J-05-240
PROCEDURE SIMPLIFIEE DE RECOUVREMENT DES CREANCES – INJONCTION DE PAYER – ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER – OPPOSITION – RECEVABILITE (OUI) – NON CONTESTATION DE LA CREANCE – EXCEPTION DE NULLITE – ACTE DE SIGNIFICATION DE L'ORDONNANCE D'INJONCTION DE PAYER – ARTICLE 8 AUPSRVE – MENTIONS OBLIGATOIRES – NON MENTION DES INTERETS ET FRAIS DE GREFFE – NULLITE DE L'ACTE DE SIGNIFICATION (oui).
La signification de l'ordonnance d'injonction de payer doit contenir à peine de nullité les mentions prescrites par l'article 8 AUPSRVE, et en l'espèce, la précision du montant des intérêts et frais de greffe.
Article 394 CODE DE PROCEDURE CIVILE
(Tribunal DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n° 242 du 14 juillet 2004, l'Entreprise TAPSOBA S. François et Frères (ETFF) c/ ZONGO S. Jean-Baptiste).
LE TRIBUNAL,
Vu les pièces du dossier;
Ouï à l'audience du 10 mars 2004, date à laquelle le dossier de l'affaire a été renvoyé devant le juge conciliateur pour être reprogrammé à l'audience du 16 juin 2004, où il a été débattu et mis en délibéré au 30 juin 2004; délibéré prorogé pour jugement être rendu à l'audience du 14 juillet 2004;
Ouï les parties en leurs explications, fins, moyens et conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi
FAITS, MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Le 10 février 2004, l'Entreprise TAPSOBA S. François et Frères en abrégé « ETFF », agissant poursuites et diligences de son gérant monsieur TAPSOBA S. François a, par acte d'huissier de justice formé opposition contre l'ordonnance d'injonction de payer n° 52/2004 rendue le 21 janvier 2004 par madame la présidente du tribunal de grande instance de Ouagadougou, au pied d'une requête à elle présentée le 14 juillet 2004, laquelle ordonnance lui a été signifiée le 27 janvier 2004;
Par les mêmes actes il a donné assignation à monsieur ZONGO S. Jean-Baptiste, à comparaître devant le tribunal pour voir déclarer son opposition recevable, voir annuler l'ordonnance et ordonner le sursis à exécution des poursuites;
Au soutien de son opposition et par la plume de maître B. Jean-Pierre BASSOLE, il fait valoir que l'exploit de signification de l'ordonnance est entaché de nullité; Qu'il ne respecte pas les dispositions de l'article 8 de l'acte Ohada relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution et conclut au débouté de monsieur ZONGO S. Jean-Baptiste de son action en recouvrement de sa créance et demande reconventionnellement la somme de 5.000.000 F.CFA pour cause d'abus de droit, fondement tiré de l'article 1382 du code civil;
Que l'ordonnance à lui servie le 27 janvier 2004 reste muette sur le montant des intérêts et frais de greffe, et se contente simplement de mentionner celui du principal de la créance, violant ainsi les prescriptions de l'article 8 de l'acte Ohada suscité qui prescrit à peine de nullité de préciser dans l'acte de signification le montant des intérêts et frais de greffe;
Que les mêmes dispositions prescrivent sous la même sanction le défaut d'indication dans l'acte de signification des formes selon lesquelles l'opposition doit être faite; Que tout acte d'opposition fait hors ces formes ne peut être qu'inefficace;
En ce qui concerne le fond, il explique qu'il était en relation de collaboration avec monsieur ZONGO S. Jean-Baptiste dans le cadre de leurs activités respectives;
Que pour financer les activités de son entreprise, il a obtenu un prêt d'un montant de un million quatre cent vint sept mille sept cent soixante quinze (1.427.775) F.CFA, courant juin 2003, auprès de celui-ci; Que ledit prêt matérialisé par la reconnaissance de dette devait lui servir comme fonds de roulement pour alimenter son compte bancaire en vue de participer à un appel d'offre pour la fourniture de mobilier scolaire au MEBA;
Qu'après obtention dudit marché, son prêteur, monsieur ZONGO S. Jean-Baptiste lui a proposé de changer de domiciliation bancaire en mettant son nom, ainsi qu'un partage des bénéfices qui résulteront de l'exécution du marché;
Qu'ayant refusé la première condition, naquit alors une mésentente entre eux; Que ZONGO S. Jean-Baptiste lui a exigé le remboursement de la somme qu'il lui avait prêtée en portant plainte devant la brigade ville de gendarmerie de Boulmiougou qui s'en était dessaisit pour absence d'infraction; Qu'à la suite, il lui servait par le ministère d'un huissier de justice, l'ordonnance d'injonction de payer signifiée le 27 janvier 2004, dont opposition;
Qu'il ne conteste pas la créance, ni dans son principe ni dans son montant, Que cependant en recourant à la gendarmerie et par la suite, à la procédure d'injonction de payer pour rentrer dans ses droits, monsieur ZONGO S. Jean-Baptiste commet de graves irrégularités qui lui sont préjudiciables, notamment la violation d'un l'accord de règlement conclut devant le même huissier, accord selon lequel il devait lui régler sa créance au plus tard le 30 janvier 2004;
Qu'il a perdu un marché qui devait lui rapporter la somme de 2.000.000 F.CFA, du fait de son séjour à la gendarmerie le 07 décembre 2003 de 15 heures à 19 heures; Qu'aussi après avoir satisfait à toutes les conditions exigées par la banque pour l'obtention d'un prêt, celle-ci s'est abstenue de lui décaisser les fonds en lui signifiant, au dernier moment, cela certainement du fait de monsieur ZONGO S. Jean-Baptiste, qu'il serait plus spécialisé dans la maçonnerie que dans la soudure;
Qu'il a dû faire face à nouveau, à des frais de dossier, en ayant recourt à la FIB, une autre institution financière, et à des pénalités de retard dans l'exécution du marché; Que ces frais de retard et les pénalités ne peuvent s'évaluer à moins de 3.00.000 F.CFA;
Qu'au regard de tout ce qui précède, il sollicite reconventionnellement la somme de 5.000.000 F.CFA à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi;
En réponse et par la plume de son conseil, monsieur ZONGO S. Jean-Baptiste, défendeur à l'opposition, rejette tous les moyens et prétentions comme étant mal fondées;
Il fait valoir que les articles 99 à 102 du code de procédure civile qui traitent de « la nullité des actes d'huissiers » ne s'applique que lorsqu'il a été porté atteinte aux intérêts de la défense ou si la nullité nuit aux intérêts de celui qui l'invoque; Que de principe général de droit, il n'y a pas de nullité sans grief;
Que conformément à l'article 137 alinéa 2 du code de procédure civile, la nullité dont veut profiter monsieur TAPSOBA S. François se trouve couverte par ses moyens de défense soulevés postérieurement à l'acte critiqué;
Que pour une bonne administration de la justice, ces exceptions de nullité qui apparaissent être la manifestation d'une résistance dilatoire et même abusive à son action bien fondée, ne peuvent être accueillies surtout que l'article 140 du code de procédure civile offre une possibilité de régularisation ultérieure de l'acte;
Que sa créance est contractuelle, certaine, liquide et exigible, non contestée ni contestable, Qu'eu égard au caractère non substantiel du vice de forme critiqué, il sollicite voir dire et juger valable l'exploit de signification du 27 janvier 2004;
En réplique TAPSOBA S. François affirme que les dispositions du code de procédure civile invoquées par son créancier sont inopérantes en l'espèce face aux dispositions de la loi supranationale qu'est l'acte uniforme;
Qu'en tout état de cause, il subit un réel préjudice du fait du défaut de précision du montant des intérêts et frais de greffe sur l'exploit de signification, dans la mesure où il ne connaît pas exactement le montant exact à payer;
ZONGO S. Jean-Baptiste résiste à toutes ces prétentions en faisant valoir que sa créance étant en péril, il a usé des voies que lui offre la loi à l'effet d'obtenir le paiement de sa créance; Qu'il n'existe aucun accord de règlement entre eux et pour preuve son débiteur résiste abusivement, laissant transparaître son peu d'enclin à régler sa créance;
Que la demande reconventionnelle de TAPSOBA S. François n'est qu'un simple moyen de défense à la demande principale et ne saurait être recevable à fortiori fondée;
Qu'elle ne respecte pas les conditions de l'article 108 alinéa 2 du code de procédure civile qui prévoit que « la demande reconventionnelle est formée par le défendeur en réplique à la demande principale pour obtenir un avantage distinct du seul rejet de la prétention de son adversaire »
MOTIFS DE LA DECISION
EN LA FORME
Attendu que TAPSOBA S. François dans son opposition ne conteste pas la créance ni dans son fondement ni dans son principe ni dans son montant mais soulève in limine litis la nullité de la signification de l'ordonnance d'injonction de payer pour violation de l'article 8 de l'acte uniforme portant sur le recouvrement des créances et voies d'exécution;
Attendu que l'article 8 de l'acte uniforme portant procédure simplifiée de recouvrement prescrit « qu'à peine de nullité, la signification de la décision portant injonction de payer contient sommation d'avoir :
– soit à payer au créancier le montant de la somme fixée par la décision ainsi que les intérêts et frais de greffe dont le montant est précisé, » (...);
Que sous la même sanction, elle « indique le délai dans lequel l'opposition doit être formée, la juridiction devant laquelle elle doit être portée et les formes selon lesquelles elle doit être faite »...;
Attendu que l'acte de signification critiqué fait sommation au débiteur, d'avoir à payer la somme de un million quatre cent vingt sept mille sept cent soixante quinze (1.427.775) F.CFA sans préjudice de tous les frais occasionnés par la présente procédure et les intérêts jusqu'à parfait paiement et l'avise que s'il a des moyens de droit à faire valoir tant sur la compétence que sur le fond, de former opposition dans les 15 jours des présentes par devant le tribunal de grande instance de Ouagadougou sans précisions des formes dans lesquelles l'opposition doit être faite;
Qu'en procédant ainsi, l'exploit de notification en date du 27 janvier 2004 de l'ordonnance d'injonction de payer, viole les dispositions de la l'article 8 sus invoqué qui sanctionne de nullité le vice constaté, par conséquent mérite d'être annulé;
Attendu que conformément à l'article 394 du code de procédure civile, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens; Qu'il convient de condamner ZONGO S. Jean-baptiste aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort,
EN LA FORME
Annule l'exploit de notification d'ordonnance d'injonction de payer en date du 27 janvier 2004 pour violation de l'article 8 alinéa 2 de l'acte uniforme Ohada portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution.
Condamne ZONGO S. Jean-Baptiste aux dépens.