J-05-234
DROIT CIVIL – VENTE – ACTION EN RESOLUTION – EXCEPTION D'IRRECEVABILITE – DEFAUT DE CAPACITE.
SOCIETE COMMERCIALE – PERSONNALITE JURIDIQUE – ARTICLE 98 AUSCGIE – ACTE D'ASSIGNATION POSTERIEURE A L'IMMATRICULATION – RECEVABILITE DE L'ACTION (OUI) –.
EXECUTION DU CONTRAT DE VENTE – ARTICLE 1610 CODE CIVIL – OBLIGATIONS DU VENDEUR – OBLIGATION DE DELIVRANCE – DEFAUT DE DELIVRANCE NON JUSTIFIE – RESOLUTION DE LA VENTE (OUI) – REPETITION DES SOMMES – ARTICLE 1315 CODE CIVIL – PREUVE PARTIELLE DE LA CREANCE – PAIEMENT DES DOMMAGES INTERETS – ARTICLE 1611 CODE CIVIL – PREJUDICE CERTAIN – REPARATION (OUI) – EXECUTION PROVISOIRE (oui).
Selon les dispositions de l'article 98 AUSCGIE « toute société jouit de la personnalité juridique à compter de son immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier ... ». Il convient donc de constater la capacité d'une société à ester en justice dès lors qu'il est démontré que son immatriculation au registre de commerce et du crédit mobilier est intervenue avant l'acte d'assignation.
Il est de droit de l'acquéreur de demander la résolution de la vente et une réparation lorsque le vendeur manque à son obligation de délivrance sans justification aucune. Dans tous les cas, le vendeur doit être condamné aux dommages intérêts s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur, du défaut de délivrance du terme convenu.
Article 1315 CODE CIVIL
Article 1610 CODE CIVIL
Article 1611 CODE CIVIL
Article 394 CODE DE PROCEDURE CIVILE
(Tribunal DE GRANDE INSTANCE DE BOBO-DIOULASSO (BURKINA FASO), Jugement n° 74 du 04 avril 2004, Société d'Affrètement et de Transport (SAT) c/ BARRO Alassane).
LE TRIBUNAL,
FAITS, PRETENTIONS, MOYENS ET PROCEDURE
Par exploit d'huissier de justice en date du 07 novembre 2003, la Société d'Affrètement et de Transport en abrégé SAT a attrait le sieur BARRO Alassane par devant le tribunal de céans pour voir constater et déclarer la vente intervenue entre elle et le défendeur résolue et par conséquent la condamnation du défendeur à lui payer la somme de quatre millions six cent mille (4.600.000) F.CFA en principal outre celle de cinq millions (5.000.000) F.CFA à titre de dommages‑intérêts d'abord assortir le montant de la condamnation des intérêts de droit à compter du 15 février 2002 jusqu'à parfait paiement et ordonner l'exécution provisoire du présent jugement ensuite la condamnation du sieur BARRO Alassane aux dépens.
A l'appui de ses prétentions, la SAT expose qu'en début d'année 2002 et pour les besoins de transport de coton, elle a passé une commande de pneus pour les camions avec le sieur BARRO Alassane qui a accepté de les lui fournir au plus tard le 15 février 2002; que sur la base de la confiance elle a payé entre les mains du défendeur la somme de quatre millions (4.000.000) F.CFA par chèque le 29 janvier 2002 outre celle de six cent mille (600.000) F.CFA en espèces à titre d’avance; qu'une fois en possession de la somme, le défendeur ne s'est plus présenté à la SAT pour livrer la marchandise malgré ses multiples relances à lui faites; que conformément aux dispositions des articles 1609 et 16107 du code civil, il convient de constater la résolution de fait et par conséquent prononcer la décision de droit; qu'en outre, ayant passé la commande de pneus dans le cadre du transport de coton de la SOFITEX, le comportement du défendeur lui a fait rater de nombreux voyages entraînant des manques dont elle évalue le dommage à cinq millions (5.000.000) F.CFA;
Qu'enfin la réticence du défendeur, non seulement à livrer la marchandise mais surtout à rembourser la somme perçue, est fortement abusive; qu'il y a lieu d'assortir le jugement à intervenir tant de l'exécution provisoire que des intérêts de droit pour compter du 25 février 2002 et la condamnation du défendeur aux dépens;
En réplique, le défendeur BARRO Alassane conclut à l'irrecevabilité de l'action pour défaut de capacité de la SAT à ester en justice conformément aux dispositions de l'article 98 de l'acte uniforme du traité OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique;
DISCUSSION
Sur la recevabilité de l'action
Attendu que le défendeur conclu à l'irrecevabilité de l'action de la SAT pour défaut de capacité de la SAT à ester en justice; qu'il invoque ainsi l'article 98 de l'acte uniforme suscité qui dispose que « toute société jouit de la personnalité juridique à compter de son immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier ... »; qu'en effet n'ayant pas été immatriculée au moment de l'introduction de l'action, elle n'est pas capable d'ester en justice car ne jouissant pas de la personnalité juridique;
Attendu que la capacité juridique d'ester en justice peut être définie comme l'aptitude à faire valoir ses droits et intérêts en justice;
Attendu que dans le cas d'espèce, l'acte d'assignation a été fait le 07 novembre 2003 et enregistré à la direction générale des Impôts le 17 avril 2003; qu'il y a lieu de constater qu'au moment de l'assignation, la SAT avait déjà été immatriculée au registre de commerce et du crédit mobilier et jouissant donc de la personnalité juridique conformément aux dispositions de l'article 98 de l'acte précité;
Attendu qu'en outre, que conformément aux dispositions des articles 29 et 98 toujours du même acte précité, l'immatriculation peut être définie comme étant à la fois, la date de naissance et de déclaration à l'état civil d'une société; que cependant la gestation d'une société étant relativement longue, les actes accomplis au cours des différentes étapes de sa constitution sont pris en compte; Attendu qu'il convient donc de constater la capacité de la SAT à ester en justice et par conséquent rejeter l'exception soulevée par le défendeur;
Sur la résolution de la vente
Attendu que la SAT sollicite la résolution de la vente; qu'elle fait valoir que depuis la commande des pneus en début d'année 2002, BARRO Alassane, une fois entré en possession d'une partie du prix ne s'est pas exécuté;
Attendu que l'article 1610 du code civil dispose que « si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu entre les parties, l'acquéreur pourra, à son choix demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession si le retard ne vient que du fait du vendeur
Attendu que dans le cas d'espèce, BARRO Alassane, en acceptant en toute connaissance de cause de fournir les pneus à la SAT au plus tard le 15 février 2002, ne s'est pas exécuté jusqu'à nos jours; qu'il n'a apporté aucun élément justifiant son retard dans l'exécution du contrat; qu'il est de droit de la SAT de demander la résolution de la vente; qu'il y a lieu donc, en déclarant recevable l'action de la SAT prononcer la résolution de la vente intervenue entre les deux parties.
Sur le paiement de la somme de 4.000.000 F et celle de 600.000 F
Attendu que la SAT sollicite la répétition des sommes qu'elle a versée entre les mains de BARRO Alassane;
Attendu qu'il résulte de l'article 1315 du code civil que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver;
Attendu que la SAT prétend avoir versé entre les mains du défendeur la somme de 4.000.000 par chèque de la BIB et une somme de 600.000 F sur la base de confiance;
Attendu qu'en ce qui concerne la somme de 4.000.000 F la SAT a produit une copie du chèque et une décharge de BARRO Alassane dans laquelle il reconnaît avoir reçu le chèque BIB n° 399686 du 29 janvier 2002; Que cette somme étant prouvée il y a lieu de condamner BARRO Alassane au paiement de ladite somme; que quand à la somme de 600.000 F la SAT n'apporte aucune preuve de sa créance; qu'elle se contente d'affirmer que cette somme a été remise sur la base de la confiance qu'il échet de la débouter pour ce chef de demande ainsi que celui de la demande de condamnation des intérêts de droit à compter du 15 février 2002;
Sur le paiement des dommages intérêts
Attendu que la SAT sollicite en outre le paiement de dommages intérêts; qu'elle expose que la commande de pneus est intervenue suite à un contrat de transport de coton qu'elle avait signé avec la SOFITEX; que n'ayant pas les pneus pour chausser ses camions, elle a raté de nombreux voyages entraînant ainsi des manques à gagner;
Attendu que l'article 1611 du code civil dispose que « dans tous les cas, le vendeur doit être condamné aux dommages intérêts s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur, du défaut de délivrance du terme convenu »;
Attendu qu'il est constant que le terme convenu pour la livraison des pneus n'a pas été respecté; qu'en outre le prix d'avance n'a été restitué, qu'enfin le comportement du défendeur a fait perdre à la SAT beaucoup de voyages entraînant des manques à gagner, en d'autres termes entraînant un préjudice certain à la SAT qu'il convient de réparer;
Attendu cependant que l'évaluation du préjudice subi par la SAT à la somme de 5.000.000 F.CFA paraît excessive; qu'il convient de ramener la somme de 700.000 F.CFA;
Sur l'exécution provisoire
Attendu que la SAT sollicite encore l'exécution provisoire du jugement; qu'il justifie sa demande par la mauvaise foi du défendeur;
Attendu dans le cas d'espèce, la mauvaise foi du défendeur est apparente; qu'en outre la créance étant en péril, il échet d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement;
Sur les dépens
Attendu enfin que la SAT sollicite la condamnation du défendeur aux dépens conformément aux dispositions de l'article 394 du code de procédure civile;
Attendu que le défendeur a succombé à ce procès, qu'il échet de le condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort;
– rejette l'exception soulevée par BARRO Alassane;
– déclare recevable et partiellement fondée la demande de la Société d'Affrètement et de Transport (SAT)
– prononce la résolution de la vente intervenue entre la SAT et BARRO Alassane;
– condamne par conséquence BARRO Alassane à payer à la SAT la somme de quatre millions (4.000.000) F.CFA en principal outre celle de sept cent mille (700.000) F.CFA à titre de dommages intérêts;
– déboute la SAT du surplus de sa demande;
– ordonne l'exécution provisoire du présent jugement;
– condamne BARRO Alassane aux dépens.