 juin 2003; que l'appel principal étant recevable, il y a lieu de déclarer son appel incident recevable conformément aux dispositions de l'article 530 du code de procédure civile;
AU FOND
Attendu que sur la révision du loyer, il est reproché au jugement attaqué d'avoir fixé le nouveau montant à la somme de 400.000 F par mois; que cependant, il résulte des dispositions de l'article 85 de l'acte uniforme relatif au droit commercial général en son alinéa 1er, que : « A défaut d'accord écrit entre les parties sur le nouveau montant du loyer, la juridiction compétente est saisie par la partie la plus diligente »; que le second alinéa du même article précise que : « Pour fixer le montant du nouveau loyer, la juridiction compétente tient notamment compte des éléments suivants :
– la situation des locaux;
– leur superficie;
– l'état de vétusté
– le prix des loyers commerciaux couramment pratiqués dans le voisinage pour des locaux similaires »;
Qu'en l'espèce, le terrain d'une superficie de 2020 m2 est situé à l'angle d'un croisement de deux voies à grande circulation et les prix pratiqués dans les voisinages sont nettement supérieurs à celui du terrain concerné;
Qu'en outre, la société Burkina & Shell a transformé les lieux mis initialement en location pour l'exploitation des produits pétroliers en une autre destination par l'installation d'un bar ­restaurant, d'un kiosque à café, d'un télécentre, d'un secrétariat public et d'une dibiterie;
Qu'au regard de tous ces éléments et du fait que l'avenant date de 1996, c'est à bon droit que le premier juge a fixé le nouveau montant du loyer à 400.000 F et il convient de confirmer cette décision;
Attendu que sur la révision du loyer à hauteur de 30 % par période triennale, il résulte des dispositions de l'article 84 de l'acte uniforme relatif au droit commercial général que « les parties fixent librement le montant du loyer, sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires applicables. Le loyer est révisable dans les conditions fixées par les parties, où à défaut, à l'expiration de chaque période triennale »;
Qu'il en découle une fois de plus que le législateur OHADA entend consacrer le principe du consensualisme dans les conventions, sous réserve d'une restriction apportée à cette liberté par les lois et règlements internes;
Que dans le cas d'espèce, aucune restriction légale et réglementaire n'ayant été versée par les parties aux débats, il convient de laisser toute liberté aux parties pour s'accorder sur le nouveau montant à chaque période triennale ou selon leur propre convenance.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et en dernier ressort
EN LA FORME
Déclare l'appel de la Société Burkina & Shell et l'appel incident de OUEDRAOGO Sibiri Philippe recevables;
AU FOND
Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions.
Condamne Burkina & Shell aux dépens.