J-05-231
PROCEDURE SIMPLIFIEE DE RECOUVREMENT DES CREANCES – INJONCTION DE PAYER – ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER – OPPOSITION – NON CONTESTATION DE LA CREANCE – DEMANDE DE TERMES ET DELAIS – INCOMPETENCE DU TRIBUNAL – APPEL – RECEVABILITE (OUI).
PAIEMENT – OCTROI DE DELAIS – ARTICLE 1244 CODE CIVIL – COMPETENCE DU TRIBUNAL (OUI) – ANNULATION DU JUGEMENT ATTAQUE – MAUVAISE FOI NOTOIRE DU DEBITEUR – DELAI DE GRACE (NON) –.
Tout débiteur contre lequel a été rendu une ordonnance d'injonction de payer peut former opposition afin de faire valoir les éléments nécessaires à sa défense, pouvant s'analyser en une simple demande reconventionnelle car en dehors de ce cadre légal qu'est l'opposition, il ne sera plus à mesure d'agir qu'au niveau de la phase de l'exécution forcée.
Le juge ne peut donc se déclarer incompétent pour une demande de termes et délais puisqu'aux termes des dispositions de l'article 1244 du code civil il peut, en considération de la position du débiteur, et en usant de ce pouvoir avec une grande réserve, accorder des délais modérés pour le paiement, et surseoir à l'exécution des poursuites..
Article 8 AUPSRVE ALINEA 2
Article 1244 CODE CIVIL
(COUR D'APPEL DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Chambre civile et commerciale, Arrêt n° 109 du 19 novembre 2004, BALKOUMA Stéphane c/ Société ZABRE Roger et Fils (SOZARO)).
LA COUR,
– Vu le jugement n° 328/2002 du 17 avril 2002;
– Vu l'acte d'appel de BALKOUMA Stéphane en date du 14 mai 2002;
– Vu les pièces du dossier;
– Ouï les parties en leurs conclusions, fins, moyens et observations;
Après en avoir délibéré conformément à la loi
FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Le 02 août 2001, la société ZABRE Roger et Fils, en abrégé (SOZARO), a fait notifier par exploit d'huissier de justice une ordonnance d'injonction de payer à Stéphane BALKOUMA d'avoir à lui payer la somme de trois millions sept cent seize mille huit cent soixante quinze (3.716.875) francs CFA.
Elle explique que cette somme représente le reliquat du montant de la commande de meubles que monsieur BALKOUMA avait faite en vue d'aménager les locaux de ses bureaux.
Le 13 août 2001, BALKOUMA Stéphane formait opposition à l'ordonnance d'injonction de payer en exposant qu'il reconnaît la créance dont paiement lui est réclamé, mais qu'étant confronté à des difficultés économiques, il sollicite un délai de dix (10) mois pour lui permettre de se libérer de la créance.
A l'audience du 17 avril 2002, le tribunal a rendu la décision contradictoire suivante :
– En la forme, reçoit BALKOUMA Stéphane en son opposition,
– Au fond, déclare la demande de termes et délais irrecevable pour incompétence du tribunal;
– Condamne BALKOUMA Stéphane à payer à la société ZABRE Roger et Fils (SOZARO), la somme de trois millions sept cent seize mille huit cent soixante quinze (3.716.875) francs CFA, outre les intérêts de droit à compter du présent jugement.
Contre cette décision, BALKOUMA Stéphane interjetait appel le 14 mai 2002 pour voir annuler le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré le tribunal incompétent pour connaître de la demande de termes et délais en vertu de l'article 1244 du code civil.
Il sollicite en conséquence que la Cour lui octroie des termes et délais de vingt quatre (24) mois pour éponger sa dette.
En réplique, la société ZAGRE Roger et Fils conclut à la mauvaise foi évidente de l'appelant et sollicite qu'il soit débouté de toutes ses prétentions qui demeurent sans fondement.
Qu'en effet, l'appelant sollicitait dix (10) mois en barre d'instance et présentement, vingt quatre (24) mois de délai de grâce pour payer sa dette;
Qu'en réalité, l'appelant procède d'une manoeuvre procédurière qui s'insère dans une stratégie dilatoire dont la finalité insidieuse est de retarder l'échéance de son obligation de paiement.
Attendu que l'affaire a été enrôlée pour l'audience publique ordinaire de la Cour d'appel du 07 juin 2002 et renvoyée au rôle général pour la mise en état;
Que l'ordonnance de clôture étant intervenue le 07 juin 2004, l'affaire était appelée à nouveau à l'audience du 18 juin 2004 où elle a été retenue, débattue et mise en délibéré pour arrêt être rendu le 15 octobre 2004 mais le délibéré a été prorogé au 05 novembre, ensuite au 19 novembre date à laquelle il a été vidé en ces termes;
DISCUSSION
EN LA FORME
Attendu que suivant exploit d'huissier de justice en date du 14 mai 2002, monsieur BALKOUMA Stéphane a interjeté appel contre un jugement rendu contradictoirement le 17 avril 2002; que cet appel remplit toutes les conditions de forme et de délai prévues par la loi pour être déclaré recevable;
AU FOND
– Sur la compétence du tribunal
Attendu qu'il est fait grief au jugement entrepris d'avoir déclaré le tribunal incompétent pour connaître de la demande de l'appelant tendant à l'obtention de termes et délais au motif que les dispositions l'article 8 alinéa 2 de l'acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution sont contraires à cette demande;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 9 du même acte uniforme, "le recours ordinaire contre la décision d'injonction de payer est l'opposition"; qu'il en découle que l'opposition est désormais la seule et unique voie de recours contre l'ordonnance d'injonction de payer;
Qu'en outre, le terme "faire valoir des moyens de défense", consacré par l'article 8 alinéa 2 de l'acte uniforme ci-dessus cité n'est pas synonyme forcément "de s'opposer, contester";
Qu'il s'agit en réalité de faire valoir le soutien nécessaire de la demande ou de la défense et qui constituent le fondement de la cause, les éléments de la demande;
Qu'il s'en suit que tout débiteur contre lequel a été rendu une ordonnance d'injonction de payer peut former opposition afin de faire valoir les éléments nécessaires à sa défense, pouvant s'analyser en une simple demande reconventionnelle car en dehors de ce cadre légal qu'est l'opposition, il ne sera plus à mesure d'agir qu'au niveau de la phase de l'exécution forcée;
Que par d'ailleurs, l'article 1244 du code civil stipule que "le débiteur ne peut point forcer le créancier à recevoir en partie le paiement d'une dette même divisible;
Les juges peuvent néanmoins, en considération de la position du débiteur, et en usant de ce pouvoir avec une grande réserve, accorder des délais modérés pour le paiement, et surseoir à l'exécution des poursuites, toutes choses demeurant en l'état";
Qu'en l'espèce, Stéphane BALKOUMA a fait usage du seul et unique voie de recours dont il dispose contre la décision d'injonction de payer et qui est l'opposition pour, non pas contester ni le principe de la créance, ni son montant, mais pour faire valoir les éléments nécessaires à sa défense qui consiste à solliciter le bénéfice des dispositions bienveillantes de l'article 1244 du code civil à savoir les termes et délais pour le paiement de sa créance en considération de sa situation financière;
Qu'il s'en suit donc que la demande s'inscrit pleinement dans les compétences du tribunal saisi et que c'est à tort que les premiers juges l'ont déclaré incompétent pour connaître de la demande et leur décision mérite annulation pour violation de la loi;
– Sur la demande des termes et délais
Attendu que BALKOUMA Stéphane a formulé sa demande de termes et délais sur le fondement de l'article 1244 du code civil;
Que cependant, il ressort des débats à l'audience et des pièces du dossier que l'objectif réellement poursuivi par l'appelant est de retarder au maximum l'échéance du paiement;
Qu'en effet, il sollicitait en barre d'instance des délais de dix (10) mois pour payer sa créance courant août 2001 et le jugement a été rendu le 17 avril 2002, soit huit (08) mois plus tard;
Que dans ses conclusions d'appel en date du 28 avril 2004 BALKOUMA Stéphane demande à la Cour un délai de grâce de vingt quatre (24) mois pour honorer ses engagements, soit après deux (02) ans huit (08) mois depuis que l'ordonnance d'injonction de payer lui a été notifiée et qu'il a formé opposition;
Qu'il en découle que le débiteur fait montre d'une mauvaise foi notoire dans l'exécution de ses engagements et il convient de rejeter sa demande;
Attendu que la société ZABRE Roger et Fils (SOZARO) demande le paiement de sa créance qui se chiffre à la somme de trois millions sept cent seize mille huit cent soixante quinze (3.716.875) francs CFA par Stéphane BALKOUMA;
Que ce dernier ne conteste pas la créance, ni dans son principe, ni dans son quantum, que seulement, pour le paiement de la dite créance, il met de la mauvaise foi à s'exécuter;
Qu'il y a lieu en conséquence de l'y contraindre, la demande de SOZARO étant régulière en la forme et bien justifiée quant au fond.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et en dernier ressort;
EN LA FORME
Déclare l’appel de Stéphane BALKOUMA recevable;
AU FOND
Annule le jugement attaqué en ce qu’il a déclaré le tribunal incompétent;
Statuant à nouveau, déclare le tribunal compétent;
Rejette la demande de Stéphane BALKOUMA tendant à l’obtention de termes et délais;
Le condamne en conséquence à payer à SOZARO la somme de trois millions sept cent seize mille huit cent soixante quinze (3.716.875) francs CFA en principal, outre les intérêts de droit à compter du jugement;
Condamne BALKOUA Stéphane aux dépens.